Toute une époque s’en est allée avec Willy Ronis

Lorsqu’il a vu cette femme entrer dans cet immeuble de la rue de la Cloche,  Willy Ronis explique qu’il s’est demandé s’il pouvait la photographier sans lui demander l’autorisation. Comme c’était après-guerre le droit à l’image tel qu’il est défendu aujourd’hui n’existait pas vraiment et Willy Ronis a pris le cliché sans plus d’arrière-pensées. La chance veut que l’exposition qui lui était consacrée au Pavillon Carré de Baudoin jusqu’à la fin du mois de septembre est prolongée jusqu’à la fin de l’année. Une belle occasion d’admirer son talent et de méditer sur toutes ces choses qui ont disparu comme la liberté de photographier qui bon nous semble à fin de publication ultérieure. Continuer la lecture

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Partitions célestes

En 1716 ou 1717, Antonio Vivaldi retranscrit sur du papier à filigrane la « Sonate pour violon RV 19 » en fa majeur. Il s’agit d’une petite merveille que l’on peut facilement retrouver sur Youtube (1) où à l’andante succède une gigue puis une gavotte. En tout six variations sur un « thème à la Corelli » comme nous explique l’un des auteurs d’un livre édité conjointement par la BnF et les éditions Textuel. Ce (très) beau livre comporte 34 manuscrits issus des plus grands musiciens du monde classique et nul n’est besoin de s’y connaître en solfège pour s’émerveiller des partitions ainsi présentées. Continuer la lecture

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Huguenots par ci, Rigoletto par là, sans oublier Aïda

J’ai décidé de faire une expérience en allant voir l’événement de la rentrée lyrique non pas dans la très moderne salle de l’opéra Bastille, mais assise dans un confortable fauteuil rouge du cinéma Normandie, sur les Champs-Elysées, lors de la première retransmission en direct de la saison, celle des « Huguenots » le 4 octobre (voir mon article du 13 septembre dernier). Je me disais que ce modèle du « grand opéra à la française », fixé par Giacomo Meyerbeer sous la monarchie de Juillet (1830), serait assez spectaculaire pour supporter l’écran géant (assez semblable à la scène de Bastille), et ne voulait pas rater cette résurrection voulue par Stéphane Lissner, patron de « la Grande Boutique » (dixit Verdi à l’époque, encore plus vrai aujourd’hui), l’œuvre n’ayant plus été donnée depuis 1936. Continuer la lecture

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Le retour triomphal de Lucrèce-femme à la Comédie Française

Lucrèce Borgia, la mère coupable de Hugo, nous entraîne dans sa quête de rédemption. Séduite par une Elsa Lepoivre magistrale, on entre dans ce carnaval d’amour et de mort. Son nom est déjà un programme : Lucrèce Borgia qui rime avec « orgia » est une femme aux mille crimes, fille de pape, en odeur de poison et amante incestueuse. On la retrouve chez Hugo, pleine de honte et d’angoisse à l’idée que Gennaro, le fils caché qu’elle a eu avec son frère, puisse avoir honte de sa mère une fois découverte son identité. Lors d’un bal à Venise où elle se rend pour l’observer en secret, son masque tombe. Moquée par les amis de Gennaro, soupçonnée par son mari d’adultère, elle ourdit une vengeance qui prend dans ses rets celui qu’elle voulait justement protéger. Continuer la lecture

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La couleur des mots de Miró

À quoi pouvait bien songer Emmanuel Macron devant cette toile de Miró intitulée « Silence » et réalisée en mai 1968. Lui qui s’exprime déjà tout le temps entre discours moralisateurs et écarts variés. Formons le vœu qu’il aura pris note du message délivré par le peintre espagnol tandis qu’il déambulait cette semaine en compagnie du roi d’Espagne au milieu du Grand Palais. Ou peut-être spéculait-il sur le coût pharamineux (1) de la rénovation des lieux, soit déjà plus de 500 millions d’euros, avec un impératif de terminaison en 2024 pour les jeux olympiques. Mais plus probablement était-il tout à son bonheur de savourer une parenthèse artistique alors que son quinquennat à peine commencé patauge déjà dans l’impopularité. Continuer la lecture

