À Lille, tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les artistes

Le catalogue reproduit en couverture un autoportrait de Frida Kahlo. Mais ça aurait pu tout aussi bien être « La Joconde » de Leonardo, « La Jeune Fille à la perle » de Vermeer ou « L’Olympia » de Manet. Parce que le thème de l’exposition présenté par le palais des Beaux Arts de Lille, en collaboration avec la Réunion des Musées nationaux , « Le rêve d’être artiste » est le plus vaste et le plus vague qui soit, le plus déroutant et le plus passionnant aussi. Parler de la condition de l’artiste dans un musée est une périlleuse mise en abyme. La question est moins celle du choix que celle du trop plein, d’autant que le musée nordiste, contrairement au Louvre qui propose une exposition sur le même thème («Figure d’artiste» dans la Petite Galerie, jusqu’en juin 2020) ne se limite pas dans la temps. Ici l’exposition va du Moyen Âge jusqu’à nos jours, avec 120 œuvres, et la plus grande diversité d’expressions, de sujets et de techniques. Continuer la lecture

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Jonas et Benjamin donnent de la voix

Que faire quand on est le plus grand, le plus intelligent et le plus beau des ténors incarnés dans un seul homme, et qu’à l’aube de la cinquantaine, on a pratiquement déjà tout enregistré, de Verdi à Wagner, sans oublier « Parla piu piano » de Nino Rota ? Jonas Kaufmann a trouvé la solution, en nous emportant sur les ailes de la valse viennoise.
Mais attention, ce n’est pas un pis-aller : ce Munichois professe un véritable amour pour l’opérette viennoise, et nous a déjà entraîné, il y a cinq ans, à Berlin, où régnait Franz Lehár dans les années 20 et 30. Et pour se conformer à la tradition, il entonnait « Je t’ai donné mon cœur » face à un micro, le péché suprême pour un ténor !
Je me souviens qu’il s’en excusait au début de son récital au Théâtre des Champs-Élysées en 2015. Mais vers la fin, agenouillé face à la salle en délire, il mettait le micro de côté, et nous régalait de quelques airs d’opéra à pleine voix. Continuer la lecture

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Le gentleman polymathe

Sa fille Barbara évoque à propos de son père une « obsession graphomane » et, honnêtement, elle n’a pas tout à fait tort. Mais le cas de Bernard Dupuis est bien plus compliqué (et bien plus riche) qu’une simple manie. Les textes qu’il transpose sur des galets, des os, des mâchoires, des pavés, des lattes de bois, des coquillages et même sur papier, sont tirés de la poésie de Cendrars (ci-contre), Queneau ou encore Apollinaire. L’on est quand même un peu médusé par la capacité de cet artiste à saturer la surface d’un galet à la plume, qui plus est d’une écriture lisible jusqu’au bout, à condition bien sûr de faire pivoter le caillou. Le dernier support sur lequel ce médecin-pharmacologue de 82 ans a jeté son dévolu est le bambou, soigneusement lissé pour y accueillir des textes choisis. Il expose en ce moment-même chez Méert, cette vieille maison lilloise ayant gâté des générations de gourmets avec ses gaufres fondantes à la vanille de Madagascar. Continuer la lecture

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Aux rayons des étoiles

Adolescent, Arthur Rimbaud s’amuse à transcrire en vers français un sujet de vers latins, dicté en classe. Le poème qui en résulte s’intitule « Ophélie ». L’on reste bouche bée par la maîtrise du jeune homme, un « tour de force » écrira-t-on d’ailleurs, oui bouche-bée par son exceptionnelle inspiration, son lyrisme multicolore et enfin la musicalité prodigieuse du texte. Il l’adresse en mai 1870 à cet autre poète qu’est Théodore de Banville, avec deux autres poèmes, « Sensation », « Soleil et chair », dans le but qu’ils soient publiés. Ce qui ne sera pas le cas. Dans sa lettre (1), il se vieillit de deux ans et souligne que son âge est celui des « espérances et des chimères ». Quel trésor Théodore de Banville (1823-1891) n’a-t-il pas laissé passer là, même s’il accepte de l’héberger un an plus tard. Voilà enfin pour une fin de semaine, de quoi affermir nos distances avec une actualité qui ne vole pas haut. Continuer la lecture

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En quel honneur devrais-je être drôle?

