Les gaies réminiscences du studio Lévin

Maison de la photographie Robert Doisneau à Gentilly. PHoto: PHB/LSDPLeurs portraits n’avaient pas de vocation artistique à proprement parler. En revanche leur métier était un art et leur travail photographique a su épouser les évolutions de la société tout au long de cinquante années d’activités ayant produit 250.000 clichés. Le Studio Lévin avait pour seule ambition d’exécuter les commandes de ses clients issus du monde de la musique ou du cinéma. Depuis le 17 juin, la Maison de la photographie Robert Doisneau à Gentilly (ci-contre) honore le style d’un fameux couple de photographes.

Car ils étaient deux. Sam Lévin commence tout seul chez lui dans son appartement de la rue Saint-Georges mais il est vite rejoint par Lucienne Chevert. Le duo ne connaîtra qu’une seule rupture technique en 1942 car Sam Lévin était juif. C’est Lucienne qui tiendra la maison sous son seul nom le temps qu’une époque singulièrement barbare s’achève.

Leur travail suit les modes certes, mais il y a incontestablement une continuité, un style et une façon de faire propres au studio Lévin. Des personnages célèbres ou en passe de l’être, des décors savamment dépouillés qui valorisent le sujet sans pour autant exagérer son importance: l’approche particulière de Lucienne et de Sam leur apporte un succès certain. Avec le temps et des contrats durables signés avec les disques Barclay ou Unifrance-Film, les deux associés finiront par ouvrir un studio réputé « gigantesque » à Boulogne-Billancourt.

Il y a quelques photos notables sur les deux étages de cette modeste maison pluri-centenaire. Après-guerre et notamment dans les années soixante (on le verra notamment avec Jean-Marie Périer), les artistes n’avaient pas peur d’une certaine dérision dans le traitement de leur image. Au contraire d’aujourd’hui où le culte de l’égo fait des ravages notamment dans les clips. Les tirages non recadrés (et c’est tant mieux) du studio Lévin nous montrent par exemple un extraordinaire Fernandel hilare ou une partie de bras de fer entre Léon Zitrone et Guy Lux.

Dalida, sans date © Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Sam Lévin

Dalida, © Ministère de la Culture – Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Sam Lévin

Les photos que l’on découvre par ailleurs de Dalida, Mireille Mathieu, Dick Rivers, Françoise Hardy ou Claude François, fleurent bon le 45 tours et le tourne-disque portable. Tandis que celles de stars en phase ascensionnelle comme Brigitte Bardot ou encore Catherine Deneuve révèlent une capacité à restituer un sujet dont le propos, notamment dans le regard, est bien de faire rêver.

En revanche, Martine Carol à l’œil exagérément agrandi ou Mireille Darc enfermée dans un flacon sont deux écarts qui témoignent aussi d’une créativité à même de flirter avec un onirisme tout à la fois plaisant et esthétique. Dans tous les cas le travail, le style, la rigueur sont évidents.

Riche idée que cette exposition gratuite qui court jusqu’au 25 septembre. Elle nous oblige à passer le périphérique pour gagner Gentilly et c’est bien agréable d’échapper à cette pression parisienne qui fait que tout le monde semble à bout de nerfs intra-muros ou sur le point de l’être. En nous invitant sans peine à ralentir le pas, les cadrages si soignés du studio Lévin, avec leurs gaies réminiscences, nous font du bien. Et tout l’intérêt de cet effet est de comprendre pourquoi : quelque raison à base d’insouciance perdue sans doute.

PHB

Mireille Darc en flacon. Expo Studio Lévin. Photo: PHB/LSDP

Mireille Darc en flacon. Expo Studio Lévin. Photo: PHB/LSDP

Maison de la Photographie Robert Doisneau, 1 rue de la Division du Général Leclerc, 94250 Gentilly. Jusqu’au 25 septembre. Pour y aller on peut prendre le bus 57 ou descendre à Charléty/Gentilly par le Tramway et gagner la Maison de la Photographie en dix minutes.

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3 réponses à Les gaies réminiscences du studio Lévin

  1. J’aimerais bien savoir où était installé le studio Liévin de Boulogne-Billancourt.

  2. Laurent Marandet dit :

    J’ai travaillé dans ses anciens studios (SIP = studios internationaux de publicité) place du Marché à Neuilly sur Seine en 1979. Il n’était déjà plus aux commandes de ce studio, qui était très grand mais commençait à tomber en décrépitude (le matériel datait des années 60). L’activité était devenue les catalogues de meubles et de la Redoute, le tout à la chambre 4×5′ ou 13×18′ avec éclairage tungstène et de nombreux Cremer à lentille Fresnel et des flashes Balcar. Par la suite, le local a été repris par un labo photo (Labo 9, je crois).

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