Cette histoire vraie ne peut se passer qu’en Angleterre, et ne pouvait être contée que par un Anglais, le très accompli cinéaste Stephen Frears (« My beautiful laundrette » 1985, « The Queen » 2006, « Philomena » 2014). L’aventure de « The Lost King » (« Le roi égaré », 2022) commence lorsque l’historienne amateur Philippa Langley, née au Kenya en 1962 puis installée à Édimbourg, se prend de passion pour le roi maudit Richard III. Celui-là même que Shakespeare a immortalisé universellement par ce cri à la bataille de Bosworth: « A horse ! My kingdom for a horse ! » Alors que l’historienne avait entrepris un scénario narrant son incroyable aventure, le scénariste Jeff Pope et l’acteur bien connu Steve Coogan (ayant tous deux déjà collaboré sur « Philomena »), convainquent la dame de leur faire confiance. C’est ainsi que les choses se passent en Angleterre, Philippa Langley se retrouvant productrice exécutive du film. Il est donc inutile de se demander sans cesse si les choses se sont bien passées comme ça, aussi incroyables soient-elles.
Par contre il est probable qu’il faille voir la touche des scénaristes dans le choix d’une héroïne de la middle-class écossaise appartenant à une famille dysfonctionnelle, comme on dit, en tout cas plutôt originale. Non seulement elle souffre du syndrome de fatigue chronique (comme la vraie Philippa), mais elle s’acharne à poursuivre son job et à élever ses deux adolescents tout en étant plus ou moins séparée de son mari. Et comment ne pas voir la touche Stephen Frears dans le choix de Sally Hawkins en Philippa Langley ? Aucune ressemblance avec la vraie Philippa dans ce petit bout de femme à la tignasse noire courte, flottant dans ses jeans et ses pulls trop grands. Pratiquement inconnue en France, elle fait partie de ce vivier de comédiens célèbres outre-Manche, et on comprend vite pourquoi on a choisi cette petite femme insignifiante: son exploit n’en sera que plus étonnant, et sa fragilité, son manque d’assurance, lui vaudront toute notre sympathie. Disons même que la comédienne en joue un peu trop à notre goût.
Ce soir-là, chez Philippa, le père de famille sert des pâtes dans les assiettes, mais retire la sienne et annonce qu’il va dîner « avec une femme ». Visiblement, ce couple étrange est séparé sans l’être, et Philippa devra aller le soir même au théâtre avec son adolescent de fils aîné. « Tu verras, tu me remercieras ! » lui dit gentiment le mari avant de s’esquiver. Humour anglais typique quand on connaîtra la suite. Quant au mari ou ex-mari ou on ne sait quoi, il a les traits du co-scénariste Steve Coogan, autre de ces acteurs anglais très connus.
Et ce soir-là, Philippa découvre les si fameuses répliques que Shakespeare a réservées au roi Richard III, monstre bossu assoiffé d’horreur: « Difforme, inachevé, les chiens aboient lorsque je m’approche… Si je ne peux pas être un amant, je serai un scélérat… « . Dès l’entracte, de sa petite voix, avec son sourire hésitant, Philippa ne peut s’empêcher de dire: « Un handicap ou une difformité ne peuvent pas rendre quelqu’un aussi méchant ! » Le lendemain, rêvassant à son bureau, elle aperçoit brièvement par la fenêtre le comédien d’hier soir, Richard III en longue houppelande, le front ceint de sa couronne. Pendant la nuit, elle se réveille, écarte le petit rideau de dentelle de sa chambre, et l’aperçoit à nouveau, assis sur un banc, lui tournant le dos. Face à sa persistance, elle finit par lui adresser la parole: « Je sais que vous êtes une sorte d’apparition mais…enfin…c’est une propriété privée ici… «
Avec l’aide de l’insistant fantôme, Sally Hawkins va suivre toutes les étapes que la vraie Philippa a suivies: elle se convainc que Shakespeare a calomnié Richard III, dernier souverain Plantagenêt, en adoptant le point de vue de ses ennemis les Tudor. Elle rejoint la « Richard III Society » et ses illuminés. Elle s’accroche à des recherches évoquant au XVIIe siècle la tombe du roi maudit dans l’église de Greyfriars dépendant de l’abbaye franciscaine de Leicester, disparues depuis. Elle prend souvent en cachette le train pour Leicester, dans les Midlands anglaises. Elle y rencontre un historien traquant l’ADN de deux descendants d’une sœur de Richard III. Il suffirait de découvrir sa tombe…
Se fiant à ses intuitions, elle finira par découvrir cette tombe à Leicester sous un parking en plein air des services sociaux. « Richard III sous un parking ! Cinq cent ans plus tard ! » se moquaient les élites universitaires. Elle aura raison contre les élites, contre Shakespeare, contre la royauté. Elle n’aura pas de plus enthousiastes supporters que son mari, enfin son ex, et ses deux enfants.
Lise Bloch-Morhange
Le film est intéressant et captivant mais très romancé, et trompeur sur comment cela s’est passé, et la personnalité de Philippa. Je recommande, après avoir vu le film, de lire le livre que Philippa Langley a écrit avec Michael Jones : The King’s Grave – The Search for Richard III, publié en 2013.
Sur YouTube une interview de Philippa Langley montre une grande femme aux longs cheveux blonds, à l’opposé de la petite brune du film.
Bonne journée
N’oubliez pas que Philippa Langley (la vraie) est productrice exécutive du film, ce qui garantit la véracité des étapes de la découverte de la tombe de Richard III par
la Philippa Langley (Sally Hawkins) du film de Stephen Frears.
Lise, avez vous lu le livre?
J’ai découvert cette histoire vraie dans la presse, et j’en ai suivi les principales étapes avec émerveillement en me disant qu’elles ne pouvaient se dérouler qu’en Angleterre. Au point de s’en prendre au Dieu Shakespeare!