Guillaume Apollinaire, escrime, quinine et cocaïne

En mars 1907, la revue bimensuelle « La culture physique » se flatte sous la plume du rédacteur en chef Albert Surier, d’accueillir comme nouveau collaborateur, Guillaume Apollinaire. « En termes émus, prévient la direction du journal sportif dans un encadré, notre distingué collaborateur, Guillaume Apollinaire, retrace dans l’article qu’il consacre à Guy de Maupassant et que nous publions aujourd’hui, quelle part de sa vie l’admirable auteur de « Sur l’eau », donna à l’athlétisme et au sport ». Guy de Maupassant (1850-1893) et Apollinaire (1880-1918) ont au moins ceci en commun d’avoir fréquenté la Maison Fournaise à Chatou et partagé le même amour de la Seine. Apollinaire en parle comme d’un athlète qui oubliait « toute modestie » dès qu’il « s’agissait de sa force ». Cependant que Maupassant, « riche et glorieux » atteignait « l’époque douloureuse de son existence ». Continuer la lecture

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René Chalupt, poète et ami des musiciens

Le 15 mars 1957, le journal Le Monde publiait un sobre entrefilet dans sa rubrique nécrologique : «On nous prie d’annoncer la mort de M. René Chalupt, homme de lettres, survenue subitement le 9 mars 1957 en son domicile à Chillon (Suisse), dans sa soixante-douzième année. La cérémonie religieuse aura lieu le samedi 16 mars, à 10 h 30 précises, en l’église Saint-Philippe du Roule, à Paris ».
Trois lignes, aucun commentaire. Et aucun article dans les journaux français. C’était bien peu pour un personnage qui avait côtoyé toute sa vie artistes et écrivains, et avait été ami avec la plupart des jeunes compositeurs. Lui-même s’était illustré comme poète, distribuant ses compositions dans diverses revues (ci-contre). Inexplicablement, les dictionnaires et anthologies ignorent et continuent d’ignorer René Chalupt. Seul Robert Sabatier le cite de façon élogieuse dans son Histoire de la poésie française, le qualifiant de «virtuose, jongleur qui trace des arabesques, manie l’ellipse pour créer un art d’illusionniste entre Cocteau et Toulet ». Continuer la lecture

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Mitterrand ne cèdera pas

À la convention nationale du Parti socialiste le 6 novembre 1977, François Mitterrand tente en effet de mettre de l’ordre dans une gauche trop dispersée à son goût. Le Premier secrétaire ne discute pas, il impose. Il estime même, à quatre mois des élections législatives, que le Parti communiste doit être mis en situation « de ne pas faire ce qu’il veut, mais ce qu’il peut ». Juste derrière une manchette qui annonce une « France coupée en trois », Le Matin consacrait ses deux premières pages à cette bataille de l’unité. Quarante trois ans après on pourrait dire que peut nous en chaut mais non, tellement il peut être  réconfortant en ce moment même, de lire une actualité totalement révolue. En effet, si on apprenait en dernière page que la Fraction armée rouge menaçait de faire sauter trois avions de la Lufthansa, on sait aujourd’hui que le funeste projet n’a pas abouti. En 2063, soit dans quarante trois années, peut-être nos plus jeunes lecteurs découvriront-ils la presse de 2020 avec un détachement amusé. Nous leur souhaitons vivement. Continuer la lecture

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Déjà déconfinés

Quoi ! Le déconfinement s’annonce alors que nous commencions tout juste à découvrir les vertus du confinement ?
Ne parlons pas, bien sûr, au nom de ceux qui sont entassés, trop nombreux, dans un espace trop réduit, de ceux qui dorment dehors, de toutes les populations fragiles…
Mais pour les autres confinés, parfois de luxe, nous voilà tout bouleversés !
Nous avons pris l’habitude de nous prélasser au lit sans remord, de nous allonger sur le divan pour relire enfin tous ces auteurs qui ont formé notre jeunesse et que nous nous jurions, depuis des décades, de relire sans jamais en trouver le temps.
Expérience dangereuse et fascinante, comme de revoir quelqu’un vingt ans, trente ans, quarante ans après… Mais les seuls vrais auteurs ne sont-ils pas ceux qui nous réservent toujours des surprises, qui sont inépuisables ? Bizarrement, relire n’est pas une tradition culturelle française, alors saisissons l’occasion. Continuer la lecture

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Derniers échos d’une vie blessée

L’année de ses 13 ans, juste avant la deuxième guerre, la petite Wally Danzig découvre pour la première fois la mer sur une plage du Calvados. Elle respire l’air iodé, éprouve le plaisir de porter un maillot de bain deux pièces, ressent la joie d’observer les mouettes qui parcourent le ciel marin. Aujourd’hui qu’elle est sur ses 94 ans, elle avoue conserver peu de souvenirs de ces vacances en famille. Et puis Wally était juive et en 1939 tout allait se détraquer. Son insouciance courait à la ruine avec les tracas de l’exil, de la clandestinité, les affres du manque de nouvelles familiales. La première partie de son histoire est en noir et blanc. Elle est racontée par Valérie Villieu et mise en images à l’aquarelle par Antoine Houcke, dans une bande dessinée à paraître en mai aux éditions La boîte à bulles. Continuer la lecture

