Polisse nous garde à vue

Voici venu le temps des rires et des chants. Dans l’île aux enfants, c’est tous les jours le printemps… (générique). Eh bien non, le film Polisse – Prix du jury à Cannes  et dernier long métrage de Maïwenn –  ne raconte pas, bien sûr, le pays joyeux des enfants heureux… Il nous plonge dans le quotidien de la  brigade de protection des mineurs, à Belleville, dans un tout autre décor : le père ou le prof de gym pédophile, la femme qui fait «une petite branlette» à son fils pour le calmer le soir, celle qui vient donner son enfant («Je ne veux pas qu’il devienne comme moi»)…

La réalisatrice -qui a effectué un stage au sein de la brigade pour s’imprégner- pose un regard brut sur le travail de ces policiers, sans pour autant en faire un documentaire. Elle nous raconte des histoires, celles des victimes qu’il faut déchiffrer (« Papa il m’aime trop », « Papa il me gratte les fesses ») et celles des policiers, qui sont 24 heures sur 24 policiers. Tous ramènent leurs problèmes le soir, à la maison, et même au lit. Alors leur façon à eux de prendre de la distance, c’est l’humour, la dérision.

La scène du fou rire communicatif devant une jeune adolescente qui raconte qu’elle a sucé un garçon pour récupérer son téléphone portable est étonnamment drôle. Elle semble comme tout le film, relever de l’improvisation alors qu’elle est le fruit d’une écriture scénaristique maîtrisée.  Le récit est bien ficelé, avec le personnage de Melissa, photographe (interprétée par Maïwen), qui vient réaliser un reportage sur la brigade pour le compte du Ministère de l’intérieur. Un regard extérieur que supporte mal Fred (joué par Joey Starr, remarquable) qui lui rappelle que son métier est bien plus complexe que les clichés misérabilistes qui semblent l’intéresser.

L’autre force de « Polisse », c’est bel et bien sa profondeur, sa capacité à nous raconter et à nous faire rencontrer des personnages uniques. Derrière la grande famille soudée, se cache les fragilités de chacun. Fred parle avec les tripes, est bien infoutu de séparer son travail de sa vie personnelle, se heurte et se rebelle contre le système. Nadine (Karin Viard) explose littéralement dans une scène – magistrale- avec Iris (Marina Fois).

Il y a 1001 façons de scruter la misère sociale et ses victimes – de Ken Loach (Raining Stones) aux frères Dardenne (Rosetta). La réalisatrice du Bal des actrices, ex compagne de Luc Besson (qui l’entendait toujours, sur les tournages, respirer dans son dos),  le fait dans son style, franc et énergique, toujours au plus près des gens, finalement tous victimes.

Voir la bande annonce plutôt éloquente sur You Tube

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Une réponse à Polisse nous garde à vue

  1. Bruno Philip dit :

    Rude mais excellent

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