Embarquement avec Homère au Louvre-Lens

« Toutes ces choses n’existent pas, mais elles durent encore. » C’est avec cette citation du philosophe Saloustios (IVe siècle) que le visiteur conclura son parcours (son odyssée ?) de l’exposition consacrée à Homère au Louvre-Lens. Le mystère qui continue de planer autour de la figure d’Homère (a-t-il seulement existé ?) a depuis toujours suscité l’intérêt du public. Que l’aède soit une invention collective ou que le poète à qui l’on prête un visage (et que l’on décrit généralement aveugle) soit un authentique personnage historique ne modifie en rien son importance pour la civilisation occidentale. Blaise Cendrars à qui l’on demandait s’il avait réellement pris le transsibérien répondait : « Qu’importe puisque je vous l’ai fait prendre à tous ». Il en va de même pour les deux épopées attribuées à Homère, l’Iliade et l’Odyssée, dont chacun connaît au moins le nom et, souvent sans le savoir, les personnages.

Le visiteur sera accueilli par les dieux de l’Olympe : pour l’occasion, on a ressorti les plâtres de la gypsothèque du Louvre (précédemment à l’école des Beaux Arts) et c’est sous le regard ou la protection d’Athéna (aux yeux pers), Apollon (sa lyre, son arc et ses flèches), Héra (son sceptre, son diadème) ou Aphrodite (sa colombe, son cygne) que l’on pourra pénétrer dans l’exposition proprement dite. Elle est présentée en deux sections parallèles, la première étant consacrée à l’Iliade (qui doit son nom à l’appellation en grec ancien de la ville de Troie, Ilion ou Ilios). Cette épopée guerrière de plus de 15.000 vers est avant tout, selon l’un des quatre commissaires, « l’histoire de la colère du plus terrible des guerriers grecs, Achille ». Fourmillant d’exploits héroïques, elle célèbre le combat, la guerre, la mort glorieuse.

Pour illustrer ces faits d’armes, les concepteurs de l’exposition ont puisé un peu partout, et s’ils se sont limités en nombre, ils ne se sont fixé aucune barrière dans les styles. Les travaux des postulants au prix de Rome du XIXe siècle sont présents tout aussi bien que ceux d’artistes confirmés ou contemporains.

On a pu dire que l’Iliade était essentiellement selon la légende une « affaire d’hommes » tandis que l’Odyssée traduirait la part féminine du héros, un peu comme l’animus et l’anima chers au philosophe Gaston Bachelard, Beaucoup moins guerrière, l’Odyssée accorde une place importante aux femmes, pratiquement absentes de l’Iliade. On y croise la nymphe Calypso dont on admirera les jolies boucles, la magicienne Circé, qui transforme tout le monde en cochons, la belle Nausicaa, dont les yeux clairs restent célèbres, et la tendre Pénélope, chez laquelle certains voient le double féminin d’Ulysse. Là aussi, les interprétations furent nombreuses et le musée présente entre autres, parmi les œuvres du XXe siècle, des fresques de Derain et Chagall. On découvrira également, en provenance du château de Versailles, un surprenant guéridon dit « du bouclier d’Achille », somptueux décor de mosaïques dont la réalisation a demandé six ans de travail et qui fut offert en 1826 au roi de France par le pape Léon XII.

Pour mieux profiter de la visite, il ne sera sans doute pas inutile, avant de se rendre au musée, de réviser ses classiques. La consultation de l’excellent dictionnaire des œuvres Laffont Bompiani, par exemple, vous aidera. Elle vous évitera également de tomber de Charybde en Scylla, qui désignent, comme chacun sait, les monstres marins auxquels Ulysse a échappé, de la même façon qu’il a su résister aux chants périlleux des sirènes. On est héros ou on ne l’est pas.

Gérard Goutierre

Musée du Louvre-Lens ( Pas de Calais)
jusqu’au 22 juillet

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2 réponses à Embarquement avec Homère au Louvre-Lens

  1. Le très poétique Naissance de l’Odyssée de Giono est dans Les Cahiers Rouges.

  2. Caroline Rives dit :

    À lire autour d’Homère:
    De Daniel Mendelsohn, Une Odyssée, un superbe livre sur l’enseignement des littératures classiques et les rapports entre pères et fils
    De Madeline Miller, Circé (son autobiographie, enfin !), et Le chant d’Achille (chanté par son ami Patrocle)
    Et de Pietro Citati, La pensée chatoyante, une merveilleuse lecture de l’Odyssée !

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