Direction Porte d’Italie

Lorsqu’il se marie en 1918, Guillaume Apollinaire va consacrer l’événement à la brasserie Poccardi à proximité des grands boulevards. Le 2 mai, en compagnie de Pablo Picasso, Ambroise Vollard, Gabrielle Buffet et Lucien Descaves, il y déguste notamment des ravioli al pollo, un filet de turbot au vin blanc et une  entre-côte grillée sauce béarnaise le tout accompagné de Chianti vieux et d’Asti spumante. Il se trouve que la carte générale de ce restaurant disparu figure à l’exposition « Ciao Italia » qui vient de débuter au Palais de la Porte Dorée.

A la vérité il aurait fallu destiner l’entièreté de ce si beau palais à l’apport de l’immigration italienne en France. Les contributions humaines de la péninsule depuis un gros siècle sont en effet tellement nombreuses, tellement diversifiées, que forcément il en manque beaucoup. Mais c’est égal, cette exposition nous montre à quel point le bilan d’une immigration débutée dans la seconde moitié du 19e siècle s’avère ô combien positif, contrastant fortement avec les sentiments xénophobes qu’elle a suscités dans un premier temps. Quand les Italiens n’étaient pas encore les bienvenus en France, on les traitait de « macaronis ». Chaque peuple migrant a eu ses sobriquets à vocation blessante.

Rien que le nom de l’exposition  « Ciao Italia », nous rappelle que cette façon de saluer nos amis, nos proches, s’est depuis longtemps intégrée à notre vocabulaire. Il y a dans ce mot une dimension amicale que l’on ne retrouve ni dans le formel « au-revoir » ni dans le sec et le souvent morne « salut ». Si « Ciao » nous va si bien c’est que le terme évoque l’amitié, la chaleur, le goût de la vie enfin. Au point que les Italiens le servent en saccades avec des échos qui vont decrescendo. « Ciao » enfin est tout le contraire d’un adieu et le dire, même gratuitement a quelque chose de régénérant. Nos liens avec l’Italie sont si profonds, si intenses, que la scénographie ne pouvait remonter plus loin que le 19e siècle. Ce n’est peut-être pas un hasard non plus si parmi toutes les portes qui jalonnent les boulevards extérieurs parisiens, seule la péninsule a droit à la sienne.

C’est donc notre mémoire proche qui est sollicitée ici, d’abord avec une ronde de scooters Vespa. La dimension économique n’a en effet pas été écartée loin s’en faut avec des industriels célèbres comme Ponticelli, dont le patronyme a également été connu pour avoir été celui du dernier « poilu » à s’éteindre en 2008. Lazare Ponticelli a tenu jusqu’à 110 ans. Il venait de Bettola (Emilie Romagne). La  firme Simca, fondé par le turinois Enrico Teodoro Pigozzi, fait également partie de l’achalandage sous la forme de voitures miniatures.

Fatalement, l’exposition on l’a déjà dit, passe trop vite sur un peu tout. Dans le domaine de l’art, des artistes comme  Giuseppe de Nittis ou Gino Severini n’ont pas été oubliés mais il y a de nombreux absents. Le but n’était pas semble-t-il d’être exhaustif mais plutôt de signaler ça et là quelques exemples flagrants pouvant éveiller la curiosité ou réveiller les mémoires. Le Palais de la Porte Dorée se voulant populaire, les portes d’entrées un peu cérébrales sont mises de côté. Mais le côté pédagogique en revanche, traditionnellement bien servi, n’est jamais oublié.

Lino Ventura en catcheur

C’est ainsi que trois « vedettes » de la scène française ont été mises en avant, comme Yves Montand originaire de Toscane né Ivo Livi, Serge Reggiani (né à Reggio) davantage connu comme chanteur que pour s’être impliqué dans les mouvements antifascistes (adhérent à ce titre de la Fratellanza Reggiana de Paris) et enfin mais non des moindres, Lino Ventura, le « petit parmesan » comme il le disait lui-même en faisant allusion à sa ville d’origine. Lui fit un peu tous les métiers (groom, catcheur, représentant de lingerie, livreur …) avant devenir le tout autant subtil que granitique acteur de cinéma, crevant la scène hexagonale dans les registres comiques et dramatiques. L’exposition le présente notamment dans la mythique scène de « L’aventure c’est l’aventure » au cours de laquelle il explique à ses amis comment draguer sur les plages, c’est dire si le niveau général de « Ciao Italia » est abordable.

PHB

Jusqu’au 10 septembre, Palais de la Porte Dorée

 

Ronde de scooters à l’entrée de l’exposition « Ciao Italia »

 

N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Apollinaire, Exposition. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à Direction Porte d’Italie

  1. philippe person dit :

    Et Nino Ferrer ? Qui a si bien parlé du Sud…
    « C’est un endroit qui ressemble à la Louisiane
    À l’Italie
    Il y a du linge étendu sur la terrasse
    Et c’est joli »

  2. Hervé Buthaud dit :

    je lis toujours vos billets avec beaucoup d’intérêt et vous en remercie. C’est un régal. Mais il est dommage qu’une faute de frappe d’entrée vienne aujourd’hui troubler ma lecture. Antoine ou Ambroise ??

  3. Nadalutti dit :

    Grazie Signor PHB

Les commentaires sont fermés.