Le Musée d’histoire de la médecine, un endroit terrifiant

Vous avez le cœur bien accroché et les sueurs froides ne vous font pas peur ? Alors rendez-vous au 12 rue de l’École de médecine à Paris. C’est là que le Musée d’histoire de la médecine nous raconte son histoire à l’aide d’instruments utilisés de l’antiquité au XXe siècle. On y verra aussi des pièces insolites comme cette table ronde offerte à Napoléon III, au plateau formé de sang, bile et glandes et, décoré d’oreilles et d’un pied pétrifiés. Le musée, ouvert au public en 1994, est constitué d’une unique et élégante salle d’exposition de 1905 avec vitrines en bois et coursives. Il a été créé à l’endroit du premier Collège de chirurgie, décidé par Louis XV et inauguré par Louis XVI en 1774. En 1794, il est devenu l’École de santé, où étaient enseignées médecine et chirurgie autrefois rivales, puis, en 1808 la faculté de médecine.

Les collections, uniques en Europe, sont composées de 2000 objets et de cartels instructifs. Présentées par ordre chronologique, elles débutent par la médecine gallo-romaine. On découvrira une ordonnance gravée sur une fine tablette de pierre, retrouvée dans l’urne funéraire d’un oculiste gaulois avec un étui d’aiguilles pour cataracte. Au Moyen âge comme on peut l’imaginer, les instruments deviennent plus terrifiants : Tire-traits, des tiges métalliques servant à retirer les pointes des flèches des blessures; outils de cautérisation au fer rouge; couteaux courbes d’amputation… Pour atténuer nos sueurs froides, un cartel nous signale qu’au XIIe et XIIIe, les patients étaient endormis avec des éponges imprégnées d’opium et de jusquiame hallucinogène.

L’évocation d’Ambroise Paré dans ces vitrines lugubres apporte un peu d’humanité à ces pratiques effrayantes. Modeste barbier de Laval, devenu le chirurgien de quatre rois de France de François II à Henri IV, Ambroise Paré (1510-1590) est connu en tant que chirurgien des champs de bataille. L’utilisation des armes à feu, l’expose à des plaies d’une sorte nouvelle. Alors qu’auparavant on versait de l’huile bouillante pour cautériser, soucieux de soulager la souffrance des blessés, il inventera le pansement d’emplâtre sur les plaies d’arquebuse souillées de poudre et pratiquera la ligature des vaisseaux pour arrêter l’hémorragie lors des amputations. Autre type d’objet présentée, une prothèse de la main du XVIe qui pourra être comparée à celle de 1888, exposée plus loin, réalisée pour un tailleur de diamants, avec un pouce se refermant à l’aide d’un ressort grâce auquel il put continuer à exercer.

Après quoi, les haut-le-cœur des visiteurs sont assurés à la vue de coffrets de trépanation et coffrets d’amputation, capitonnés de tissus soyeux comme l’étaient autrefois les ménagères garnies de couverts d’argent des trousseaux. Suit la scie du célèbre chirurgien Dessault qui mourut quelques jours après avoir été appelé en consultation auprès de Louis XVII au Temple. Quant à la scie à chaîne de Heine de 1834, elle a été une véritable évolution en matière de chirurgie orthopédique en permettant la préservation du périoste et des parties molles. Pièce unique, le bistouri du chirurgien Felix, connu pour avoir opéré avec succès en 1686 la fistule anale de Louis XIV, retient l’attention. Le cartel précise qu’il reçut 150.000 livres de récompense et des terres et que, selon Pierre Dionis, alors chirurgien à la Cour, la royale fistule anale fit tomber bien des tabous car « plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin n’eurent point honte de la rendre publique ».

Les instruments pour traiter les maladies urinaires et de lithotritie, notamment crochets et grande tenette pour retirer ou briser les pierres, sont appuyés d’un schéma de démonstration sur un patient qui donne la chair de poule. Dans le domaine de la gynécologie-obstétrique, on apprend que le speculum a été relancé par Récamier au début du XIXe, alors qu’il était déjà connu à Alexandrie à la fin du Ve, et, qu’Ambroise Paré en avait aussi développé un. Parmi les forceps exposés, le forceps de Smellie du XVIIIe, recouvert de cuir lubrifié à la graisse de porc pour le confort de la patiente et qu’elle n’entende pas le cliquetis métallique, est insolite. Notre sang se glacera à la vue du céphalotribe, appareil imaginé par Baudelocque en 1829 pour broyer la tête fœtale et permettre l’accouchement par les voies naturelles.

La coursive, très riche elle aussi, ne sera pas détaillée ici. On se contentera de mentionner des curiosités qu’elle renferme, comme les corps étrangers insolites retrouvés dans l’appareil digestif de patients: dentier, épingle de sureté, balle de fusil, pièce de monnaie. Plus spectaculaires encore, les corps étrangers retrouvés dans l’estomac de Monsieur X. D’après le cartel, en 1897 à la mort de M. X qui avait été interné un an plus tôt en psychiatrie, l’autopsie a permis de retrouver dans son estomac (ci-contre), chaîne, cuillère, clous, bâtonnets pointus. Sa maladie mentale lui imposait d’ingérer secrètement des objets métalliques et effilés. Preuve pour les médecins de la résistance et tolérance de l’estomac !

Lottie Brickert

Photos: ©Lottie Brickert
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6 réponses à Le Musée d’histoire de la médecine, un endroit terrifiant

  1. Et rien pour les vomissements en plein bureau de vote !

  2. Danilo Campani dit :

    Belle soirée en perspective chère Lottie

  3. Kristine dit :

    Merci Lottie.
    On mesure le chemin parcouru… Pour poursuivre , un petit tour au rez de chaussée de la galerie d’anatomie comparée du jardin des plantes où se cachent tout au fond l’horreur des difformités de foetus humains dans des bocaux de formol …

  4. Edith Descieux dit :

    Petite coquille : c’est Louis XIV, et non Louis XVI, qui a été opéré d’une fistule anale en 1686, après que le chirurgien se fut exercé sur de nombreux condamnés à mort…

    • Lottie dit :

      Merci à vous de m’avoir signalé cette coquille. Je vais demander qu’elle soit rectifiée dans le texte.

  5. cornud dit :

    Merci Lottie,
    J’ai appris des choses dans le train qui m’emmenait à Cannes.
    Car c’est bien aujourd’hui que je quitte Paris et mes chers musées et sa vie culturelle.
    Mais l’Italie n’est pas loin… ;))))
    Daniel

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