Escapade flamande

Fin avril, l’apparition des beaux jours suscite chez le Parisien qui a fait son plein de grisaille hivernale une subite envie de bord de mer, de bouffée d’air frais. Une échappée, aussi courte soit-elle, serait la bienvenue. Deauville, Honfleur ou Trouville semblent soudain des destinations bien tentantes … si ce n’était la crainte d’y trouver les promenades et les terrasses bondées de tous ces Parisiens partageant justement ce même désir de nature et de dépaysement. Sans parler du retour sur Paris en voiture garant d’inévitables bouchons et de gaz d’échappement respirés jusqu’à plus soif… Pousser plus vers le nord serait sans doute un meilleur gage de tranquillité. A trois petites heures de Paris, la mer du Nord nous tend les bras… L’idée d’une escapade flamande devient alors on ne peut plus séduisante.

Ostende (ci-dessus) et son estacade de huit kilomètres, ses cabines de plage proprettes semblables à celles du siècle dernier, ses Galeries d’un autre temps… Face à des immeubles modernes malheureusement sans charme, l’immense digue s’avère quasi déserte, les terrasses de cafés sont vides, la plage et la mer se profilent semble-t-il à l’infini. Le soleil est au rendez-vous et le vent n’est pas encore levé. Un sentiment de bien-être inestimable nous enveloppe. La bouffée d’oxygène tant attendue fait aussitôt son effet.

Sur la promenade Albert 1er, à chaque nouvelle édition du Festival du Film d’Ostende, des étoiles ont été gravées pêle-mêle sur le sol, tel un Walk of Fame ostendais. Les promeneurs peuvent alors s’amuser à y lire les noms de célébrités du 7ème art: Matthias Schoenaerts, Jaco Van Dormael, Bille Auguste, Pierce Brosnan, Ludivine Sagnier… Après cet aller-retour en bord de mer des plus bénéfiques, puis un inévitable coup d’œil au trois-mâts Mercator, une pause déjeuner sur le port s’impose. Le menu local est là aussi dépaysant : croquettes de crevettes, moules frites accompagnées, non pas d’un verre de vin blanc, mais bien évidemment d’une bière, nous sommes en Belgique ! Si la ville ne présente pas de véritable intérêt, son Mu.ZEE, en revanche, est indéniablement à visiter. James Ensor (1860-1949) et Léon Spilliaert (1881-1946), tous deux enfants du pays, y sont actuellement exposés. À côté de quelques tableaux avec masques et squelettes ayant fait la renommée du premier (“Squelettes se disputant un pendu”, “L’étonnement du Masque Wouse”, “Masque regardant des crustacés”…), on peut découvrir des paysages et des intérieurs d’une grande beauté, plus confidentiels dans l’œuvre de James Ensor (“Le salon bourgeois”, “Après-midi à Ostende”, “La mangeuse d’huîtres”…). Quant à Léon Spilliaert, la mélancolie qui se dégage de ses toiles, la représentation de grands espaces vides et le traitement de la lumière en clair-obscur nous font par moments penser à un autre de ses contemporains plus familier du grand public, Edward Hopper. “Vertige”, “Le phare d’Ostende au lever du soleil”, “Le coup de vent”, “Les habits blancs”…, autant d’œuvres d’une puissance qui force l’admiration.

Après la cité balnéaire d’Ostende, à une petite trentaine de kilomètres, un autre dépaysement s’offre à nous avec la magnifique ville de Bruges (ci-contre). Bruges, la si bien nommée “Venise du Nord”, avec ses canaux, ses petits ponts, ses rues pavées, ses typiques maisons de brique rouge aux pignons à redents, ses devantures peintes d’un rouge vif et harmonieux… Bruges, musée à ciel ouvert, hymne architectural à la Renaissance flamande, se découvre à pied, au hasard de la flânerie. Le Markt avec son beffroi, ses halles et ses belles maisons anciennes, le Burg et son hôtel de ville, la basilique du Saint-Sang et le somptueux palais du Franc de Bruges… Puis, plus au sud, Notre-Dame et l’hôpital Saint-Jean. Ce patrimoine exceptionnel merveilleusement conservé semble ne pas avoir pris une ride au cours des siècles. Le Lion et l’Ours qui composent le blason de la ville veillent très certainement sur lui (1).

Le printemps est indéniablement la saison idéale pour découvrir Bruges et s’émerveiller également devant sa végétation luxuriante. Une promenade en bateau sur les canaux permet d’en apprécier toute l’abondance.

Les Maisons-Dieu, ces ensembles charmants formés de petites maisons basses datant du XVIIème siècle, ayant à l’origine vocation à héberger les miséreux, constituent, par ailleurs, à l’abri des regards des visiteurs, un très appréciable havre de paix où il fait bon se poser quelques instants.

