L’ombre portée d’un pharaon

Quand elles sont bien faites, les reproductions semblent reprendre à leur compte, les vibrations les plus intimes du modèle original. En tout cas, celles que le sculpteur s’est appliqué à façonner. Cela donne, pour cette effigie d’Amenhotep II, l’image d’un homme serein et beau. Investi par les dieux, jouissant de ce fait d’un pouvoir absolu, celui que les grecs appelaient Aménophis, pouvait arborer la satisfaction de celui qui peut s’accorder tous les caprices, y compris le plus « jouissif » d’entre eux: la guerre, le massacre éperdu. Il conserve encore un certain mystère vu qu’il vivait bien longtemps avant notre ère, dans les 1500 ans sans doute. L’original de cette reproduction se trouve au Museum of Fine Arts de Boston. Sa fiche indique que ce petit trésor a été exhumé en Égypte en 1899 par un certain William Matthew Flinders. Les pharaons reviennent de temps à autre dans l’actualité et donc parmi nous, au gré des découvertes. Il se trouve que cette année le ministère Égyptien du tourisme et de l’Antiquité a annoncé qu’un palais ayant appartenu au père d’Amenhotep II, avait été mis au jour. Ce père dénommé Thoutmôsis III, se serait servi de cette enceinte afin de se reposer entre deux batailles. Peu importe les conjectures au fond, tellement ces grands morceaux d’histoire, qui sortent de terre nous impressionnent.

La mère d’Amenhotep avait été la reine du pays avant de céder la place à son mari. Sur l’interphone de son palais était marqué Hatchepsout et de ce que l’on sait, elle fut désignée par son père pour devenir pharaon, comme le fait remarquer une inscription supposée de son géniteur, la désignant comme l’héritière. Reine puis régente, elle aurait été pacifique, s’abstenant de faire la guerre, les invasions, les pillages, se contentant du strict nécessaire afin de protéger le pouvoir. Les chercheurs qui arrivent à cerner ces personnages ayant vécu il y a si longtemps, à partir de si peu d’indices, quelques messages gravés, de déductions savantes, abattent un travail extraordinaire. Et les sculptures qui nous sont restées en sont d’autant plus parlantes, témoignant tout à la fois de force et d’élégance. Elles sont l’ombre portée d’une civilisation qui bruit toujours en douce.

En ces temps-là on ne s’embarrassait pas trop de démocratie, du moins en Égypte et y compris en Grèce. C’était encore trop tôt. Le souverain d’Égypte faisait ce qu’il voulait sans autres limites que celles qu’il se fixait. À ce sujet, il est symptomatique et même inquiétant que nos démocraties branlantes suscitent une méfiance croissante chez ceux-là mêmes qui en profitent. Une étude Ipsos faisait état en octobre, d’une attente pour près de la moitié des Français, d’un « pouvoir fort et centralisé », sentiment complété par une proportion significative de sondés estimant que la démocratie n’était pas le meilleur des systèmes, rejoignant sur ce point une réflexion de Churchill. L’ancien Premier ministre avait dit précisément: « La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes ». Il est vrai que lui aussi avait un petit côté pharaon se réunissant avec lui-même dans sa baignoire, fumant ses cigares et lapant du champagne en toute occasion. Concernant les cigares et le champagne, il s’agit bien sûr d’une image actualisée puisque les pharaons, les pauvres, étaient nés trop tôt, pour se gaver de Pol Roger après une victoire ou une défaite, la nature du prétexte n’ayant chez Winston, aucune importance.

Pour en revenir à Amenhotep II, c’est un Français, l’égyptologue Victor Loret qui identifia sa sépulture, en 1898. Ce qui permit de déterminer que l’homme avait une taille supérieure à la moyenne. On a trouvé près de lui des barques miniatures, dont la symbolique est hautement intéressante. Non pas parce que les esquifs en question, assez élaborés permettaient grandeur nature de voguer sur le Nil, mais aussi parce le les barques étaient vecteurs d’éternité, associés au soleil et donc facilitant les trajets dans le monde obscur des morts. Traduction peut-être approximative des grands textes explicatifs sur ce sujet, mais c’est cette approximation dont nous avons un besoin pressant, afin de rêver à autre chose qu’un néant sans personne pour nous appeler ou nous guider.

PHB

Photo: ©PHB
N'hésitez pas à partager
Ce contenu a été publié dans Anecdotique. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à L’ombre portée d’un pharaon

  1. Pierre DERENNE dit :

    Confus tout ça…

Les commentaires sont fermés.