Un printemps très chambriste

Le 2 avril dernier, au Théâtre des Champs-Elysées, deux grands chambristes français venaient défendre leur dernier CD, mais bizarrement, dans le programme, aucune mention de cette sortie. Bref notre plus célèbre violoniste, Renaud Capuçon, et son cadet de cinq ans, David Fray, un de nos meilleurs pianistes, présentaient la crème de la crème de la musique de chambre, des sonates pour violon et piano de Bach.
Nous avons entendu ce soir là de la musique de chambre dans toute sa pureté « alla Bach », dans laquelle on distingue nettement, à la fois dans les quatre mouvements successifs des sonates -lent, vif, lent, vif-, et dans le style général, la nette influence des maîtres italiens, tels Corelli, Frescobaldi ou Vivaldi, découverts par Bach à la Cour de Weimar (1708-1717). Le virtuose de l’orgue des brumes du Nord découvrait alors, grâce à eux, le soleil, du Sud, et devait le retranscrire dans ces sonates composées dans les années 1720. Continuer la lecture

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Poule de luxe

D’une petite princesse logée dans un œuf, Tristan Félix en a fait un livre. Le journal de bord d’une gamine, la narration de ses hallucinations, la description d’un monde qui n’existe pas. L’officiel a besoin de tangible. La poésie s’en moque. Ce n’est pas le premier opus de Tristan Félix (1). Et comme d’habitude elle nous entraîne dans son univers dérangé avec un personnage qui, dans son œuf ou en-dehors, ne s’épanouit qu’à travers les songes, « d’histoires à dormir debout et à rêver couché« . Ovaine est une chimère et l’auteur de sa « saga » lui prête vie. Comme les aliments sans gluten, le journal d’Ovaine est dépourvu de toute crédibilité qui en rendrait la lecture indigeste. Le lecteur qui s’engage marche sur des œufs. Continuer la lecture

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Le panier de truffes tant attendu

De l’extérieur on dirait un caillou avec des reflets bleutés. Une fois la chose épluchée, l’aspect est celui d’une pomme. Mais c’est un champignon parasite que l’on ne trouve que dans les sables du désert, en Irak, en Syrie ou plus globalement sur le pourtour méditerranéen. C’est la truffe des sables, autrement appelée truffe du désert, presque introuvable en Europe.
Il a fallu être patient, très patient. Au bout de trois ans elle est arrivée en France après un long cheminement. De coups de fil en messages télégraphiques modernes, via une filière syrienne, une adresse a été donnée quelque part à Beyrouth. Les 6 truffes ont finalement pris l’avion, avant d’atterrir sur la piste d’une cuisine parisienne. Continuer la lecture

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Ni héros ni salauds

L’historien franco israélien Lucien Lazare vient de publier « Ni héros ni salauds- La population a-t-elle protégé les Juifs en France occupée ? ». Une préoccupation qui tient depuis longtemps au cœur de cet historien de quatre-vingt-quinze ans (ancien résistant membre des Éclaireurs israélites de France et du réseau de Résistance « Sixième » de 1942 à 1944, combattant de la Compagnie Marc Haguenau des Maquis de Vabre dans le Tarn). Ce très cher ami de longue date, au demeurant le plus modeste homme du monde, a fait son aliya à Jérusalem depuis Strasbourg, avec sa femme Janine et leurs enfants, en mai 1968 (précisément l’année suivant la déclaration du général de Gaulle condamnant la guerre des six jours et parlant des Juifs «peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur »). Continuer la lecture

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Jean-Paul Sartre, Brigitte Bardot et… Apollinaire à huis-clos

Marcel Proust est le seul de la pièce à ne pas avoir le regard dans le vide. Son regard est braqué sur Guillaume Apollinaire. Le premier, en civil,  est debout. Le second, habillé en militaire, est assis dans un  wagon de troisième classe. Puisque cette scène est censée se situer durant la première guerre mondiale, Proust a déjà publié « Du côté de chez Swann » et Apollinaire de 9 ans son cadet, a derrière lui son recueil « Alcools ». Pourtant il y a quelque chose d’artificiel dans cette situation qui confronte deux personnalités majeures. Et pour cause, elle se situe à Grévin. Apollinaire a fait son entrée dans ce musée au mois de février, afin d’illustrer un morceau de l’histoire de France qui débute à Vercingétorix, jusqu’à l’occupant actuel du palais de l’Élysée. Continuer la lecture

