In vitraux

Dieu sait que le champagne est fait, plus que n’importe quel autre vin, pour célébrer la vie. Autour de la ville de Troyes dans l’Aube, l’on y compte même quelques maisons fameuses. Et donc rien de plus naturel si la Cité du Vitrail, au sein de la même ville, honore en ce sens une œuvre verrière de Henri de Faucigny-Lucinge datée de 1874. Elle emprunte paraît-il aux codes de la peinture hollandaise, du rictus sarcastique du personnage jusqu’à la forme de la flûte à champagne et en passant par l’ensemble des vêtements. Elle a cependant un avantage technique par rapport à une peinture, c’est la translucidité naturelle due à l’emploi du verre, matériau conçu afin que transite la lumière et qu’étincellent les couleurs. C’est une des plus jolies choses parmi celles repérées au sein de ce beau musée inauguré en décembre. Il est situé dans l’ancien Hôtel Dieu-le-Comte de Troyes sur la rive gauche de la Seine. La mince largeur du fleuve à ce niveau de la géographie, permettrait presque de passer sur l’autre rive à pieds joints, en aplomb de l’antique maison du préposé aux ponts tournants. Continuer la lecture

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L’énigme Kundera

Bonne idée de commencer un documentaire sur l’énigmatique Milan Kundera en nous montrant son beau visage avec une voix off (pas la sienne) énonçant «Je ne suis attaché à rien sauf à l’héritage décrié de Cervantes». On verra pourquoi plus tard… Puis lors d’une interview filmée, il déclare être inspiré de façon irréconciliable «par la fantaisie déchaînée» et «par son contraire, l’analyse froide, la description cruelle de la réalité». Aucun contexte à ces propos, mais il semble que sur ces images, l’écrivain soit alors dans le mitan de sa vie, probablement après son exil français datant de 1975 (à 46 ans). Et naturellement on en vient à l’évocation, par d’anciens amis et diverses sommités, de ces fameuses années 1960 où la culture tchèque s’émancipe comme par miracle des oppresseurs russes à travers la «nouvelle vague tchèque», celle de Milos Forman, Ivan Passer et autres, savourée à Paris.
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Pas poli n’est pas français

Il paraît que l’écrivain allemand Heinrich Heine, quand il se rendait en France, se plaisait à heurter les passants uniquement «pour entendre la musique de leurs excuses». Depuis la mort de Heine en 1856, les conventions sociales se sont quelque peu émoussées et en ville, les invectives ont tendance à remplacer les mots d’excuse. Mais, malgré les apparences, et si l’on se réfère à l’opinion d’observateurs étrangers, nous serions prodigues en formules toute faites et en expressions convenues pour se concilier les bonnes grâces d’un interlocuteur. Nous les emploierions même à tout bout de champ ! «On se bouscule toujours à Paris… et on n’arrête pas de se dire pardon»,  faisait récemment remarquer un habitant de Tokyo pourtant habitué aux foules compactes. Il est vrai que notre conversation est émaillée en permanence de ces petits mots dont l’absence choquerait immédiatement. «S’il vous plaît, pardon, merci, je vous en prie, excusez-moi…» : autant de formules que l’on prononce un nombre incalculable de fois dans une journée. Continuer la lecture

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Au bonheur d’Anouilh

Qui de nos jours se souvient de Jean Anouilh (1910-1987) ? Si son “Antigone” (1944) revient de temps à autre sur les planches et fait toujours plus ou moins partie des programmes scolaires, force est de constater que son théâtre est aujourd’hui tombé dans l’oubli. Qui connaît encore “Le rendez-vous de Senlis ?” (1937), “L’Invitation au château” (1947) ou encore “Becket ou l’Honneur de Dieu” (1959) ? Leur auteur connut pourtant une carrière extrêmement prolifique, couronnée de nombreux succès, avec pas moins d’une cinquantaine de pièces à son actif qu’il prit soin, par ailleurs, de classer selon leur genre: Pièces roses, Pièces noires, Pièces brillantes, Pièces grinçantes, Pièces costumées, Pièces baroques… Sa collaboration au long cours avec le metteur en scène André Barsacq marqua l’histoire du théâtre et Michel Bouquet fut l’un de ses plus fidèles interprètes. Parmi les Pièces roses, ces comédies pleines de fantaisie, figure une petite merveille : “Léocadia” (1939). Elle se donne actuellement sur la scène du Funambule, à Montmartre, dans une mise en scène délicieusement féérique signée David Legras (1). L’occasion rêvée de (re)découvrir Anouilh… Continuer la lecture

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La face cachée de la caisse-enregistreuse

L’époque en avait vu d’autres. Mais en février 1973, lorsque le groupe Pink Floyd lâche sa bombe intitulée « The dark side of the moon », le moins que l’on puisse c’est que l’album fait un tabac. L’intégration d’une caisse-enregistreuse au milieu de tous les instruments sollicités, tous les sons et voix mobilisés, fut également le signe annonciateur d’un enrichissement inédit pour les membres du groupe. Bien que, des années plus tard, l’opéra-rock  « The wall » allait encore faire mieux « en termes de dollars » comme devait l’expliquer en mars 1993 dans une interview à l’Observer magazine,‎ le guitariste en chef, David Gilmour. Oui cette chanson « Money », celle qui ouvrait la face 2, devait préfigurer un succès toujours plus grand mais il est aussi possible de dire avec un recul de pile cinquante aujourd’hui, que l’album serait l’un des grands emblèmes d’une période musicale passionnante, jamais retrouvée depuis en intensité. Continuer la lecture

