Le cheval de Przewalski se cherche un toit

Le chaume a en partie disparu et le reste est recouvert d’une mousse qui n’augure rien de bon pour l’étanchéité générale du toit. Cette drôle de petite maison, sise au milieu de la ménagerie du Jardin des Plantes,  est la « fabrique » à l’intérieur de laquelle s’abritent quelques exemplaires du cheval de Przewalski un gentil canasson surtout connu des amateurs de grottes ornées. La Fondation du Patrimoine et le Muséum national d’Histoire naturelle viennent d’unir leurs forces pour tenter de trouver les 88.800 euros nécessaires à la réfection de la toiture. A l’heure où l’on vient de dépenser plus de 200 millions d’euros pour une canopée des Halles qui fuit dès qu’il est possible, cette petite histoire ne manque pas de sel.

Et cela valait bien une petite visite. Sauf erreur de comptage, ils sont trois. Ces braves chevaux issus de Mongolie ont longtemps été portés disparus. Jusqu’à ce qu’en 1879, un certain colonel Przewalski les redécouvre. Ils ont d’abord été capturés et priés de se reproduire. Grâce à de laborieux efforts, certains caracolent désormais en liberté dans les steppes mongoles et même en Lozère. Mais ils ne sont pas plus de 2000. Et après avoir été classés en « danger critique » en 2008, ils ont changé de seuil pour la mention « danger » tout court en 2011.

Petit à petit les zoos ont changé de vocation. Ils ne sont plus là pour la simple exhibition à motif pédagogique mais pour sauver ce qu’il nous reste encore. Notre regard change sur les animaux. Parfois c’est la détérioration de leur habitat naturel qui enclenche leur déclin comme pour la girafe qui vient de faire l’objet d’un message d’alerte générale. Ce n’est pas qu’elles servent beaucoup sous nos latitudes mais on en garde un petit groupe à Vincennes à tout hasard.
Dans d’autres cas, c’est encore plus insidieux. Il en va ainsi du vautour de Pondichéry dont on connaît le rôle de fossoyeur naturel. Exilé dans le cinquième arrondissement, il est lui aussi sous protection de la ménagerie. Quatre-vingt-dix pour cent de l’espèce a disparu à cause de la mauvaise qualité des cadavres de bétail dont il se nourrit. Parce qu’en les becquetant avec un appétit effréné, ils avalaient au passage du Diclofenac, un puissant anti-inflammatoire qui leur détruisait les reins. Fort heureusement, l’Inde, le Népal et le Pakistan, en ont interdit l’usage vétérinaire dans les cheptels. Au cas où cela ne fonctionnerait pas, il sera toujours temps de mobiliser à l’export nos échantillons parisiens.

Le cheval de Przewalski

Quand la ménagerie du Jardin des Plantes  a été construite en 1790, l’humanité comptait moins d’un milliard d’habitants contre 7,5 milliards aujourd’hui y compris l’apparition de nouvelles espèces proliférantes allant du chômeur au djihadiste. Il paraît que nous pourrions tous tenir sur les 1628 kilomètres  carrés de la Guadeloupe en cas de pépin globalisé, mais il est également probable que nous y mourrions tous de faim en attendant d’être définitivement nettoyés par le vautour de Pondichéry qui tiendrait là une savoureuse occasion de revanche dans un glorieux come-back.

La déambulation dans les belles allées de la vieille ménagerie n’interpelle plus notre curiosité mais notre responsabilité. Nous y sommes moins des promeneurs ordinaires qu’une espèce invasive observant avec une émotion non feinte le dernier carré vivant de ce que nous tentons de sauvegarder. Le petit singe-lion qui chatoie, la panthère des neiges qui nous toise comme une prisonnière face à son gardien, le crocodile du Nil bouche-bée d’avoir entendu samedi Macron en meeting à la Porte de Versailles, le python des sables méditant un mauvais coup dans ses replis luisants et enfin ce cheval de Przewalski qui nous tourne le dos occupé par le contenu de sa mangeoire: eux et les 1200 pensionnaires du parc totalisant 180 espèces, ne nous disent pas merci. On ne saurait les taxer d’ingrats.

PHB

Pour ceux qui voudraient venir au secours de la « fabrique » du cheval de Przewalski: contact.donateurs@mnhn.fr

Le petit singe-lion de la ménagerie

 

 

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4 réponses à Le cheval de Przewalski se cherche un toit

  1. Catherine D dit :

    Bigre ! la ménagerie devrait tenter les devis comparatifs… il me semble que celui-ci est un peu élevé .

  2. tristan felix dit :

    Cher Philippe,
    L’espèce humaine, en effet, se suicide à la destruction de tout ce qu’elle croit ne pas être elle, alors que nous formons un tout. La Nature inclurait-elle dans son « hasard » notre espèce fatale – ultratoxique depuis les premiers pacages – pour son renouvellement, sans nous ?
    L’homme s’est développé, s’est civilisé en dérobant à toutes les autres espèces (animales, minérales, végétales etc.) tout ce qu’il ne savait pas être ou faire, décrétant, dixit Dieu, qu’il en était le maître. C’est la fameuse « mètis » grecque qui consiste à l’emporter sur plus fort que soi, par son retournement. Technique de chasse du poulpe, principe de solidité des alvéoles hexagonales, ailes des oiseaux, structure scotch-bright des langues de chat, sonar des baleines et chauves-souris etc. Paradoxe effrayant, au nom de sa survie, il se multiplie – toujours dixit Dieu -, désertifie et, sauf évasion vers une autre future poubelle planétaire, programme son extinction avec celle d’un environnement qu’il a soumis à sa faiblesse. Pascal avait raison mais s’il est un roseau pensant, ce n’est pas à sa gloire. Il a dû penser pour n’être pas écrasé par l’univers – qu’en bout de chaîne il écrase.
    Les habitants de l’île de Pâques semblent déjà avoir esquissé ce sinistre scénario.
    Heureusement, il se garde des graines, des cellules souches, des spécimens pour partir comme un voleur.
    Pourtant, et je vous recommande ce réjouissant film, il existe mille initiatives que taisent les médias pour augmenter le degré de terreur et de fatalisme impuissant et donc offerts à l’ennemi qui arriverait en sauveur mortifère : « Enfin des bonnes nouvelles », de Vincent Glenn, au cinéma La Clef, et à l’Espace Saint-Michel.
    http://www.allocine.fr/seance/film-250254/
    Merci pour toutes vos nouvelles.
    Amitiés.
    Tristan Felix

  3. Je suis de tout cœur avec vous, cher Philippe,
    pour avoir fait il y a quelques semaines le même périple que vous. Je voulais montrer à un petit cousin de 7 ans ses frères animaux, mais je l’ai trouvé bien peu intéressé, alors que moi j’avais le cœur triste devant ces tristes créatures…
    Il me semble que ce petit cheval serait l’ancêtre des chevaux.
    Les divers reportages cachés filmés dans les abattoirs depuis un ou deux ans contribuent à la sensibilisation des humains au sort de leurs frères animaux, mais c’est bien lent…
    Je suis aussi allée refaire un tour des serres, dont une affreusement rénovée, et là encore mon cœur s’est serré en les comparant avec mes chères Serres d’Auteuil, livrées au sport business.
    J’espère que l’on peut compter sur la Fondation du Patrimoine pour mettre au sec les petits chevaux de Mongolie redécouverts en Pologne!

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