Mihonoseki, un petit port enchanteur sur la mer du Japon

À 40 kilomètres de Matsue (Nord-Ouest de l’ile de Honshu), Mihonoseki est une invitation au voyage. Là, tout n’est qu’enchantement, calme et spiritualité. Loin de la profanation touristique, ce petit port japonais au caractère authentique a su garder son âme et ses traditions. Depuis Matsue, il faut environ une heure en car puis en « Community taxi » (taxi collectif) pour rejoindre Mihonoseki. De l’eau, de l’eau, de l’eau. La route passe tout d’abord à côté du lac Daikin, puis d’un chenal avant de déboucher sur la mer du Japon. Longeant la mer de près, le Community taxi frôle les habitations traditionnelles lorsqu’il traverse de minuscules villages de pêcheurs tant la route est étroite. Accentuée par le scintillement de la mer, l’atmosphère est onirique et le voyage à lui seul est déjà un ravissement. Arrivé à destination, on est tout de suite saisi par la beauté naturelle de Mihonoseki. Le petit port de 6500 âmes est blotti au cœur d’une baie paisible qui le protège des eaux tumultueuses de la mer du Japon. Traversé par une rue aux maisons traditionnelles qui n’a rien de surfait, il est entouré de collines à la végétation foisonnante. Ici, on est ancré dans une réalité locale, la pêche, activité à laquelle on s’adonne en famille depuis des générations. Ici, on ne joue pas à se conformer à l’imaginaire d’un « folklore » standard pour attirer des touristes.

C’est la lecture de Lafcadio Hearn (1850-1904) qui nous a fait découvrir Mihonoseki. D’origine grecque et irlandaise, cet écrivain-voyageur érudit de la fin du XIXe siècle, a vécu aux quatre coins du monde avant de se fixer à l’âge de 40 ans au Japon. Il en est tombé amoureux et s’est imprégné de sa culture. Après l’ouverture du Japon à l’Occident à l’ère Meiji (1868-1912), Lafcadio Hearn a été l’un des premiers à publier articles et livres sur les rites et la culture du Japon afin de les faire connaître à l’étranger. Il a d’abord vécu à Matsue où son ouverture à la culture du pays a tant marqué les esprits, qu’aujourd’hui encore il y est considéré comme une personnalité de la ville. Hearn a été l’un des premiers Occidentaux à épouser une Japonaise. Et, en 1895, il est le premier Européen à devenir citoyen japonais sous le nom de Koizumi Yakumo; Koizumi étant le nom de famille de sa femme, fille d’un samouraï. Hearn est, de plus, le premier Européen à avoir eu, grâce à son érudition, l’autorisation de pénétrer au cœur du sanctuaire Izumo-Taisha, proche de Matsue, un des plus anciens et des plus importants sanctuaires shinto du Japon. Ce dernier est étroitement associé à l’éminent sanctuaire d’Ebisu de Mihonoseki, où Hearn s’est rendu à différentes reprises comme en témoignent ses écrits.

Et c’est devant le sanctuaire d’Ebisu, à l’entrée du village, que le Community taxi s’arrête. Arriver à Mihonoseki c’est plonger dans un autre temps. Au temple d’Ebisu, les rites shintoïstes sont encore célébrés au quotidien, chose rare dans le reste du pays. Le petit port a su conserver sa spiritualité et le pouls de la foi du Japon ancien y bat toujours fort. Deux fois par jour, une miko (prêtresse du temple) en robe de soie rouge et kimono blanc, coiffée d’une couronne, danse en l’honneur d’Ebisu, le dieu de la mer et des échanges. Des prêtres, vêtus d’extravagants kimonos de soie à manches flottantes et de toques noires pointues, accompagnent sa danse en jouant une musique shinto traditionnelle avec flûte et tambour.

Après cette cérémonie, on parcourt la rue principale du village, l’esprit serein. Bordée de belles maisons et d’auberges traditionnelles en bois, quelquefois vermoulues, la rue historique Aoishi-datami a tout d’un décor de film. Elle est connue pour le couleur de son pavement qui, lustré par les siècles, prend les jours de pluie une couleur vert-opale. De 1750 à 1900, Mihonoseki était florissant. C’était un port étape pour les bateaux de commerce chargés de spécialités locales (saké, poteries, etc.) qui naviguaient sur la mer du Japon vers d’autres villes du pays ou pays avoisinants. C’est à cette époque qu’on a couvert le sable de la rue Aoishidatami de gros pavés de pierre pour faciliter la décharge des bateaux.

Si, le village s’est assoupi aujourd’hui, cette rue témoigne toujours de son passé prospère avec boutiques de produits typiques et auberges, quelquefois prestigieuses comme Mihokan, une auberge du XVIIe siècle. toujours en activité. On peut y déjeuner à moins de préférer le vieux phare transformé en restaurant à 30 minutes de marche sur la route à la circulation quasi inexistante. Bordée de falaises aux à-pics vertigineux sur lesquelles se cassent les eaux bleues tumultueuses, avec en arrière plan des forêts foisonnantes, cette belle montée a de quoi ouvrir l’appétit. Il sera comblé par les poissons fraîchement pêchés dont on se délectera tout en profitant de la vue plongeante mirobolante sur la mer du Japon qu’offre l’immense baie vitrée du restaurant.Avec son univers discret et son charme authentique, Mihonoseki est assurément un port béni des dieux.

Lottie Brickert

Photos: ©Lottie Brickert

 

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6 réponses à Mihonoseki, un petit port enchanteur sur la mer du Japon

  1. Annie T dit :

    N’y a-t-il pas contradiction
    « Mihonoseki est une invitation au voyage. »
     » Loin de la profanation touristique « ?

    Aussi contentons-nous de voyager de façon imaginaire. Merci.
    Annie

  2. Marie-Hélène Fauveau dit :

    Merci pour ce courriel favorable à l’imaginaire & si l’on est au Japon !

  3. Lottie dit :

    Voyager n’est pas forcément synonyme de profaner. Voyager c’est s’ouvrir l’esprit en restant discret et en respectant habitants, lieux et culture. Ce qui bien entendu exclut certaines formes de voyage. Que ce soit au loin ou près de chez soi en France ou ailleurs.

  4. Hélène DELPRAT dit :

    Parfaitement dit Lottie! Et merci pour cet article bien fait pour piquer la curiosité y compris celle de ceux qui comme moi ne sont a priori pas très attirés par le Japon. Cela me fait réfléchir… Hélène

  5. Philippe PERSON dit :

    Je ne sais pas si vous connaisses Wesceslau de Moraès… Ecrivain et marin portugais qui lui aussi s’est installé à la fin du XIXe siècle au Japon… Juste après Lafcadio Hearn
    Paulo Rocha, un très grand réalisateur portugais, lui a consacré un film sublime « L’ïle des amours » de plus de trois heures… je l’avais vu au Bonaparte, dans les années 1980, qui était situé place Saint-Sulpice dans l’immeuble où vit Catherine Deneuve.
    Je me souviens que nous étions trois dans la salle et que les deux autres spectateurs s’appelaient Marguerite Duras et Yann Andréa !
    On peut voyager en allant au cinéma… C’est meilleur pour l’empreinte carbone… Mais j’ai bien peur que nos amis des Soirées ne soient pas trop écolo-compatibles… Question de génération.

  6. Daniel dit :

    Merci Lottie, quel beau voyage tu as fait !!!

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