Autre cadre paisible et on ne peut plus romantique, mais certainement hautement touristique en été : le Béguinage de la Vigne. Sa création remonte au Moyen-Age lorsque le départ des hommes pour les croisades amena de nombreuses épouses à s’entraider et à organiser leur vie en communauté tout en respectant les préceptes de la morale chrétienne. Haut lieu de la vie spirituelle et contemplative devenu depuis un site de légende, isolé de la ville par ses deux portes monumentales et ses fossés, le Béguinage incite à la méditation et à la promenade. Son “lac d’amour” et ses pelouses verdoyantes où se promènent de majestueux cygnes blancs complètent ce tableau des plus poétiques.

Si la ville de Bruges regorge d’églises et de musées, nous gardons ces découvertes pour un prochain séjour, leur préférant pour le moment une longue déambulation sur les quais, plus au nord. Dans ce même quartier de la Bruges hanséatique, près de la place Jan Van Eyck, tout proche d’un canal, au calme, se trouve un petit hôtel familial des plus charmants où il fait bon passer la nuit. (2)

Cette petite escapade flamande ne saurait se terminer sans pousser plus vers l’est, à Gand, afin de découvrir le prestigieux retable de “L’Adoration de l’Agneau mystique” des frères Van Eyck. Sur la route de Gand, la traversée du petit village de Laethem-Saint-Martin permet d’apercevoir de magnifiques cottages dans un écrin de verdure et de végétation des plus somptueux. Un peu plus loin, le château d’Ooidonk (ci-contre), domaine privé qui ne se visite que le dimanche après-midi à la belle saison, est une petite merveille du XVIIème siècle en style hispano-flamand de la Renaissance. Surnommé le “Petit Chambord belge”, une promenade dans ses jardins impeccablement soignés à la française permet d’en faire agréablement le tour.

Alors que Bruges se démarquait par ses maisons de briques rouges, Gand est essentiellement construite en pierre grise. Quelques touches colorées apparaissent cependant de ci de là. S’il s’agit d’une ville importante nécessitant très certainement un séjour de plusieurs jours pour être un tant soit peu cernée, une balade dans son quartier historique – surnommé la “cuve” – permet toutefois d’en saisir toute la richesse architecturale. Les édifices sont situés les uns à côté des autres : le Château de Gérard le Diable, la Cathédrale Saint-Bavon (qui contient le fameux retable), l’hôtel de ville, le beffroi, l’église Saint-Nicolas, le Château des Comtes… Véritables géants de pierre, ces monuments en imposent par leur taille et leur prestance.

Le soir, la ville, par ailleurs particulièrement festive, est joliment éclairée. La voici dotée d’une lumière bienvenue dont le temps grisâtre de la journée l’avait entièrement dépourvue. Une balade nocturne permet alors d’en apprécier tout le charme. Les édifices, mis en valeur, semblent soudain plus majestueux qu’imposants, les places et habitations, parées d’un nouvel éclat, sont à leur avantage. Des détails architecturaux passés inaperçus de jour ressortent sous l’éclairage savant qui les enveloppe. La balade nocturne surpasse de loin la visite diurne. La lumière sied à la ville de Gand.

Il aura suffi de trois petits jours en Flandre pour savourer un dépaysement total. Heureux et profitable, ce bref aperçu mérite d’être approfondi tant l’histoire et la richesse culturelle de cette région sont grandes. Une expérience à poursuivre…

Isabelle Fauvel

(1) Le blason de Bruges est composé d’un Lion, symbole des Flandres, et d’un Ours, premier être vivant qu’aurait rencontré, selon la légende, Baudouin bras de fer, premier comte de Flandre, en arrivant sur son domaine.

(2) Hôtel Bryghia à Bruges

 

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3 réponses à Escapade flamande

  1. Didier D dit :

    Une balade, même nocturne, c’est comme un bal , un seul l .
    La ballade, Au clair de la lune, c’est comme l’ami Pierrot , deux r, deux l .

  2. ISABELLE FAUVEL dit :

    Oups. Merci beaucoup, cela m’avait échappé. Je le fais corriger de suite.

  3. Michèle de Lille dit :

    A Ostende, il y a également le parcours Street Art  » The Crystal Ship  » à suivre au détour des rues en levant le nez ….
    Depuis 2016 et chaque année maintenant, une soixantaine d’artistes internationaux ont investi les rues et  » coloré  » les murs, portes de garages et façades de fresques, sculptures et autres peintures murales ….
    Agréable promenade, en ce printemps ensoleillé, à la recherche des oeuvres d’art ….

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