Mister Blade, l’indésirable

Avec le développement des boîtes aux lettres électroniques sont très vites apparus les dossiers contenant des messages indésirables. Et il faut bien y jeter un œil de temps en temps car les systèmes de filtrage, par effet de zèle, identifient comme non sollicitées des missives qui ne mériteraient pas une telle mise à l’index. Ces courriers mal aiguillés sont au moins dignes d’être lus, même s’ils ne correspondent pas, loin s’en faut, à un désir proprement dit. La boîte aux lettres des Soirées de Paris et de son principal animateur n’échappe pas aux messages de masse, mais l’un de ceux reçus cette semaine, retenait l’attention. Sous l’objet « warning », un certain monsieur « Dragon Blade » prévenait l’auteur de ces lignes qu’il faisait l’objet d’un contrat.

On se passerait bien d’une telle attention d’autant que, sauf à payer 10.000 dollars dans les deux jours, ce Monsieur Blade se verrait au regret d’exécuter une funeste mission. Et de prévenir que s’il venait à votre serviteur l’idée de prévenir la maréchaussée, la mort promise serait non seulement inéluctable mais davantage douloureuse. « Vous pouvez toujours nous défier, insistait l’interlocuteur en anglais, si toutefois vous pensez que  10.000 dollars est une somme trop importante pour sauver votre vie ». Plus de 48 heures après rassurons-nous, nul spadassin n’est venu accomplir le méfait promis. À moins qu’il n’ait pris du retard, on ne sait jamais avec les perturbations actuelles dans les transports, il s’agissait donc d’une intimidation mais elle était, de par son objet, totalement inédite.

Ces boîtes aux lettres emplies de messages indésirables (spams) sont plus couramment révélatrices des dévoiements de nos sociétés modernes. La plupart du temps, les courriels expédiés sont de nature sexuelle avec des injonctions impératives du type « I am thinking about fucking you » (de la part de Rhona) ou encore « I am ready for any experiments in bed » (de la part de Evie). Répondre positivement à toutes serait incontestablement mauvais pour le cœur. On compte aussi quelques promesses de sommes somptueuses, à la seule condition de transmettre des coordonnées bancaires à partir desquelles, un virement pourra être effectué. Mais elles ne sont pas assorties de menaces immédiates, fort heureusement, à l’exception quand même des pirates informatiques annonçant avoir pris le contrôle de votre ordinateur. Si ces spams existent nonobstant, c’est qu’il existe sûrement des gens pour céder à la tentation ou à la peur. Ils représenteraient encore cinquante pour cent des messages électroniques expédiés dans le monde.

Selon Wikipédia, l’origine du nom vient de l’ancienne marque « Spiced Ham » une sorte de jambon épicé. Et que « l’association de spam et de indésirable provient d’un sketch comique des Monty Python, intitulé Spam ». Les Canadiens qui sont plus tatillons que les Français à l’égard des anglicismes, préfèrent le terme « pourriel », soit une contraction des mots « courriers » et « pourris ». Il paraîtrait que Bill Gates, le fondateur de Microsoft, recevait au plus fort de sa notoriété, jusqu’à quatre millions de messages indésirables par jour.  Ce sont des milliers de milliards de spams qui transitent de nos jours autour du globe. Ils sont principalement à vocation publicitaire ou rédigés à des fins d’escroquerie. Énorme et folle correspondance, par ailleurs singulièrement coupable de polluer l’atmosphère et dans laquelle les faux positifs représenteraient un peu moins d’un tiers du total. La promesse d’assassinat semble néanmoins plus rare ce qui justifie ces quelques lignes de fin de semaine.

Toujours est-il qu’il est bien agréable au fond, de rester vivant avec l’impression chaque matin d’avoir gagné au loto. Le message de monsieur Dragon Blade (titre d’un film chinois sorti en 2015) n’est pas sans rappeler « Les Tribulations d’un Chinois en Chine » un film d’aventure franco-italien réalisé par Philippe de Broca et sorti en 1965. Jean-Paul Belmondo y campait le rôle d’un riche désœuvré (Arthur Lempereur) sans plus aucun goût pour l’existence. Ruiné, il prenait une assurance vie qui conduisait un certain monsieur Goh à le tuer. Son existence était devenue mécaniquement compromise. Mais grâce à la présence revigorante de Alexandrine Pinardel, ethnologue et strip-teaseuse jouée par Ursula Andress,  Arthur Lempereur finissait par retrouver progressivement le moral, ce qui constituait un peu l’idée -bon marché- du film.

Mais en ce mois de juillet 2020, ensoleillé sans excès et avec une pression atmosphérique de tout repos qui avait fait dire à un bel écrivain disparu que dans ces conditions « Dieu est ambiant », le moral se doit être au beau fixe. Rendant toute menace du lointain successeur de monsieur Goh, Mister Blade, nulle et non avenue. La preuve est même devenue irréfutable, le cachet des Soirées de Paris faisant foi.

PHB

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3 réponses à Mister Blade, l’indésirable

  1. Yves Brocard dit :

    Bonjour,
    Juste une petite remarque, histoire d’être tatillon : l' »assurance vie », spécificité française, porte très mal son nom, car elle n’assure de rien, si ce n’est de donner le contenu du compte à celui que vous avez désigné, sans droits de succession, à votre décès.
    Il me semble que dans le film de de Broca, il doit s’agir d’une « assurance décès » qui elle, moyennant une cotisation mensuelle ou annuelle, verse au légataire désigné, une somme prédéfinie au moment du décès. Il s’agit en général de protéger sa famille ou quelque proche ou ami(e). Les causes du décès sont bien délimitées par contrat (le suicide est en général exclu). Il n’y a donc pas de capitalisation, c’est vraiment une assurance, au même titre qu’une assurance auto ou maison. Dès que vous arrêtez de cotiser, l’assurance pend fin, ce qui n’est pas le cas de la dite « assurance vie ».
    L’utilisation d’un nom pour l’autre est très fréquente et bien pardonnable.

  2. Stanton dit :

    Monsieur Bonnet,
    Je lis régulièrement vos billets que je trouve intéressants et j’ai été particulièrement « touchée » par votre article ; du coup, je me suis inscrite pour vous écrire. Tout d’abord, je vous remercie pour cette information que j’estime « grave »
    parce qu’elle met en garde les personnes vulnérables.

    J’ai aimé votre expression « Dieu est ambiant », je ne l’avais jamais entendue.
    Merci! ! Au plaisir de vous lire.

    • « Dieu est ambiant » appartient à l’écrivain Jacques Perret. A la réflexion j’aurais dû le préciser. Mais voilà qui est fait. Merci de votre commentaire. PHB

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