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Ballonnements planétaires

Si l’on pousse le bouchon un peu loin, le ballon-espion détruit par les États Unis ne venait point de Chine mais de France et plus exactement de Paris dans le 11e arrondissement. Là où fut expérimentée pour la première fois une élévation de montgolfière le 17 octobre 1783. Le scientifique Jean-François Pilâtre de Rozier (1754-1785) avait pris place dans la nacelle  ainsi que le rappelle une plaque commémorative au 31 bis rue de Montreuil (dessin ci-contre). Adresse qui jouxte un peu plus loin le jardin de la Folie Titon, là où les montgolfières furent assemblées dans la manufacture royale de papier. Continuer la lecture

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Délit d’offense

La loi du 29 juillet 1881 s’est construite sur un schéma classique: elle proclame notamment un principe, la liberté de la presse, puis en fixe les limites. Seront sanctionnés l’injure, la diffamation, les cris séditieux, qu’ils soient rendus publics par un journal, ou tout autre moyen de diffusion. Son article 26 définit un délit très particulier, l’offense au Président de la République, à charge pour le Ministère public d’en assurer la répression. Bien qu’à l’époque, le locataire de l’Élysée exerce une fonction d’arbitre sans réel pouvoir, il symbolise un régime encore fragile. Lequel attire naturellement le quolibet, comme la statue du monarque la fiente de pigeon. En ces temps d’apprentissage de la démocratie, la presse satirique se montre déjà d’une particulière férocité. Toutefois, de 1881 à 1940, l’offense semble la règle et le procès l’exception. La police signale, le parquet examine et transmet, la Chancellerie classe de façon systématique. En dépit de crises profondes, affaire Dreyfus, scandale de Panama, séparation de l’Église et de l’État, guerre mondiale… à la 18e chambre, spécialisée en affaires de presse, végètent seulement quatre malheureux dossiers. Continuer la lecture

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Figurines pour l’Histoire

Anecdotique, cette image n’existe pas telle quelle dans un manuel d’histoire. En trois dimensions, elle est entrée récemment au musée de la Figurine Historique à Compiègne (Oise). Cette maquette ultra-réaliste (dont on voit ici un détail) est frappante en ce qu’elle illustre le jour du dernier vol effectué par le capitaine Georges Guynemer. La réalisation signée de Adrien Desmullier fige une action datée du 11 septembre 1917, à 8h25 précisément. Ce jour-là, la bataille des Flandres débutée en juillet n’est toujours pas terminée. L’action se déroule à Saint-Pol-sur-mer où est stationnée l’escadrille de chasse des Cigognes. Impatient d’en découdre, Georges Guynemer fait décoller son Spad 13, baptisé le « Vieux Charles ». Il n’a que 23 ans. Et se fait abattre peu après le départ au-dessus de Poelkapelle en Belgique. Sa devise, « faire face », restera dans les annales. La maquette ainsi déployée commet l’exploit de nous situer au seuil de cette action, on en sentirait presque le parfum de l’air qui flottait sur le camp à ce moment, effluves de carburant compris. Continuer la lecture

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La main à la poche

Dans « Pierrot le fou », le film de Jean-Luc Godard sorti en 1965, on peut voir voir Belmondo traîner devant la librairie Le Meilleur des Mondes (Médicis 27-43) face aux tourniquets présentant des livres de poche. Quelques instants plus tard il est dans sa baignoire, une cigarette aux lèvres, lisant « L’histoire de l’art » de Élie Faure dans la collection justement nommée Le Livre de Poche. Dans ce format abordable, le volume premier qui nous intéresse a été imprimé en 1965, alors que cette marque emblématique des livres ordinaires, passée dans le langage commun, a été créée en février 1953, il y a donc soixante-dix ans en ce moment. Les livres économiques existaient depuis longtemps mais cette fois, une étape industrielle avait été franchie, donnant naissance logiquement à d’autres labels pratiques comme 10/18, Folio, Marabout et autres J’ai Lu. L’Institut National de l’Audiovisuel (INA), organisation patrimoniale qui ne loupe pratiquement jamais aucun anniversaire important, a sorti ces jours derniers, à partir de ses archives, un petit documentaire fort instructif (1) sur le thème pocket en deux minutes trente chrono. Continuer la lecture

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Mystérieuse transmission

Quel mystère que Christoph et Julian Prégardien père et fils, ténors lyriques allemands de même pointure, comme on a pu le vérifier, une fois de plus, le 9 février dernier au Théâtre des Champs-Élysées (TCE) ! À se demander pourquoi il est si rare -plus que rare- qu’une diva ou un divo transmette ses gènes à sa progéniture. Pas de Caruso ou de Placido Domingo juniors marchant sur les traces de papa, pas plus que de petite Montserrat Caballé à l’assaut de la gloire maternelle. Prégardien père est pourtant convaincu d’avoir transmis ses gènes à son fils, depuis que le petit de 5 ans, écoutant «Don Giovanni», a déclaré qu’il serait baryton. Continuer la lecture

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