Boulogne a 700 ans

Lors de l’inauguration de l’exposition « Boulogne a 700 ans », vendredi 15 février, le maire de Boulogne-Billancourt, Pierre-Christophe Baguet, a eu la bonne idée de convier les happy few dans les salons d’honneur de la mairie édifiée par Tony Garnier en 1936, cette somptueuse double salle monumentale or et noir, au plafond griffé d’or par le peintre Mathieu. Seconde bonne idée : il a demandé à l’historien Franck Ferrand de venir présenter l’événement, ce qu’il a fait avec un luxe de détails et un plaisir gourmand tout à fait contagieux.
L’historien nous a donc conté 700 ans d’Histoire, en commençant par une petite plaisanterie : lorsque deux fleuves se rencontrent, priorité est donnée au plus important. Or La Seine et l’Yonne se mêlant à Montereau-Fault-Yonne et le débit de l’Yonne étant supérieur, la Seine aurait dû prendre à partir de ce confluent le nom de l’Yonne, c’est donc l’Yonne qui borde Boulogne (et accessoirement Paris, en somme).
Ceci établi, nous nous sommes projetés non loin jusqu’à ce village des Menus situé en face de Saint-Cloud, bordé par l’Yonne ou la Seine, c’est selon, du côté de Longchamp et de la forêt de Rouvray. Un modeste village du douzième siècle, entouré de bois, de prés, d’éleveurs et –très important- de vignes. En 1134, dans la foulée de l’expansion de l’ordre bénédictin, Louis VI le Gros octroie les Menus à l’abbesse de Montmartre. « Et pendant six siècles et demi, précise l’historien, l’abbaye de Montmartre tirera d’appréciables revenus des vignes des Menus, car dans le clergé, on a maintes occasions d’apprécier le vin ». Certes.
Autre importante précision : Louis VI le Gros a exclu Longchamp de la donation, et en 1260, Saint Louis confiera à sa sœur Isabelle de France la direction de l’abbaye de Longchamp, relevant de l’ordre franciscain.

Soudain, nous voilà au début du XIVème jusqu’en Flandre, où Philippe Le Bel doit mater ces Flamands remuants, rattachés à la France, et manque de se faire tuer lors d’une bataille. Sur le chemin du retour, le roi passe par la basilique Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer (fondée en 633 après l’apparition miraculeuse d’une statue de la Vierge posée sur un bateau voguant sur la mer sans équipage) pour remercier la Vierge de sa victoire. Il y reviendra dès 1308 pour y marier sa fille de douze ans Isabelle de France (surnommée « La Louve » d’après l’historien) au futur roi d’Angleterre Edouard II. De retour vers Paris, Philippe le Bel aurait confié à son entourage son désir de créer un lieu de pèlerinage plus proche de Paris.
Mais le roi décède subitement en 1314, et vient alors le temps des « Rois maudits » popularisés et romancés par Maurice Druon, maudits parce que laissés sans descendance, comme nous le rappelle Ferrand. Le projet est repris de créer un lieu de « pèlerinage raccourci » sur « cinq arpents de terre » du terrain des Menus, donné par l’abbesse de Montmartre. Qui décide que « le village des Menus sera désormais appelé Boulogne-sur-Seine ».

Philippe V Le Long posera la première pierre en 1320, mais des troubles multiples (dont la terrible peste noire) ne permettront l’achèvement de l’édifice que plus d’un siècle plus tard. Il s’agit là d’une anomalie, car contrairement à l’opinion commune, souligne l’historien, les grandes cathédrales furent généralement construites en 30 ou 40 ans. L’église Notre-Dame-de-Boulogne, sise à Boulogne-la-Petite, va devenir au fil du temps un lieu de pèlerinage considérable, une sorte de « Lourdes du nord ».
Plus tard, Louis XIV en assurera volontiers l’entretien après avoir décrété la forêt de Rouvray (bois de Boulogne) réserve de chasse royale.
L’historien passera ensuite plus rapidement sur l’histoire moderne de Boulogne, mieux connue : la destruction de l’église, devenue entrepôt de fourrage sous la Révolution; l’essor immense de la blanchisserie étendue sur les prés le long de la Seine (« On commandait les draps par douzaines de douzaines ») ; le Duc de Morny créant le quartier du Parc des Princes et le Champ de courses de Longchamp ; les usines Renault (Billancourt adjoint à Boulogne en 1860) et la naissance des studios de cinéma. Puis le nord de la ville devenu un véritable champ d’expérimentation des jeunes architectes des Années 30 (Le Corbusier, Jeanneret, Mallet-Stevens, Tony Garnier, Faure Dujarric, etc.).

Sans oublier, bien entendu, la reconstruction de l’église au XIXème siècle, au temps de la relève du patrimoine entreprise sur tout le territoire par les deux compères, l’écrivain Mérimée et l’architecte Viollet-le-Duc. C’est un élève de ce dernier, Eugène Millet, qui s’attellera à la tâche, comme à Saint-Germain-en-Laye, Moulin ou Troyes. Il nous a fallu descendre des salons d’apparat du premier étage au rez-de-chaussée de l’édifice pour revoir en images, panneaux, photos et documents divers ces 700 ans d’histoire boulonnaise que Franck Ferrand venait de nous conter.
Encore une bonne idée d’un maire amoureux de son patrimoine : organiser l’exposition dans le hall même de la mairie (plutôt que dans le musée « Années 30 » néo moderne), cette majestueuse coursive étayée de piliers, éclatante de lumière.
De grands panneaux à l’imagerie volontairement naïve nous racontent toute l’histoire, le clou étant caché dans ce petit réduit dans lequel on pénètre au compte goutte : on y trouve, bien protégée sous vitrine, « La lettre d’amortissement de Jehanne de Repentie », abbesse de Montmartre, dans laquelle elle abandonne en 1320 ses droits sur les cinq arpents des Menus où s’élèvera l’Église Notre-Dame de Boulogne-la-Petite.

Lise Bloch-Morhange

 

Exposition « Boulogne a 700 ans » jusqu’au dimanche 14 avril 2019
Hôtel de Ville
26 avenue André Morizet
92100 Boulogne-Billancourt
Renseignements 01 55 18 53 00
boulognebillancourt.fr
Entrée libre

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3 réponses à Boulogne a 700 ans

  1. philippe person dit :

    Je ne préfère pas faire partie des « happy few » quand c’est Franck Ferrand qui est à la baguette…
    N’y-avait-il pas de vrais historiens pour raconter une ville si riche en histoire ?
    et qu’on ne me parle pas de Stéphane Bern et de Lorant Deutsch !

  2. Certes, cher Philippe, Fernand Braudel ou Georges Duby ne sont plus de ce monde, mais je vous assure que Franck Ferrand n’a pas failli à la tâche vendredi dernier.
    Et si je partage vos réserves sur Lorant Deutsch, je trouve que Stéphane Bern fait beaucoup de bien à notre patrimoine.

  3. Pas informé du tout comme presse ….

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