Première Dame

Depuis l’instauration de la IIIème République, les présidents ont accédé à la magistrature suprême en ayant contracté mariage. À l’exception de trois d’entre eux, Louis Napoléon Bonaparte, Gaston Doumergue et François Hollande. Leur épouse n’avait d’autre statut que celui résultant du livre I titre V du code civil. Et les attributions d’une maîtresse de maison bourgeoise. Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, elles n’ont guère laissé de souvenirs. À part, peut être, Jeanne Fallières, abondamment raillée par les chansonniers, pour ses naïvetés et ses bourdes. Marguerite Lebrun se trouve la première dénommée «première dame»… en 1936, au cours d’une visite d’État aux USA. Transposition journalistique du «first lady» désignant Eleanor Roosevelt. Effectivement, depuis l’Indépendance, l’étiquette de la présidence de l’Union a prévu d’accoler ce titre à l’épouse du président. Mais cette qualité n’est pas exclusive. À plusieurs reprises, le président étant célibataire ou devenu veuf, on appela ainsi, selon le cas, sa nièce, sa bru, sa sœur. Voire même sa fille, lorsqu’en 2000, Hillary Clinton se présenta avec succès aux sénatoriales.

Á la Maison Blanche, le président ne doit jamais être seul. First gentleman incombera au mari d’une éventuelle présidente, et l’hypothèse d’un couple homo ne prendra pas le protocole au dépourvu. À condition qu’il soit labellisé.

Les institutions françaises se sont bien gardées de prévoir une place officielle à l’épouse du président. Ce qui ne signifie pas qu’elle ne puisse avoir une influence officieuse. Michelle Auriol ouvrit la fonction aux bonnes œuvres, orientation poursuivie postérieurement. Yvonne De Gaulle se montra discrètement, mais implacablement, sourcilleuse en matière de mœurs. Habile, Lucien Neuwirth s’appliqua à lui «vendre la pilule contraceptive», avant sa proposition de loi. Portant bien la toilette, Claude Pompidou illustra la haute couture nationale. Se fantasmant le nouveau Kennedy, Valéry Giscard d’Estaing développa jusqu’à l’excès l’appellation «première dame» au grand bonheur de la presse pipeule.
On lui doit l’émergence du concept de «couple présidentiel», culminant lors des vœux de la Saint Sylvestre 1976. Danièle Mitterand rompit avec un usage constant de neutralité matrimoniale, exerçant une activité militante jusqu’à embarrasser le Quai d’Orsay. Sans doute pour rappeler son existence à son mari. Bernadette Chirac fit sonner ses dissonances, à l’évidence pour des motifs similaires.

Nicolas Sarkozy s’efforça d’impliquer Cécilia dans l’action politique, afin de la retenir. Jusqu’à la désigner son émissaire personnelle, en 2008, dans l’affaire des infirmières bulgares détenues en Lybie. Il est, ensuite, le premier à avoir divorcé et à s’être remarié au cours de son mandat. Mais Carla Bruni-Sarkozy ne s’est montrée en voyage officiel, à Londres, en mars 2008, qu’une fois la bague au doigt. François Hollande, pour sa part, a innové en faisant ostensiblement apparaitre une copine, aussitôt baptisée par les journaux anglo-saxons «first girl friend».

Bien que mariés, certains présidents eurent des liaisons extraconjugales.. Sous la IIIème, seule Meg Steinheil passa à la postérité pour avoir accompagné le président Félix Faure (ci-contre) dans son dernier spasme. Elle fut baptisée par la malice populaire «la pompe funèbre». Durant la IVème, difficile d’imaginer Vincent Auriol ou René Coty se livrant aux galipettes adultérines. Pas plus, au début de la Vème, le Général De Gaulle, ou probablement, Georges Pompidou. Après, le doute s’installe. Les gazettes s’en sont données à cœur joie , relatant des aventures supposées ou réelles. Le président Mitterand, presque in articulo mortis (à l’instant de la mort, ndlr), a révélé une double vie, dont la seconde moitié, Anne Pingeot, avait su rester clandestine toute la durée de ses deux septennats. Mais de compagne publiquement présentée comme telle avant Francois Hollande, jamais.

