Présent au vernissage de son exposition, David Hockney n’a logiquement pas dû blâmer cet inévitable réflexe qu’ont la plupart des gens d’immortaliser leur visite à l’aide de leur téléphone mobile. Décrit comme un technophile, l’artiste britannique s’est intéressé tout au long de sa longue vie à toutes les nouveautés exploitables pour son art, de la photocopieuse au Polaroid, jusqu’à l’iPhone et sa déclinaison en tablette. Chronologique cette rétrospective qui débute au Centre Pompidou nous accompagne dans ces évolutions.
L’espace généreux a autorisé un large déploiement. Chaque salle est une rupture qui nous amène à réviser notre jugement sur la précédente. Cet admirateur de Picasso n’a pas voulu se laisser enfermer dans un genre donné. La scénographie se divise entre ce qui pourrait constituer des étapes de sa réflexion jusqu’à des œuvres totalement abouties. Un choix qui peut engendrer certaines déconvenues jusqu’à ce que l’on admette le mécanisme.
Ainsi David Hockney s’est intéressé aux photographies Polaroid pour mieux dépasser et amplifier la technologie instantanée symbolisée par cette marque. Il en résulte à la fois des compositions tout à fait remarquables, presque gênantes à force d’être hypnotiques. Et à côté de cela, coexistent sur les cimaises, des œuvres matérialisant une idée en transit et qui procurent une nette sensation d’inachevé. Un jugement hâtif laisserait penser qu’elles sont ratées, ce ne sont que des étapes. Cette rétrospective est un itinéraire qui nous fait passer en permanence de l’abouti à l’inabouti. Au moins l’œil ne s’endort pas. Hockney est animé par une vision « polyfocale » laquelle, en peinture comme en photographie joue de la juxtaposition pour donner un sens à un rassemblement en fin de compte unitaire.
Il y a bien sûr l’artiste de l’affiche et l’idée qu’on s’en fait généralement à travers ses « pools » autrement dit ses scènes de piscine dont le traité par aplats n’est pas sans rappeler le travail d’un Alex Katz (1). L’une des plus célèbres est « The bigger splash » soit un jaillissement d’eau dans un décor inerte. Il paraît que ces brefs instants supposés provoqués par un plongeon ont demandé du travail à l’artiste et c’est dommage car sans le « splash » la toile aurait été parfaite. La preuve en est un peu plus loin de cette table sur laquelle sont posés différents objets établissant là encore que l’aboutissement d’un travail lui permet parfois de jeter l’ancre mais que chez Hockney il y aurait comme une appréhension du générique, une peur de l’épilogue. Il y a là matière à disserter. Certains verront un « final cut » là où d’autres se plaindront de l’inverse.
Hockney est un explorateur infatigable mais tout à fait capable d’exécuter un dessin classique comme celui -puissant- représentant sa mère ou de refaire à sa manière « L’annonciation » de Fra Angelico. Son art est foisonnant et ce qu’il a réussi à faire par le prisme des tablettes informatiques avait l’air de faire consensus parmi les premiers visiteurs le soir du vernissage. Ses « IPads Drawings » méritent que l’on s’y intéresse en tant qu’œuvres graduelles démontrant par là qu’une peinture englobe non seulement un résultat mais les étapes ayant précédé ce résultat. Tout comme cette vaste rétrospective qui se veut parsemée d’avant, de pendant et d’après. Soit la définition même de l’éternité. En jouant sur les trois, Hockney se veut insaisissable.
PHB
Rétrospective David Hockney au Centre Pompidou jusqu’au 23 octobre
(1) Alex Katz
visiter une exposition avec un iPhone, quel ennui… on a rien à se dire
L’i-Phone et ses diverses déclinaisons – ou tout autre téléphone mobile – est aussi un appareil photo pratique et maniable, que l’on peut emporter partout avec soi, et utiliser lorsque le regard s’arrête sur un ensemble ou un point de détail intéressant. Bien sûr, le « vrai » photographe ne connaît que le matériel lourd et encombrant (et excessivement coûteux) mais à la pointe et donc, seul son travail est reconnu. La photographie du smartphone a ses faiblesses, mais on peut avoir beaucoup de choses à se dire, lorsqu’on aime visiter des expositions, et quelques petites choses à photographier… Quatre personnes sur un banc devant le Bois de la Cambre de Rik Wouters, une mère avec son enfant devant une sérigraphie de Moebius, une série d’extincteurs dans un musée d’art contemporain… Différentes interprétations de la légende de Saint-Georges, pour ne citer que celles-là.
Mais bien sûr, ce ne sont pas des photographies « reconnues » par les professionnels o;)))