Phantom Thread ou le fil fantôme

Je ne pense pas avoir jamais vu au cinéma une telle scène de coup de foudre entre les deux principaux protagonistes, à la fois totalement incroyable et totalement convaincante, typique de l’ambiguïté dans laquelle le cinéaste plonge ses personnages – et les spectateurs – tout au long du film « Phantom Thread ». Nous sommes dans un restaurant de la campagne anglaise, où s’arrête le grand couturier londonien des années 50, Reynolds Woodcock (jeu de mots pour les initiés !), avant de rejoindre sa propriété pour prendre quelques jours de repos.
Auparavant, au cours de leur petit déjeuner rituel, nous avons vu sa grande sœur Cyril (qu’il appelle mi affectueusement, mi ironiquement, « my old so and so », « ma vieille machine »), lui recommander de s’accorder ce break. Continuer la lecture

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En compagnie de Victor Hugo et de Jacques Ibanès

En 1839, Victor Hugo se promène dans le sud de la France avec sa compagne Juliette Drouet. Ils ont la chance de faire du tourisme, un mot encore très rare dans un pays où le labeur rural est toujours dominant. Au mois d’octobre ils passent en diligence devant la montagne Sainte-Victoire sans que cela ne les émeuve particulièrement. Cézanne n’a pas encore peint des dizaines de fois son sujet préféré. C’est en partant de cette information en creux que l’écrivain Jacques Ibanès vient de publier « Victor Hugo n’a pas vu la Sainte-Victoire ». Continuer la lecture

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« Le Marchand de Venise » jusqu’à la substantifique moelle

“Le Marchand de Venise” interprété par trois comédiens et une comédienne, et annoncé pour une durée d’une heure et quinze minutes, cela a de quoi intriguer, susciter notre curiosité, pour ne pas dire notre scepticisme. Comment les cinq actes de cette pièce – par ailleurs, curieusement classée parmi les comédies de l’illustre William Shakespeare, nous y reviendrons –, mettant en scène une vingtaine de personnages, peuvent-ils être réduits à un spectacle aussi condensé ? C’est pourtant le défi que s’est lancé le metteur en scène et adaptateur Ned Grujic. Il s’en sort plutôt bien. Le spectacle se joue actuellement à Paris sur une des petites scènes du Lucernaire. Continuer la lecture

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« L’inconnu me dévore » : un Grall à portée de la main

Xavier Grall, nom inconnu pour moi mais qui sonnait comme une promesse. Découvert à la maison de la poésie il y a quelques jours, grâce à une lecture de Jacques Gamblin et une présentation de Pierre Adrian, il me reste une impérieuse nécessité d’en parler, car Grall est de ces poètes qu’on se refile d’une bibliothèque à une autre, de la bouche à l’oreille. La belle réédition de son texte : « L’inconnu me dévore », par les éditions des Équateurs, est l’occasion de sortir ce poète breton d’un oubli peu mérité. Continuer la lecture

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Inoxydable camembert

Les statisticiens en ont fait un diagramme circulaire. Une infographie qui permet par exemple d’exprimer en volume, différentes représentations d’un même secteur. Si l’on rapporte ce même procédé au camembert lui-même, on relèvera que le camembert de Normandie, le vrai, moulé à la louche et au lait cru,  ne représente que 4,5% du total. Il s’en vend 860 par minute selon un comptage effectué un après-midi par le site Planetoscope (1). Admettons qu’il faille 20 minutes à un amateur moyen pour en absorber un, cela fait 17000 unités qui passent à chaque séquence, du garde-manger au fond de l’estomac. Dérisoire autant que passionnant calcul avouons-le. Continuer la lecture

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Loupot à l’heure de l’apéritif

Il est bien rare qu’un détaillant Nicolas vous aiguille sur une exposition artistique. Et pourtant ces vieux négociants en vins ont une bonne raison pour cela. L’affichiste Charles Loupot (1892-1962) est actuellement exposé à la bien jolie bibliothèque Forney dans le Marais. Il est à l’origine (ci-contre), en 1927, d’une remarquable publicité pour le célèbre caviste. La dose d’abstraction, la géométrie savante et enfin l’utilisation qu’il fait des couleurs dans les premières maquettes, hissent cet artiste au niveau des plus grands. Continuer la lecture

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Laurence Albert, succinctement

On se couche le soir avec l’idée incluse de se réveiller le lendemain et c’est un tort. Car si le cœur s’arrête la nuit, on laisse en plan toutes nos traces de vies. Et c’est exactement ce qui est arrivé à une femme dont on ne connaîtra pas le prénom.  Sur une micro-nouvelle de trois pages Laurence Albert l’écrit: « si elle avait su ». Oui si elle avait su, elle aurait pensé à soustraire de sa cachette une correspondance amoureuse coupable à l’égard de son mari. Continuer la lecture

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Désamour à Coney Island

A quatre-vingt-deux ans, avec près de cinquante films à son actif, on aurait pu penser que Woody Allen aimerait aspirer à une retraite bien méritée. Que nenni ! Rien ne semble arrêter l’alerte octogénaire qui continue à réaliser un film presque chaque année, rythme auquel il nous a habitués depuis le début des années soixante-dix. Si sa filmographie ne comporte pas que des chefs d’œuvre, elle compte néanmoins de très jolies comédies, pour certaines hilarantes, dont nos zygomatiques se souviennent avec bonheur et des drames d’une belle intensité. “Wonder Wheel”, le dernier opus actuellement sur nos écrans, dans la catégorie “drame”, est plus qu’honorable et offre à l’actrice britannique Kate Winslet un rôle à la hauteur de son talent. Continuer la lecture

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La Révolution selon Pommerat : ça va très bien !

Vivre la Révolution française à hauteur d’homme, comme un député de l’Assemblée nationale : Joël Pommerat nous invite à une expérience d’immersion étonnante avec sa compagnie Louis Brouillard dans son dernier spectacle « Ça ira (1) fin de Louis ». Le spectacle, créé en 2015, tourne encore pour quelques mois en France. Continuer la lecture

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Koons en concurrence

Deux euros, voilà ce que demande le commerçant de la rue des Pyrénées pour ce petit bouquet de fleurs artificielles. Il est haut d’une vingtaine de centimètres pour quatre-vingt dix grammes. Il est fait pour égayer un coin de la maison. Et incidemment pour réfléchir à cette histoire de Jeff Koons tenant absolument à consoler la ville de Paris des attentats du mois de novembre 2015 en installant sans frais de sa part un bouquet de trente trois tonnes et de 12 mètres de haut sur le parvis du Palais de Tokyo, à côté du musée d’Art moderne. Continuer la lecture

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