La « Fille de Hong Kong » revit dans ses costumes de scène

Pour le plus grand bonheur des amoureux de Cantopop (terme décrivant la musique pop cantonaise populaire du Port au parfum), les costumes de scène de la « Fille de Hong Kong », en l’occurrence Anita Mui (Mui Yim-fong), sont exposés au Hong Kong Heritage Museum (HKHM) – le Musée du patrimoine de Hong Kong – jusqu’au 2 septembre 2024. L’intitulé de l’exhibition « Timeless Diva: Anita Mui », honore celle dont le talent, le parcours de vie hors du commun et le caractère intrépide ont provoqué une adulation unanime. Cette adoration de la superstar est légitimée par tant de qualités, une voix sublime, un jeu théâtral exceptionnel, un don incontestable de l’avant-garde. Quant à sa personnalité, celle-ci était extrêmement attachante, authentique, caractérisée par une attitude téméraire, frisant parfois l’insolence. Son cœur débordait de générosité et c’est cela que la génération, témoin du don de soi (emblème de l’âge d’or de la Cantopop), n’oublie pas. On ne compte plus les actions de philanthropie de l’icône hongkongaise.
En particulier, d’aucuns se souviennent de son engagement pendant l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS).

Anita Mui s’était démenée pour que le concert « 1 : 99 » puisse récolter des fonds en faveur des victimes de l’épidémie. Le nom « 1 : 99 » faisait référence à la proportion « d’eau de javel sur eau » jadis recommandée par les autorités sanitaires, concernant les solutions de nettoyage anti-SRAS. Malgré de multiples embûches, le concert organisé avec Ellen Cheng du Hong Kong Performing Artistes Guild avait tout de même pu avoir lieu le samedi 24 mai 2003, au stade de Hong Kong. Parvenant à mobiliser les grandes stars Cantopop du moment, telles Andy Lau, Leon Lai, Aaron Kwok, Jacky Cheung, Nicholas Tse, Joey Yung, Sammi Cheng, Eason Chan, Kelly Chen et William So, l’événement audacieux aurait permis de rassembler 22 millions de dollars de Hong Kong environ.

C’est pourquoi, un peu moins de 20 ans après, en novembre 2021, malgré les restrictions anti-covid en vigueur à l’époque, les Hongkongais, faisant fi de leur peur de la contamination, se sont rués pour découvrir le film biographique « Anita ». Réalisé par Longman Leung, écrit avec Jack Ng, cette œuvre cinématographique récente constitue un bel hommage à la « Fille de Hong Kong », interprétée par l’actrice Louise Wong. Dans les salles de cinéma, l’émotion était palpable. Peu de spectateurs retenaient les larmes qui coulaient sous leur masque de protection contre le coronavirus. Effectivement, la scène finale du film, rejouant les adieux poignants du monstre sacré à ses fans, en novembre 2003, est bouleversante.

À 40 ans, sachant sa disparition proche en raison des complications d’un cancer du col de l’utérus, Anita Mui avait organisé une série de spectacles d’au revoir (« Anita Classic Moment Live 2003 ») au Colisée de Hong Kong. À cette occasion, elle avait réalisé l’acte symbolique d’épouser la scène. En début de représentation, elle était apparue transcendante de beauté dans une tenue de mariée rouge scintillante, sertie de fils dorés et de strass. L’artiste s’était ensuite changée plusieurs fois avant de revêtir, en fin de concert, une seconde robe de mariée. D’un style plus simple contrastant avec la première, celle-ci était blanche unie, ornée d’une traîne de 20 mètres de long. C’est dans ce vêtement de cérémonie que la diva avait entonné la fameuse « Sunset Melody » (« Mélodie du coucher de soleil »). Elle avait achevé de la chanter tout en quittant la scène, altière, émue et émouvante. En arrivant au niveau des coulisses, elle s’était retournée en direction de son public, puis, avec son large sourire, lui avait adressé un dernier salut en cantonais, « bāai baai » (« Bye Bye ») !

Les deux célèbres robes de mariée de la « Fille de Hong Kong » sont désormais des pièces de collection conservées précieusement au HKHM. Les visiteurs du musée peuvent les contempler à leur guise, non dans la galerie destinée à l’exposition temporaire « Timeless Diva: Anita Mui », mais dans celle, permanente, appelée « Hong Kong Pop 60+ ». Cet espace dédié au rayonnement de la musique populaire, des films, des programmes télévisés et radiophoniques du Port au parfum (de la fin de la Seconde Guerre mondiale au début des années 2000) mérite d’ailleurs plus qu’un détour.

Quoi qu’il en soit, en admirant les diverses tenues de concert ou de remises de prix d’Anita Mui, toutes plus éblouissantes et originales les unes que les autres, n’oublions pas de remercier Eddie Lau. Le styliste talentueux est à la fois le donateur et le créateur de ces habits de scène prestigieux. Investi totalement dans l’épanouissement artistique de sa fidèle amie, il avait arrêté de travailler avec d’autres vedettes. Aujourd’hui, Eddie Lau continue de contribuer à des expositions en la mémoire de sa complice, sans jamais manquer de rappeler au public que, dans leur relation, la confiance était fondamentale: il confie qu’il savait qu’elle tenait à lui et qu’elle savait qu’il tenait à elle. Et de conclure que, sans amour, on ne peut pas accomplir de tels actes créatifs.

Edwige Murguet

Chronique simultanément publiée sur le site www.keihsahtle.com, édité par Edwige Murguet
Photos: Edwige Murguet
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