Pour Apollinaire, Ravary succède à Dufy

Cela ne va pas modifier le sens de nos journées, ni baisser nos impôts pas plus qu’éloigner ceux qui s’échinent à gâcher nos pique-niques,  mais enfin voilà comment s’écrit «Guillaume Apollinaire» en chinois. C’est un «Apollinaire illustré» qui vient d’être publié aux Editions Calliopées et dont l’une des particularités est de contenir quelques transcriptions en langage dragon.Cela aurait bien plu à l’écrivain inventeur des «idéogrammes lyriques» puis des «calligrammes» soit des textes sortis de leur horizontalité orthodoxe pour épouser des formes poétiques, oui cela aurait sûrement bien plu à Apollinaire, de voir les titres de son Bestiaire traduits en chinois avec son équivalent phonétique.

« Apollinaire Illustré », extrait. Auteur: Madeleine Ravary. Editions Calliopées. Photo: Les Soirées de Paris

Parce que savoir que chèvre se prononce Yang, voilà qui peut vraiment modifier le cours de notre journée, par exemple en interpellant de la sorte une emmerdeuse quelconque et en lui précisant bien que Yang, en chinois, cela signifie «cordialement».

Madeleine Ravary est l’auteur illustrant de cet «Apollinaire illustré». L’ouvrage est le produit d’une passion pour l’écrivain et d’un séjour à Jinxi, cité lacustre de l’époque Song. Les rencontres qu’elle y a faites ont été déterminantes, notamment avec Maitre Yuan zumou, plusieurs fois champion de Chine en lutte chinoise ainsi que son professeur de chinois, LI Jiéqiong. Son voyage là-bas a été à ce point émotionnel qu’elle avoue simplement que son «cœur a battu plus fort à Jinxi».

Le nôtre bat de concert avec ce nouveau Bestiaire délicatement illustré par une Madeleine Ravary de toute évidence inspirée. Et l’on se retrouve à approuver Apollinaire qui savait choisir entre la toison d’or d’une chèvre et les cheveux dont il était épris. L’on relira avec plaisir ces poèmes de quatre lignes à peine et qui nous parlent incidemment des carpes, «ces poissons de la mélancolie» ou encore des écrevisses qui s’en vont «à reculons, à reculons». En 1910, Apollinaire avait sollicité Picasso pour illustrer cette thématique animale mais c’est finalement l’heureux Raoul Dufy qui aura cet avantage.

« Apollinaire illustré ». Extrait du livre de Madeleine Ravary aux Editions Calliopées. Photo: Les Soirées de Paris

Le bestiaire étant un peu court pour conférer une main suffisante à l’ouvrage, la deuxième partie d’Apollinaire illustré est constituée d’extraits de «L’enchanteur pourrissant» un conte bien étrange écrit par le poète qui se lisait déjà autant qu’il s’imaginait et que la peinture de Madeleine Ravary accompagne harmonieusement. Comment ne pas être inspiré il est vrai, notamment par cette dame du lac «qui descendit lentement la pente que surbaigne l’onde silencieuse…et s’enfonçant sous les flots danseurs, gagna son beau palais dormant, plein de lueurs de gemmes, au fond du lac». Dans sa version première, les illustrations de « L’enchanteur » étaient d’André Derain.

Il ne manquerait qu’une seule chose s’il fallait former un regret : une aquarelle de Jinxi cette ville que Madeleine Ravary nous vante sans pour autant la révéler. Il est vrai que ce n’était pas le propos mais que cela pourrait être une idée.

 

Editions Calliopées, 147 pages, 32 euros.

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4 réponses à Pour Apollinaire, Ravary succède à Dufy

  1. Dominique Mazel dit :

    Chères Soirées de Paris,
    Bravo pour cette présentation d’un ouvrage qui aurait enchanté je présume notre « Flâneur des deux rives » (pourquoi pas l’Orient et l’Occident ?)
    Le 11 janvier, a été vernie à Aix-en-Provence l’exposition « Apollinaire et la Méditerranée », à la Cité du livre, fruit du partenariat de la Fondation St-John-Perse et de la Bibliothèque Méjanes. Y sont évoquées l’enfance et l’adolescence (Italie et Côte d’Azur), les amours ayant le Sud pour « terroir », et la latinité… A ne pas manquer (jusqu’au 23 mars)

  2. Philippe Bonnet dit :

    Merci de votre message. Nous irons certainement à Aix en Provence voir cette exposition. PHB

    • bonjour monsieur Philippe Bonnet
      je vous remercie pour l’article critique que vous avez réalisé sur le livre Apollinaire illustre .

      je me permets de vous indiquer deux erreurs dont vous êtes pardonné d’avance car le chinois ce n’est pas facile à décrypter mais qu’ il serait utile de rectifier :
      vous avez inscrit le nom en caractère chinois du poème « pont MIRABEAU » qui se transcrit en pinyin (alphabet latin )ainsi  » mi la bo qiao  » le dernier caractère « qiao » se prononce tiao et veut dire pont
      à la place du nom de Guillaume Apollinaire en chinois (première ligne tout au début du texte page 83 ) devant le nom en francais.

      C’est avec le Maitre de taiji et d’ arts martiaux champion de lutte chinoise Maitre Yuan Zumou à qui je dois d’avoir découvert en 1967 la beauté de la cité lacustre de Jinxi . et qui m’a donné l’envie d’apprendre le chinois
      Merci pour la suggestion d’incorporer une aquarelle ou encre sur JINXI dans la réedition à venir je l’espère avec le texte traduit en caractères chinois et en pinyin Li jiéqiong est mon professeur de chinois (ce à quoi je m’emploie à réaliser actuellement en manuscrit dans un exemplaire; y ajoutant le beau poème le pont Mirabeau . ce qui demande un peu de temps j’ai bon espoir d’aboutir dans ce travail …..
      En vous remerciant par avance de votre attention et si cela vous est possible de rectifier ces deux erreurs ; je vous souhaite une bonne année et le plaisir de vous rencontrer autour d’Apollinaire .
      j’en suis étonnée , encore méconnu en Chine; sauf de quelques érudits dont un à NANTONG rencontré recemment lors d’une exposition de peinture en novembre 2012.
      Si vous souhaitez voir quelques -unes de mes oeuvres sur Jinxi
      j’avais réalisé une exposition sur le thème » entre ciel et eau  » invitée par l ‘association route de la soie à Villejuif
      une trentaine d’oeuvres .(encre de chine et huile en 2009).
      avec mon admiration pour vos rubriques dans « les Soirées de paris « 2012
      si importante aux yeux de son repreneur Directeur artistique en 1912
      Serge Ferat ( Jean Cerusse) et avec Hélène d’Oettingen ces esprits divinateurs pionniers de » l’esprit nouveau  » ont su mettre de l’image et quelle image!dans le son de cette revue artistique d’avant -garde en synergie avec Guillaume Apollinaire ;
      madeleine ravary
      mon site facile à trouver taper: ravary peintre (sur Google)

  3. Pardon pour cette double méprise. Les corrections ainsi que la bonne image y figurent désormais. Bien à vous. PHB

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