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Entracte

Il est poli, lorsque l’on s’absente, de laisser un petit mot. Tel un concierge qui s’en va vaquer dans l’escalier B. C’est l’objectif du jour car Les Soirées de Paris font une pause pour les vacances de Pâques. Les parutions reprendront le 2 mai. Comment peut-on agrémenter le temps libre d’ici-là. Eh bien voici une suggestion. Si l’on regarde comment ont été conçues les dernières œuvres de Piet Mondrian, on s’amusera à constater qu’elles sont facilement reproductibles sur un tableur en utilisant les outils normalement dévolus à l’élaboration de savants graphiques ou calculs. L’image ci-contre, presque conforme à une des ultimes projections du peintre néerlandais, a été conçue par ce moyen. Mondrian n’utilisant plus sur la fin de sa vie que des couleurs primaires, il n’y a qu’à plus piocher dans la palette graphique et le tour est joué. Pour moins que ça on se prendrait pour un génie. Attention. Continuer la lecture

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Magie bergmanienne

Ce fut tout d’abord, en 1979, un roman de près de 300 pages, puis, en 1982, un film pour la télévision d’une durée de 5h40 accompagné d’une adaptation cinématographique réduite à 3h08 et, aujourd’hui, cette œuvre d’Ingmar Bergman revêt la forme d’une pièce de théâtre jouée par les Comédiens-Français dans la prestigieuse Salle Richelieu. En effet, alors qu’est célébré cette saison le centenaire de la naissance du réalisateur suédois avec de nombreux hommages et productions (1), “Fanny et Alexandre”, sa dernière œuvre de cinéma, vient d’entrer au Répertoire de la Comédie-Française. Roman, film, pièce…, l’œuvre est indéniablement à découvrir. Continuer la lecture

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Les guerres de Picasso

Cette photo qui ouvre l’exposition du musée de l’Armée est volontairement trompeuse. Picasso a, ce jour-là, revêtu les habits militaires de son ami Braque. Bien que sa longue vie d’artiste lui a fait traverser de nombreux conflits, il n’a participé à aucun, les armes à la main. Quand on pense à Picasso et la guerre, l’image de Guernica vient évidemment à l’esprit. La célèbre toile réalisée par le peintre espagnol figure également au début de l’exposition. Elle n’est là qu’en photo. Le cliché a été pris par sa compagne, Dora Maar. Mais tout l’intérêt de la scénographie mise en place par le musée de l’Armée réside dans la très large exploration de l’œuvre de Picasso à l’égard de la guerre et de la paix. Le spectre est inattendu. C’est une exposition brillante, passionnante, qui nous est offerte jusqu’à la fin du mois de juillet aux Invalides. Continuer la lecture

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Apollinaire, Orphée et le camembert

La présence d’un poème inédit d’Apollinaire dans le numéro d’avril-mai 1917 de “La Revue normande“ constituait sans doute pour ce périodique publié à Rouen un regain de prestige. Dans le sommaire, le nom d’Apollinaire y est imprimé en caractères plus grands que les autres et l’éditorialiste n’hésite pas à donner du « maître Apollinaire » en vantant « la puissante originalité » du poème. Il est vrai qu’un an avant la parution de Calligrammes, le texte adopte une disposition typographique toute nouvelle. Les vers eux-mêmes, un peu désenchantés, gardent une part de mystère tout comme le titre “ Orphée“ déjà utilisé à trois reprises dans le Bestiaire de 1911. Ce beau poème ne fut repris que dans l’édition de la Pléiade en 1956 où il figure parmi les “poèmes retrouvés“. En voici de larges extraits : Continuer la lecture

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Rébellion

Pour exploiter son houblon, la compagnie Durst avait besoin de main-d’œuvre. Afin d’être sûr d’obtenir 1500 cueilleurs, le patron avait fait circuler une affiche selon laquelle il était prêt à en recruter 2700. Il en vint 2800. Cela se passait en Californie alors que le premier conflit mondial couvait en Europe. Durst avait installé seulement neuf toilettes pour tout le monde. L’épicerie connexe aux logements était payante. Le sac de 100 livres de houblon était payé un dollar. Il pesait entre 40 et 50 kilos et ce sont les femmes et les enfants qui étaient chargés de cette besogne harassante. La révolte sur les conditions de travail indignes des ouvriers s’est mal terminée. L’événement raconté en BD par Jordan Worley est d’ailleurs titré « Bain de sang à Wheatland ». Il est inclus dans un ouvrage collectif paru aux éditions Nada, un livre qui explique les événements ayant émaillé l’histoire des revendications sociales aux États-Unis. Continuer la lecture

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