Picasso, la mise en scène sous contrôle d’une icône

Photo tirée du film Picasso, naissance de l'icône. Photo: PHB/LSDPEn marge de l’exposition Picasso Mania qui débute demain 7 octobre, au Grand Palais, sera mis en vente un documentaire vidéo sur l’artiste. Ce film, réalisé par Hopi Lebel et Stéphane Guégan, avec le concours de l’INA, a cette qualité, tout au long de son écriture chronologique, de rafraîchir intelligemment notre culture sur l’homme qui d’une palette, transgressait les frontières connues du monde de l’art.

Il apparaît notamment que l’œuvre de Pablo de Picasso n’était pas un paravent destiné à le protéger et comment, au contraire, l’artiste a su se bâtir une image en exploitant les médias qui s’intéressaient à lui. Le film ne mentionne pas et c’est dommage que la première interview de l’artiste a été réalisée dans les années vingt par Marius de Zayas, autre artiste ayant orné, comme Picasso, les pages des Soirées de Paris.

Ce cinquante deux minutes nous offre des images à vrai dire passionnantes d’un homme puis d’une star qui a su de façon extraordinaire se faufiler d’un anonymat relatif à une gloire qui reste encore inédite dans l’histoire de la peinture. Les différents intervenants qui ponctuent ces livraisons d’images réussissent à ne pas déraper dans le révérencieux et nous fournissent au contraire des angles, des éclairages, à même d’affiner notre point de vue. Si l’on n’est pas toujours d’accord, les interventions sont toujours de haut niveau qu’elles viennent de Philippe Dagen (critique d’art dans les pages du Monde), de Olivier Widmaier Picasso (petit-fils du peintre et co-producteur du documentaire) de Stéphane Guéguan (critique, historien d’art et conservateur au Musée d’Orsay), de l’artiste Jeff Koons qui nous livre là son admiration, voire sa dévotion pour Picasso, de Guy Scarpetta (écrivain et historien d’art) ou encore du très sérieux Glenn D. Lowry, directeur du Museum of Modern Art. L’addition de tous ces points de vue plus ou moins distanciés et plutôt moins que plus à vrai dire, mais dispersés intelligemment tout au long du film, cette addition disions-nous, participe d’un montage qui nous emmène sans ennui aucun au bout de cette histoire compressée en moins d’une heure.

"Picasso, naissance de l'icône". Photo de cette image du film: PHB/LSDP

« Picasso, naissance de l’icône ». Photo de cette image du film: PHB/LSDP

On peut effectivement se laisser facilement porter par cet itinéraire tellement peu ordinaire, qui nous instruit même avec des séquences a priori banales comme une séance de baignade, de corrida, de rigolade entre amis, ou encore un brin loufoques où l’on voit l’artiste posant presque nu dans un immense slip de type kangourou. Mais, que ce soit sous la caméra de Clouzot dont on voit ici des extraits (« Le mystère Picasso) ou à travers des objectifs divers, le plus fascinant (le terme est faible), est de retrouver Picasso en plein processus créatif, là où l’intensité de son regard le dispute à l’habileté de ses doigts. Il y a peu d’hésitation chez Picasso, sa main toujours très sûre, opère le tracé qui conduit du premier coup, à une œuvre le plus souvent de premier plan. C’est ainsi, de l’index on le voit dessiner dans le sable de la plage, avec la même inspiration et l’incroyable facilité qu’il doit déployer aujourd’hui dans la poussière jaune des étoiles.

PHB

« Picasso, naissance de l’icône » en vente à partir du 7 octobre au Grand Palais, le réseau des musées nationaux (RMN), et sur le site de l’INA. 19,90 euros

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5 réponses à Picasso, la mise en scène sous contrôle d’une icône

  1. lemonnier dit :

    Bonjour à vous,
    Avec un grand intérêt je viens de vous lire et je dois vous avouer que je vais m’empresser d’achat ce DVD, allant demain voir l’exposition. Inconditionnel de Picasso comme beaucoup de ma génération, ma grande hâte est réelle et ce DVD me sera l’interface du film de Clouzot qui reste pour moi tout l’art de l’image de Picasso. Participant avec des étudiants en Arts Plastiques, je ne manque jamais de le leur projeter et il va de soi qu’ils seront aussi invités au Grand Palais, aux fins de mieux comprendre ce que Picasso nous donne à dire et à penser. Comme toujours vos billets du matin nous sont un rendez-vous. P.L.

  2. De Montplaisir dit :

    Un champion historique et mondial de la communication

    Ce qu’il y a d’extraordinaire chez Picasso, c’est son art incompar

  3. De Montplaisir dit :

    Un champion historique et mondial de la communication

    Ce qu’il y a d’extraordinaire chez Picasso, qu’on aime ou non sa peinture, c’est son art incomparable de la communication. Seul Napoléon – celui des « Pestiférés de Jaffa », où il n’avait jamais mis les pieds- lui arrive à la cheville. Toute sa vie Picasso a menti, se faisant passer pour ce qu’il n’était pas. Un seul exemple : le fameux tableau « Guernica », donné par tous les critiques comme peint en réaction au bombardement allemand de la petite ville basque. Alors que pas du tout. Le tableau n’ eut pas de nom pendant longtemps et ce fut un journaliste de New-York qui, après 1945, donna au « maître » l’idée de ce nom. Et les petites turpitudes de ce genre sont légion.

  4. Flourez BM dit :

    C’est bien tout l’intérêt « intellectuel » de ce genre d’événement sur de telles personnalités, quand on se donne la peine de réfléchir et de commenter, comme ici dans ces Soirées de Paris : comprendre (ou révéler) que la part de lumière est d’autant éblouissante que la part d’ombre est dense.
    Le génie, la vision, l’habileté… et le calcul, la manipulation, l’opportunisme… Ne sommes nous pas tous ainsi (à divers degrés cela s’entend) ?

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