Jean-Pierre Marielle s’est au moins exprimé deux fois de la sorte. Une fois dans la vraie vie ainsi que nous le révèle une biographie de l’acteur qui vient de sortir, et une fois encore dans « Les grands ducs »  (Patrice Leconte, 1996) où un Marielle exaspéré demande à un metteur en scène de boulevard la raison pour laquelle il devrait sourire. L’homme parti au printemps rejoindre ses camarades dans un ailleurs désespérément inconnaissable avait également sa part d’inconnu. Et c’est tout le mérite de cet ouvrage que nous éclairer sur une personnalité complexe ayant connu le succès sur le tard et avouant qu’il lui était arrivé dans sa vie professionnelle de « se laisser aller un peu et de tourner dans des idioties, souvent des rôles de sauteur de canapé, des dragueurs de troisième division ». Continuer la lecture

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Le grand retour de Jack London avec « Martin Eden »

Le premier mérite de ce film plein de feu, de rage et de romantisme réalisé par Pietro Marcello, cinéaste italien de 43 ans, documentariste réputé, est de remettre en lumière le livre éponyme de Jack London (auteur de « Croc Blanc ») dont il s’inspire. Un livre mythique, car la tradition voulait qu’il soit autobiographique ou semi autobiographique, alors que l’auteur était un aventurier hors pair. Mais si l’on y retrouve le côté autodidacte du romancier et son amour fou de la littérature (notamment de la nouvelle), on considère aujourd’hui que cela ne suffit pas à en faire une œuvre autobiographique. Mais prémonitoire, certainement. Continuer la lecture

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Le dico de New York

Page 514, Serge July exhume Audrey Munson, « la femme la plus en vue de New York ». Pour son dictionnaire amoureux de la ville, qui vient de paraître chez Plon, l’auteur a choisi des thèmes où l’on ne l’attendait pas forcément. Il aurait pu par exemple, consacrer un chapitre à Lou Reed, mais, c’est tout le bénéfice de cet imposant pavé, que de nous offrir des angles imprévus.  Il nous explique que si Audrey Munson est la femme la plus vue de New York, c’est parce que sa silhouette a été sur-utilisée, inspirant entre autres une vingtaine de statues de la ville. La « première femme nue de l’histoire du cinéma » a été (déjà) l’objet de harcèlement de la part de ses admirateurs, l’un d’entre eux ayant même fait savoir qu’il avait tué sa femme pour pouvoir mieux la courtiser. En fin de compte elle sera internée à l’âge de 40 ans et finira centenaire, toujours enfermée, oubliée, dans une structure psychiatrique au nord de New York. Continuer la lecture

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Un petit tour à Rolle

Petite ville vaudoise de cinq mille trois cent quatre-vingt-quatorze habitants, située à peu près à égale distance de Genève et de Lausanne le long du lac Léman, Rolle n’a l’air de rien au premier coup d’œil.
Sa grande rue s’étire parallèlement au lac, avec ses façades impeccables aux couleurs variées, sa Coop (où tout est plus cher qu’en France), sa pâtisserie chocolaterie Moret (excellente), ses antiquaires chics, ses deux marchands de journaux, et tout de même sa Librairie du Lac, modeste mais riche d’ouvrages très graphiques. Continuer la lecture

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Chaque année Picasso venait se recueillir sur la tombe d’Apollinaire

Cette année encore, une trentaine de personnes venues d’horizons divers se retrouveront ce samedi 9 novembre au cimetière du Père Lachaise à Paris, division 86, à quelques dizaines de mètres du columbarium et à proximité de la bien nommée « Avenue des Combattants étrangers morts pour la France ». Ils se recueilleront devant la tombe de Guillaume Apollinaire à l’occasion du 101e anniversaire de sa mort. Assez sobre, la sépulture est surmontée d’une sorte de menhir sculpté par Serge Férat et sur la tombe elle-même, un poème est gravé dans la pierre : “ Habituez vous comme moi / A ces prodiges que j’annonce / A la bonté qui va régner / A la souffrance que j’endure / Et vous connaîtrez l’avenir “. Continuer la lecture

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D’après une histoire vraie

Je suis timide et je n’ai jamais osé le lui dire. Mais j’ai été amoureux de Youmi pendant toutes mes années d’université. Après la remise des diplômes, Youmi est retournée dans sa famille dans la province de Takayama et moi, je suis resté à Tokyo où j’ai toujours vécu. Et c’est à Tokyo que j’ai trouvé un emploi dans le département Recherche d’une grande société informatique dans laquelle je travaille toujours. Youmi et moi avons continué à échanger des emails pendant plus d’un an. Très exactement, jusqu’à ce que je tombe sur mon amie d’enfance Hiroko dans le parc Yoyogi. La petite Hiroko de mes souvenirs, un garçon manqué toujours prêt à m’affronter sur un terrain de sport, était devenu une belle femme élégante à la personnalité extravertie. Nous nous sommes mariés quelques mois plus tard et nous avons aujourd’hui deux enfants. Continuer la lecture

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