Discrets jardins

Ce carré de verdure parisien fait partie des lieux sur lesquels on tombe par hasard. Il faut pour celui-là, passer le porche sécurisé de l’Institut Culturel Italien, rue de Varenne. Deux objets peuvent vous y conduire: une exposition en cours ou la toute petite bibliothèque qui se situe en sous-sol. Parmi ses charmes, l’hôtel de Galliffet compte un jardin avec ses quatre côtés presque égaux et ses chaises d’agrément qui invitent à la pause comme dans la cour intérieure d’un monument florentin.

Les grilles du Luxembourg vont bientôt supporter une exposition sur les 420 « jardins extraordinaires » répertoriés comme « remarquables » à l’échelle nationale par le Ministère de la Culture et de la Communication. On ne sait si celui de la rue de Varenne y figurera mais peu importe, ce qui compte c’est la découverte, pas le label.

En marge de cette nomenclature prestigieuse, figurent à Paris au moins autant de squares de quartier et même de territoires verts que l’on n’appelle même pas jardins. Lors des grandes phases de construction d’habitations la plupart du temps populaires, soit des années trente jusqu’aux années soixante, l’espace n’était pas aussi précieux qu’aujourd’hui. Des ensembles modestes sont environnés de larges superficies plantées où des générations d’enfants ont joué au ballon.

Plus encore sur la périphérie, le long des Maréchaux, on compte nombre d’espaces que la population s’est appropriée au cours des années par un usage familial, sportif, ou pour entretenir les relations de voisinage, laisse du chien en main. Par exemple entre la Porte Brancion et la Porte de Versailles, des stades, des cours de tennis, des allées arborées, occupent les sols qui courent jusqu’au périphérique. Ces endroits sont idéaux pour se réconcilier avec l’humanité.

Jardin de la périphérie parisienne

D’abord parce qu’ils sont jolis en toute saison même en cette fin d’hiver où la brume matinale déploie sans ostentation ses effets impressionnistes. Depuis les années cinquante les arbres ont vieilli et dispensent l’ombre indispensable aux lourdes journées d’été. Les allées sinueuses sont favorables aux promeneurs qui viennent là le soir aider à la digestion. Depuis peu il y a des agrès pour ceux qui veulent se défouler. Rien n’est réglementé, la population est paisible.

Juste au-dessus se situe le square Albert Calmette avec ses terrains de basket et ses tables de ping-pong. L’espace généreux ne fait l’objet d’aucun plan funeste de la part de la mairie qui viserait à l’enduire de plusieurs couches de béton, de lui coller une déchetterie ou un stade de tennis, comme c’est le cas au Centre sportif Léo Lagrange (12e) au Stade Ménilmontant (11e) ou au jardin des Serres d’Auteuil. On y est heureux sans effort, la rumeur de la circulation toute proche soulignant par contraste le confort certain de cette enclave bénie.

PHB

 

NB: En attendant l’accrochage prévu pour le 18 mars sur les grilles du Luxembourg avec des signatures de photographes célèbres, le parc a fait l’objet d’une annonce par son gestionnaire, la haute assemblée sénatoriale. Plus de deux cents marronniers vont être abattus d’ici 2021, victimes d’un chancre bactérien qui leur est spécifique et provoqué par la mouche mineuse. Normalement la Phytomyza gymnostom, petit engin aéroporté de trois millimètres de long, préfère les poireaux où elle aime creuser des galeries d’art primitif. Selon le Sénat, les marronniers du Luxembourg représentent presque la moitié des arbres du jardin.

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2 réponses à Discrets jardins

  1. Vaillant dit :

    Respiration psychique urbaine, les jardins sont notre avenir. Pourvu qu’ ils ne deviennent pas seulement « nos madeleines de Proust ».
    Couleurbulle.blog.lemonde

  2. philippe person dit :

    Il n’y aura bientôt plus de marronniers… et donc on comprend pourquoi il y aura de moins en moins de journaux et de journalistes…

    Sur les espaces verts détruits, un regard sur la porte Maillot… où face au Palais des Congrès, il y avait un vaste « rond-point » vert avec des grands arbres et des bancs…
    et où pullulaient les lapins… J’allais les nourrir avec mon fils… On y faisait des anniversaires avec des tonnes d’enfants qui découvraient le plaisir de nourrir des lapins avec des fanes de carottes… avec en bruit de fond des milliers d’automobiles qui fonçaient vers l’avenue de la Grande Armée ou vers le Bois de Boulogne…
    J’aimerais plaider pour qu’on sauve aussi les endroits moches, ceux qu’on peut s’approprier avec un peu d’imagination et qui ont, au fil du temps, la beauté des souvenirs perdus…

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