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Déplacements contraints

De très anciennes traces de pas ont été découvertes un jour à Laetoli en en Tanzanie. Elles ont été attribuées à des australopithèques, l’un étant adulte, l’autre un enfant. La migration était déjà le fait de nos très vieux ascendants, soit pour trouver un endroit plus favorable à leur existence soit pour une simple promenade. Comme les deux hominidés n’avaient pas pris la peine de motiver par écrit leur déplacement et d’en laisser un signe interprétable, nous en sommes réduits à des hypothèses. Au contraire du vingtième siècle où l’on ne sait que trop ce qui a pu justifier le déplacement forcé de nombre d’individus. Dans son livre qui vient de sortir aux éditions Unicité, Bruno Sillard s’est attaché à ceux-là, « ceux qui furent chassés de leur maison, de leur vie« . Continuer la lecture

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L’imposant courrier reçu par le « gros paresseux » Apollinaire

« Oui ou non, veux-tu bien te décider, gros paresseux ? Voici quinze jours que je t’ai réclamé le “ beau poème“  annoncé par toi » . Celui qui, le 6 novembre 1912, tance ainsi Guillaume Apollinaire (lui présentant malgré tout ses « deux mains fraternelles »), est Henri-Martin Barzun, initiateur du “dramatisme“, rapidement devenu “simultanéisme“. Barzun était le rédacteur en chef de la revue “Poème & Drame“ et Apollinaire finira par répondre aux injonctions de son correspondant puisqu’il publiera dans cette revue le poème “Cortège“, repris ensuite dans “Alcools“. H.- M. Barzun fait partie de l’immense cohorte des écrivains, intellectuels, artistes, conférenciers, journalistes, hommes de lettres, personnalités connues ou inconnues avec lesquels Apollinaire a échangé un ou plusieurs courriers et qui se trouvent aujourd’hui réunis dans cinq volumineux ouvrages publiés chez Honoré-Champion.  Continuer la lecture

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Poésie dadaïste

Comme presque chaque automne depuis plus de quinze ans maintenant, les voici de retour, nos amis flamands et néerlandais, les tgSTAN et leurs complices. Grands habitués du Festival d’Automne et du Théâtre de la Bastille, et depuis trois saisons également de la Scène Watteau de Nogent-sur-Marne, ils ne cessent de nous étonner en nous offrant des spectacles hors normes, sur le ton décalé qui leur est propre. Cette année, ils reviennent en force pouvons-nous dire avec trois spectacles : “Infidèles” et “Après la répétition”, deux réalisations en hommage à Ingmar Bergman, et “Atelier”, une réflexion des plus débridées sur la création. Continuer la lecture

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Une ligne de néon rouge

«Sous le pont Mirabeau coule la Seine, et nos amours…». Les ponts sont décidément des constructions bien romantiques. La Seine coule aussi sous le pont d’Issy ou plutôt «dessous» le pont qui relie les rives droite et gauche de la Seine, et Issy les Moulineaux à Boulogne. Pour les ingénieurs, les ponts ont un «tablier», une «jupe» et des «piles». Le pont d’Issy lui, a ses «dessous chics». C’est le nom incongru au premier abord que Claude Lévêque a choisi de donner à sa réalisation «in situ», en référence à la sublimissime chanson de Serge Gainsbourg au titre éponyme. Un titre qui évoque «… la pudeur des sentiments/Maquillés outrageusement/Rouge sang …». Un éclair de néon rouge sang donc fixé immédiatement sous le tablier du pont qui enjambe le fleuve et le fait rougeoyer, comme un signal, comme un flambeau d’un genre nouveau, comme un soleil couchant. Continuer la lecture

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De Juvisy à Vladivostok, avec correspondance

Tandis que les wagons roulent, les horloges s’affolent. Le panneau indique qu’il est 13h25 à Moscou, 11h25 à Paris et 15h25 pour l’heure locale. Clara dort jusqu’à 15 heures par jour. Chaque jour ne fait que 23h puisqu’à chaque franchissement de fuseau, le train perd une heure. Clara note au milieu du voyage: « je ne sais pas où et quand je suis », observant que dans le Transsibérien, c’est toujours l’heure de la sieste pour quelqu’un. Comme c’est une spécialiste du son par dessus son métier de journaliste, les concerts de ronflement lui permettent d’effectuer des enregistrements insolites.

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