Petit abécédaire pandémique

Achats essentiels… nous avons pris conscience que nous faisions des tas d’achats non essentiels auprès de commerces de seconde nécessité. Mais la définition d’essentiel peut varier d’un décret à l’autre, d’un individu à l’autre. Certaines femmes ne peuvent pas se passer de leur rouge à lèvres Mac (non testé sur les animaux), alors que des jeunes attendent fébrilement les derniers épisodes de « Assassin’s Creed » ou de « Stars Wars ». Lors du Confinement II, le classement des librairies en «commerces non essentiels» a provoqué une révolte citoyenne, car quel décret gouvernemental peut-il décréter qu’un livre n’est pas essentiel ?

Aérosols… ces petites particules répandues dans l’air ont été complètement sous- estimées au début de la pandémie, le coronavirus étant censé se propager sur une trajectoire rigoureuse allant de bouche à bouche, de nez à nez, sans s’écarter de son chemin. Actuellement, on admet que le virus se propage à 70% par ces aérosols au nom si poétique.

Asymptomatique… notion demeurée obscure au début, car nous avions du mal à comprendre qu’on pouvait être contagieux sans avoir aucun symptôme, comme le Bourgeois Gentilhomme faisait de la prose sans le savoir.

Attestation dérogatoire… elle fait beaucoup rire certains de nos voisins européens ou autres, avec son petit air carcéral, mais en fait d’autres voisins la pratiquent également. Le plus dur : ne pas dépasser un kilomètre de chez soi quand on prend son bol d’air journalier, car comment le sait-t-on ?

Black Friday… une de ces foires à l’achat tout azimut venue tout droit, mais avec retard comme d’habitude, des USA, donnant droit à d’intenses négociations gouvernementales avec les commerçants pour savoir s’il faut ou non la reporter. La notion d’«achat essentiel» étant totalement mise de côté.

Cas contact ou « contact tracing » … attention, vous pouvez devenir à tout moment un «cas contact» sans même vous en apercevoir, sans avoir rien fait pour sinon être en contact avec un quidam quelconque. Ensuite, il faut faire votre devoir, quel qu’il soit.

Click and collect… expression chic, grande différence entre le Confinement I et le Confinement II. Cette fois, nous sommes encouragés à cliquer et collecter à peu près tout, notamment les livres ou les ordinateurs, pour freiner les achats sur Amazon et autres, qui dépassent tout ce qu’on peut imaginer depuis le premier Confinement.

Complotisme… les théories complotistes et les «fake news» sur le coronavirus explosent dans le monde entier, la dernière étant véhiculée en France par le soi-disant documentaire «Hold-Up» affirmant que le virus résulte d’un complot mondial entre les riches, Davos, Bill Gates, l’Institut Pasteur qui a fabriqué le virus et autres «big pharma». Aux États-Unis, des patients en soins intensifs continuent à croire que le coronavirus n’est qu’une «fake news». Les Français, eux, semblent de plus en plus conspirationnistes, et seraient en Europe les plus antivaccins de tous.

Confinement… nous avons été confinés du 10 mars au 11 mai, puis déconfinés du jour au lendemain, puis reconfinés depuis le 30 septembre. Sans parler de l’éphémère couvre-feu. Nous avons ainsi acquis une certaine souplesse dans la discipline.

Covid19… doit-on dire la ou le Covid ? Secrétaire perpétuel de l’Académie française, Hélène Carrère d’Encausse s’est prononcée pour «la» Covid, puisqu’il s’agit d’une maladie. Mais peu de gens l’ont suivie… on ne sait pourquoi.

Distanciel, présentiel, etc… font partie de ces mots (ridicules) créés pour la circonstance, au lieu d’employer des mots sanctifiés par l’usage, comme «à distance» ou «en personne». Comme si à situation nouvelle, les mots d’autrefois ne suffisaient plus. Curieux réflexe… Ainsi l’Éducation nationale prodigue ses conseils aux professeurs sur les nouvelles mesures liées à la Covid-19, insistant notamment «sur la capacité d’apprenance» des étudiants, et sur «de nouveaux apprentissages non formels ou expérientiels». Existentiel, non ?