La situation n’a pas manqué de poser problème aux services du protocole. Lors d’un voyage officiel, l’épouse du président bénéficie d’attentions particulières et d’un programme spécifique. Tandis que son mari signe des tas de contrats mirobolants et prononce les discours de circonstance, elle va, de crèche en dispensaire, reçoit des bouquets magnifiques et claque la bise à des fillettes rosissantes. L’éventuelle copine, cela a pu arriver, n’a de place qu’entre les attachés de cabinet et les attached cases. En outre, beaucoup de pays se montrent excessivement rigoureux en la matière. Leur système diplomatique n’admet que les couples estampillés. Valérie Trierweiler s’efforça de la jouer première dame. Elle se montra brouillonne et tapageuse. Tant et si bien que son congé lui fut signifié par une dépêche d’agence de dix sept mots, le 25 janvier 2014. Elle fit ainsi, plus tard, l’épitaphe de son aventure : «Tu prends un petit gros, moche, chauve, tu te le fait piquer quand même» (RTL, 22 juin 2021). La piqueuse, elle, se fit un devoir de discrétion.

Une large pétition en ligne a dissuadé Emmanuel Macron, au moment de pondre un texte faisant entrer la première dame dans l’appareil administratif. Il s’est borné à promulguer une «charte de transparence relative au statut du conjoint du chef de l’État» (21 août 2017). Celle-ci, juridiquement non contraignante, relève des usages consacrés par le temps et la pratique diplomatique, comportant une tradition de représentation, de patronage et d’accompagnement. Dépourvue de toute rémunération, budget distinct et cabinet autonome. Et là, les mots ont un sens. Les juristes lisent, sous le terme conjoint, un époux ou une épouse non divorcés. La jurisprudence admet le conjoint pacsé. Mais la situation ne saurait concerner le concubinage, simple union de fait, selon le législateur (art.515-8 cc). Certes, cette liaison se présente comme «stable, continue et notoire», (du latin cum cumbere, qui dort avec). À l’instar des conjoints, les concubins sont des condamnés de drap commun. Mais il leur manque un petit quelque chose par lequel on ne saurait confondre : un acte administratif qualifiant.

Alors, s’agissant du président de la République, il aime qui il veut, il baise avec qui le veut bien, mais pour le boulot, la référence demeure le livre I titre V du code civil.

 

Jean-Paul Demarez

Source images: ©Gallica
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3 réponses à Première Dame

  1. Belle évocation, il n’y manque que les frasques de Giscard d’Estaing qui partait seul en goguette et en DS avec la mallette nucléaire et le cordon du code autour du cou, au grand dam de l’État-major…

    • Philippe PERSON dit :

      Toujours taper sur Giscard !
      Et Mitterrand dont on n’a pas encore fini de lister les belles (et j’en connais une personnellement qui n’est pas encore recensée) et Hollande avant, pendant et après Valérie et Julie ? Et Sarko entre Cécilia et Carla ? Et le dernier dont on dit beaucoup de choses dans des médias étrangers très sérieux (mais des choses jamais reprises dans nos médias peureux franchouillards)
      Ce n’est pas un statut constitutionnel de la compagne ou du compagnon du président ou de la présidente (espérons le bientôt, pourquoi cette fois-ci avec au moins cinq candidates en lisse ?) qu’il faudrait, mais un examen psychiatrique de ces érotomanes suivi d’une consultation médicale approfondie de leurs parties génitales…

  2. Alain-maurice Boutryce dit :

    Je serai bien aise d’en savoir plus sur la vie sexuelle bizarre de notre actuel titulaire grace à Philippe Person!cela dit,je crois plus que le pouvoir ouvre bien des perspectives pour des ambitieux compulsifs sans convictions tels que l’etaient nos 5 ex-titulaires,préts à profiter de toutes les bonnes fortunes!

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