Il y a vingt-cinq ans, la muse bergmanienne Liv Ullmann (1938) avait tourné le film « Infidèle » sur un scénario d’Ingmar Bergman (1918-2007). Aujourd’hui, le cinéaste suédois Tomas Alfredson (1965-) adapte l’histoire, avec la scénariste Sara Johnsen, en une minisérie sous le titre « Infidèles ». Le passage du film à la minisérie et du singulier au pluriel montre leur intention de faire le tour des bonheurs et des douleurs de l’adultère, celle d’un couple et du meilleur ami du mari. Le metteur en scène de soixante-ans possède l’art de la distanciation, ayant démontré il y a quatorze ans sa virtuosité en tournant « La taupe », un des plus beaux films d’espionnage adapté de l’un des plus beaux livres du genre, peut-être le plus beau de John le Carré. On retrouve dans la série l’amour des lents travellings, des scènes de nuit et du constant aller-retour entre le passé et le présent.
Le premier épisode est fait de trois séquences bien distinctes. Après quelques préliminaires mystérieux, nous suivons un homme arrivant au milieu de la nuit en voiture chez des amis avec le maître de maison. Dîner à quatre, avec le couple, Markus (August Wittgenstein) et Marianne (Frida Gustavsson), et leur petite fille qui dessine à table. La petite fille Isabelle et l’invité sont visiblement très complices: « Tu m’as manqué David ! » « Toi aussi ! ». Ils s’étreignent, se font des confidences. Au cours du dîner, on évoque la chambre d’étudiants partagée par les deux hommes, et le divorce de David, dont les fils ont 9 et 12 ans. Un bien jeune père à l’air réservé, un brun aux yeux très bleus, à la bouche très dessinée (Gustav Lindh). La petite fille Isabelle (Poppy Klinterberg Hardy) d’une dizaine d’années surprend par ses cheveux courts bouclés comme ceux d’un garçon. Toujours dans la nuit, David accompagne à un concert son ami d’enfance Markus devenu un musicien de jazz à succès, puis chacun se prépare pour dormir. Cette séquence hitchcockienne s’achève au bout de dix minutes par un gros plan sur une photo noir et blanc de David et Markus étudiants. Comme une menace qui plane.
Fin de la séquence de nuit. La séquence de jour est consacrée à Marianne accompagnant David en voiture dans Stockholm. Ils visitent un appartement que David pourrait louer. Marianne, grande blonde nordique aux yeux bleus très souriante, est enthousiaste. « Il nous plaît beaucoup ! » annonce David à l’agence. Marianne le conduit ensuite chez son éditeur, qui accepte son manuscrit avec enthousiasme: « Sexe et violence ne nous effraient pas ! ». Marianne insiste pour lire le scénario, il refuse. Devant l’aéroport de Stockholm, dans la voiture, David embrasse tendrement Marianne sur la joue. La séquence entière est filmée en longs gros plans et échanges de regards entre les deux. Comme une menace qui plane, bien sûr.
Troisième séquence, la menace se précise, le chassé-croisé se poursuit à Sandbukta, la maison de vacances du couple, grande demeure de bois et de vitres près d’un lac. David est l’invité de l’été. Marianne et David se frôlent, s’éloignent, se rapprochent. La nuit, la maison prend des allures bergmaniennes. Markus parti en voyage, Marianne monte la nuit rejoindre David dans sa chambre, mais quand elle pousse la porte, Isabelle a un cauchemar et la réclame. Le lendemain matin, David est parti.
L’épisode 2 et les suivants nous projettent au présent quelque quarante ans plus tard, et nous serions bien en peine de reconnaître David dans ce septuagénaire au visage couturé de rides (Jesper Christensen). Il apprend que Marianne a tenté de se suicider et qu’elle est internée. Peu après, impressionnant face à face entre ce David métamorphosé et la resplendissante Marianne demeurée une belle vieille femme (Lena Endre). Commencent les incessants flashbacks, s’enchaînant parfois d’un plan à l’autre, entre le passé que nous ignorons et ce présent assez terrifiant. Commence ce long apprentissage de deux êtres qui ne se sont jamais remis des douleurs causées aux autres. Entre eux deux, tout peut exploser à tout instant, mais Marianne défend sa liberté « d’avoir agi sans vergogne mais avec sincérité ». Même si Marianne était prête à tout (scène insoutenable avec son mari) pour conserver la garde d’Isabelle, la petite fille est la sacrifiée de l’histoire. Elle ne s’est jamais remise de la double trahison de David. Le vieux réalisateur l’admettra à la fin en quelques mots: « Je t’aimais beaucoup et j’ai gâché ta vie. »
Lise Bloch-Morhange
Je n’ai pas vue la série mais si Lise fan de bergman( moi aussi) l a conseillé , je vais la visionner
Merci Lise