E-commerce… nos commerçants et autres boutiquiers étaient très en retard dans le domaine, puisque seulement un commerce sur 3 en France était présent sur le numérique. Grâce au coronavirus, beaucoup se lancent dans l’aventure, et se déclarent émerveillés.

Gel hydroalcoolique… donnera aux Français l’habitude de se laver les mains plusieurs fois par jour.

Gestes barrières… on aimerait savoir qui a inventé l’expression, c’était il y a déjà si longtemps. On s’est habitués à ne plus se serrer la main, plus s’embrasser, plus s’approcher, à crier derrière le masque, à respecter la distance avant d’entrer dans un magasin. Mais une fois entrés, c’est la ruée vers l’or, plus personne ne respecte rien. Les gestes barrière varient beaucoup d’un moment à l’autre.

Infectiologues… ils se produisent jour après jour sur le petit écran sans que nous ayons la moindre idée de leur compétence, car ils sont comme les économistes qui défendent tout et son contraire.

Les Goguettes… «T’as voulu voir le salon…», la meilleure chanson du Confinement I, parodiant le tube de Jacques Brel «T’as voulu voir Vésoul».

Masques… assimilés à une mascarade au début de la pandémie. Comme il y avait pénurie, les autorités gouvernementales nous certifiaient qu’ils protégeaient simplement les autres. Puis la pénurie s’atténuant, ils sont devenus protecteurs dans les deux sens. Les consignes de lavage édictées par l’Afnor se sont révélées outrancières, et on nous dit maintenant que même les masques jetables sont lavables ! Dans la rue, beaucoup mettent leur masque seulement sur la bouche ou sous le menton, comprenne qui pourra. Un chauffeur de taxi a déclaré «qu’il n’était pas un chien pour mettre une muselière», tandis qu’un plombier dissident estimait que «c’est de la dictature !»

Soignants, personnel hospitalier… souvenez-vous : ces héros du Confinement I étaient applaudis chaque soir à 20 h par les citoyens massés à leur fenêtre. Puis vite oubliés. Aujourd’hui, ils se disent «fatigués», «découragés», et sont toujours sous-payés.

Tester, tracer, isoler… mantra du gouvernement demeuré généralement un vœu pieux.

Tests… test RC-PPR avec écouvillon, test génique, test antigénique, test génétique, test sérologique, de quoi perdre son latin. Surtout qu’ils ne sont pas toujours fiables, plus ou moins rapides, parfois pratiqués sous des tentes dans la rue, et valables juste pour le jour même.

Lise Bloch-Morhange

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4 réponses à Petit abécédaire pandémique

  1. Alain-maurice Boutry dit :

    Et il faudrait citer aussi cette notion si utilisee par nos journalistes et politiciens : la distanciation sociale qui concerne plutot celle qui separe l’ouvrier du patron ou du proletaire du bourgeois au lieu de distanciation physique!

  2. philippe person dit :

    Chère Lise,
    avez-vous VRAIMENT regardé Hold-Up ou cru sur parole pour le dénigner nos médias en continu, les plus fiables du monde puisqu’ils rétribuent Pascal Praud, les Eric (Zemmour et Brunet) ?
    Dites-moi la vérité ! Allez…
    Ah… Une autre question (complotiste certainement) : est-ce que vous ne croyez pas qu’il y a des collusions d’intérêt ? Quid des labos pharmaceutiques, par exemple…

    • Lise Bloch-Morhange dit :

      Cher Philippe,
      rassurez-vous, je ne regarde pas les chaines d’infos en continu programmant Zemmour, Praud, et autres Brunet.
      J’ai vu une partie de « Hold up », mais j’en ai eu vite assez, sachant la vague déferlante de « fake news » déferlant sur nous.
      Je vous rappelle que j’ai fait un article sur le sujet le 16 novembre dernier à propos du documentaire « The social dilemma » (Derrière nos écrans de fumée), diffusé sur Netflix. Celui-là, il faut vraiment le regarder. L’avez-vous fait? Qu’en avez-vous pensé?

      • philippe person dit :

        Désolé, je n’ai pas Netflix et ne compte pas m’y abonner.
        J’ai lu votre article sur le documentaire que vous citez. Comme je sais, pour vous lire finalement beaucoup, que votre compte-rendu est à la fois clair et rend bien compte de son contenu, je peux m’en dispenser sans remords !

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