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Les dessous invraisemblables de l’affaire Lucie Blackman

La disparition de Lucie Blackman, jeune ressortissante britannique, en juillet 2000 à Tokyo a pu échapper à bon nombre de lecteurs de la presse française. Elle y a été évoquée, mais peu et fugacement. En revanche, ce fait divers, un meurtre sexuel sordide, a agité toute la Grande Bretagne pendant presque une décennie, à la façon, sans doute, de l’affaire du « petit Grégory ». Et si l’événement a tenu si longtemps sur la scène médiatique d’outre-Manche, c’est en grande partie en raison de la longueur de l’enquête et surtout de celle du procès : à raison d’une audience par mois, l’affaire est restée devant le tribunal pendant près de sept années, procédure en appel comprise. Et c’est tout l’intérêt de l’enquête à laquelle s’est livré le correspondant du Times à Tokyo, Richard Lloyd Parry, que de nous révéler la façon dont le Japon traite et juge les crimes. Continuer la lecture

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Mystère Bosch

Le samedi 20 avril 1957, les Éditions Pierre Tisné, achevaient d’imprimer l’une des plus marquantes monographies de Hyeronymus Bosch. Son auteur, Jacques Combe, s’attaquait ce faisant à un artiste extraordinaire dont il rappelait dès la première page qu’il n’existait « pas un tableau daté, pas un témoignage contemporain ». Tout est à « reconstituer » admettait-il logiquement. Ce qui est drôle c’est que l’on ne sait pratiquement rien non plus de Jacques Combe. Autrement dit, Google ne sait pas. La BnF mentionne qu’il est décédé en 1993 mais la date de naissance est introuvable. Concernant celui que l’on appelait plus communément Jérôme Bosch, on en sait un peu plus. Il est probablement né en 1450 à Hertogenbosch (Bois-le-Duc) en Hollande et aurait rendu l’âme en 1516. La vraie question reste cependant de savoir, en tout cas d’essayer, comment Bosch a pu imaginer un univers aussi fantasmagorique, tel « Le jardin des délices ». Continuer la lecture

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In abstracto

Jamais l’abstraction n’a autant justifié sa nécessité. Tout est dans le verbe sinon dans le mot. Philosophiquement, l’abstraction définit la capacité de l’intelligence à se séparer du réel pour des besoins variés. Il s’agit ni plus ni moins d’une évasion mentale qu’un Mondrian avait poussée jusque dans ses plus lointaines extrémités. Encore ne s’agissait-il que d’art inoffensif.
Ainsi dans « Histoire de la Révolution française », Jules Michelet avait dit de Robespierre à propos de son « abstraction impitoyable » qu’il ne voulait plus un être un homme « mais un principe vivant ». Pour qui considère un peu l’histoire, on voit que cela peut aussi engendrer des conséquences pas toujours pacifiques. Continuer la lecture

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Déjà sous Henri IV…

Sur un des murs de l’hôpital Saint-Louis, le message ne date pas d’hier. Il se décolle par squames. L’histoire de ce plus vieil établissement parisien après l’Hôtel Dieu offre une résonance opportune avec l’actualité, puisqu’il a été conçu en fonction des nombreuses épidémies qui frappaient alors la cité. Rien qu’en 1562, les registres de l’Hôtel Dieu dénombraient 68.000 morts de la peste. Comme Paris ne comptait que cet hôpital, le bon roi Henri décida le 19 mai 1607  de fonder sur la rive droite l’hôpital Saint-Louis. Ainsi que le précise Raymond Sabouraud dans une histoire de l’établissement rédigée en 1937 pour le compte des Laboratoires Ciba, l’édit signé par le roi a été conservé dans son intégralité. Cet homme qui était non seulement un dermatologue mais aussi un sculpteur renommé, mourut avant de voir son récit publié. Continuer la lecture

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Les chow-chows de Freud

Le 7 avril dernier, Arte diffusait un ambitieux, très personnel et très complet documentaire intitulé « Sigmund Freud, un juif sans Dieu » signé de David Toboul, daté de 2019. Il déroule la biographie de l’inventeur de la psychanalyse par grandes étapes, et nous dévoile nombre de films familiaux tournés notamment vers la fin de sa vie.
Et quand il n’existe pas de photos ou de films illustrant directement les propos, le cinéaste recourt à des images fixes ou animées inattendues, comme au moment où il décrit la découverte de l’inconscient : Freud établissant cette découverte à partir de cette voie royale que sont les rêves, on nous montre alors des alpinistes anonymes du XIXème siècle à l’assaut de pics vertigineux, symbolisant les abimes frôlés par la découverte, qui va conduire le génie viennois vers la toute puissante sexualité. Continuer la lecture

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