Copie presque conforme

Celle-là est authentique, par préméditation. Elle a été peinte d’après la vraie « Mona Lisa », quelques dizaines d’années suivant l’œuvre célébrissime de Leonard de Vinci. L’on estime que cette copie a en effet été exécutée vers 1600, peut-être même à Fontainebleau, là où se trouvait l’original acquis par François 1er. Ces renseignements proviennent de la maison Artcurial qui prévoit de mettre cette version aux enchères le 9 novembre à Paris. Elle est estimée entre cent cinquante et deux cent mille euros ce qui semble bien plus abordable que le demi-milliard dépensé il y a peu pour un « Salvator Mundi » dont l’attribution à l’artiste italien a suscité certaines réserves. Le fait que cette « Joconde » soit officiellement une copie voulue comme telle,  est rassurant. D’autant que l’auteur inconnu s’est autorisé certaines libertés qui la valorisent plutôt qu’elles ne désavantagent le résultat, un autre résultat. La lumière, le sourire, certains détails effectivement différents, témoignent quoiqu’il en soit d’un talent et d’une inspiration certains.

Contrairement aux siècles précédents, il n’est pas pas bien compliqué de nos jours de se faire un duplicata en bonne et due forme de « Mona Lisa ». Un logiciel de traitement d’image, un copier-coller de quelques secondes à partir d’un fichier haute définition en libre-service, un bon façonnier pour le tirage et le tour est joué. Pour les flemmards, la belle existe même en poster pour pas beaucoup plus de dix euros. Et pour quelques billets de plus, La Redoute va jusqu’à proposer l’affaire sur une toile italienne. Laquelle apportera, il faut le lire pour le croire, « une touche de décoration à votre intérieur, idéal dans des pièces comme un salon, un bureau, une cuisine, une chambre ou même une salle de bain ». La fameuse enseigne de vente par correspondance surenchérit en ajoutant que la « Joconde » conviendra très bien pour décorer l’intérieur d’un spa, qu’elle résiste ainsi imprimée aux rayons ultra-violets et que bien entendu tout est écologiquement compatible. Nous vivons incontestablement des moments formidables.

Gageons que ce portrait de Lisa Gherardini dit « La Joconde » ou « Mona Lisa » sera mieux traité par son futur acquéreur. D’abord on l’a dit, par qu’il ne s’agit pas stricto sensu d’une reproduction encore moins d’un ronéotype, d’un pastiche, d’une réplique, d’un plagiat, d’un fac-similé et autres genres d’imitation, mais d’une copie bien inspirée. Il s’en dégage une sensualité particulière qui la rend unique, voire désirable. Comme l’écrivait à ce titre François de la Rochefoucauld (1613-1680) parmi ses maximes: « Il n’y a qu’une sorte d’amour, mais il y en a mille différentes copies. »

Nous sommes bien loin de l’angoisse qui étreignait l’écolier penché sur son cahier et louchant sur celui du voisin afin d’en éponger le contenu à l’identique. Loin aussi de la petite copieuse qui ne faisait rien qu’à s’habiller comme sa copine.

Le verbe copier, datant du 13e siècle, signifiait au départ quelque chose comme transcrire abondamment. Un intéressant retour de balancier fait que c’est aujourd’hui à nouveau le cas. Ce verbe change donc, au gré des époques et des besoins. Avant l’ère de l’informatique on glissait du papier carbone dans la machine à écrire pour un bruyant rapport en trois exemplaires. Depuis une vingtaine d’années c’est un gigantesque lâcher-tout qui se produit. L’expéditeur d’un courrier électronique peut mettre cinq cents personnes en copie s’il le souhaite. Quant à la copie confidentielle qui caractérise ce nouveau siècle par son usage fréquent, elle est bien souvent l’œuvre de manipulateurs qui mettent « dans la boucle », les gens importants. La blague pour ces derniers pouvant consister à opérer un « répondre à tous », lequel vient d’un coup mettre à bas l’esprit de manœuvre si cher à Mazarin.

Tout le contraire, pour revenir à notre affaire, du talentueux inconnu qui s’attaqua voici quatre siècles à la « Joconde » (original ci-contre). On ne sait de combien de temps il disposa, face au produit initial, pour rendre sa copie. S’il a pu faire un croquis et dans quelle mesure il s’est servi de sa mémoire pour approcher la vérité. Il semble en tout cas qu’il n’a pas cherché à tromper son monde et encore moins trahir l’inventeur du sfumato, soit le « modelé vaporeux » dont la trouvaille est attribuée à de Vinci. Et qui depuis, a fait quelques petits.

PHB

 

Exposition publique : à Vienne du mardi 5 octobre au vendredi 8 octobre 2021, à Bruxelles du mercredi 27 octobre au vendredi 29 octobre 2021 et à Paris du vendredi 5 novembre au lundi 8 novembre. La vente aura lieu le mardi 9 novembre 2021 à 18h au 7 Rond-Point des Champs-Elysées
à Paris

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3 réponses à Copie presque conforme

  1. Yves Brocard dit :

    Intéressant de mettre l’original et la copie côte à côte : les yeux, la bouche n’ont pas du tout la même expression. Et, si l’on ne regarde que les visages, faisant abstraction des mains, de la robe, de l’arrière plan, les deux tableaux n’ont pas grand chose à voir.
    Je n’ai pas comparé avec cette de la Redoute…
    Bonne journée

  2. annen chantal dit :

    Joli sujet pour les soirées de Paris ..
    Je lis généralement avec beaucoup de plaisir vos pages, même si je ne fais pas systématiquement des commentaires.
    merci à vous.

Les commentaires sont fermés.