Le Journal d’un poilu, salutaire témoignage à hauteur de tranchée

14/18. Toute l’horreur des tranchées derrière ces quatre chiffres, le souvenir d’une génération sacrifiée. En nette avant-première de la commémoration du centenaire de la Der des Ders, le Théâtre la Bruyère présente le « Journal d’un poilu » d’Henri Laporte, récit profondément humain de la routine du front.

Henri Laporte a 19 ans lorsqu’éclate la Première guerre mondiale. A l’issue de sa formation, il quitte Quimper en avril 1915. «Nous avions hâte de voir le front» assure-t-il, fidèle à l’image répandue de ces soldats partant «la fleur au fusil». Le poilu découvre d’abord «une vie sinon agréable du moins pleine de suspens». Cet enthousiasme va naturellement rapidement céder la place à la résignation face au quotidien du combat et aux conditions de vie lamentables.

Le texte met cruellement en lumière cette vie de chien, avec des mots simples de soldat pour qui chaque jour passé est un jour gagné sur la mort. Les camarades tombent un à un, les rats pullulent, la ration ne remplit pas la gamelle. L’ennemi est là tout proche, à quelques mètres, on le devine également pauvre diable. «Quelle connerie la guerre», vraiment, quand on subit «un ouragan de mitraille», qu’on voit «la Meuse (qui) charrie des flots de cadavres». Voilà un témoignage salutaire sur la guerre vécue de l’intérieur.

 

« Le journal d’un poilu ». Photo: David Dessites

Il n’y a pas de volonté de démonstration grandiloquente sur l’ineptie de la guerre, Henri Laporte nous parle de sa vie de poilu, celle d’un jeune homme entraîné par la marée. Blessé à l’oreille en 1916, il est déclaré inapte au service armé.

Didier Brice (qui joue sobrement Henri Laporte sur scène) et Stéphane Cabel assurent l’adaptation et la mise en scène de ce spectacle créé en 2002 puis délaissé. En guise de mise en perspective historique, des intermèdes audio dans l’obscurité évoquent la deuxième Guerre mondiale, celle d’Algérie, mai 68, Mitterrand et Kohl à Verdun en 1984, le 11 Septembre 2001 ou Lazare Ponticelli, ce «dernier poilu» qui «n’avait jamais cru être un héros mais qui aura droit à des funérailles nationales» en 2008.

Le clou du spectacle sur la forme tient en ce comédien d’abord prisonnier d’un monument aux morts de pierre blanche. Il s’en détache progressivement à grand peine et la pierre n’est plus que de la terre séchée, la terre des tranchées comme une seconde peau. Ce monument aux morts en rappellent des milliers d’autres, tous semblables, gravés chacun de dizaines de noms.

Comme celui du marsouin Simon Menou, «tué à l’ennemi» selon l’expression officielle le 15 octobre 1916 à Belloy en Santerre. C’était un dimanche matin, il faisait beau. Son fils Ambroise, mon grand-père, fêtait dix jours plus tard son quatrième anniversaire.

Au Théâtre La Bruyère, la fleur au fusil !

 

Le texte d’Henri Laporte est disponible dans la collection Mille et une nuits

 

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2 réponses à Le Journal d’un poilu, salutaire témoignage à hauteur de tranchée

  1. Philippe Bonnet dit :

    Tout cela est extrêmement bien dit. PHB

  2. Ambroise Menou dit :

    MERCI

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