La nostalgie du samouraï

Jusqu’en 1876, les samouraïs avaient encore le droit de porter le sabre. Mais en l’interdisant, l’époque impériale sous le règne de l’empereur Meiji (1868-1912), mit fin à cette longue période, à partir du 12e siècle, où il était prudent de réfléchir avant de défier ces guerriers japonais dont la légende ne s’est pas éteinte. L’exposition qui vient de s’ouvrir sur ce thème (après un report d’un an) au musée Guimet, nous fait rêver, eu égard à notre époque ou n’importe quel enquiquineur peut nous gâcher la journée. Car on imagine sans peine combien un entretien d’évaluation avec un supérieur prendrait une autre tournure, combien le ton changerait, si le salarié concerné portait un sabre à sa ceinture. Si le respect, le civisme et la courtoisie dans nos villes modernes ont disparu, c’est peut-être au fond qu’il nous manque un katana, non pour le sortir de son étui mais simplement parce qu’il pourrait en sortir. Encore une exposition qui nous offre, outre une leçon d’histoire, un beau motif de méditation. Continuer la lecture

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Rentrons nos blancs moutons

La particularité de cette élégante de 1808, outre son bonnet de tulle, vient de ce qu’elle était vêtue d’une redingote en laine de mérinos, un variant distingué du mouton de base. En France, il est bien connu que nous ne manquons pas d’idées pour nous distraire. Les Archives nationales nous offrent donc en ce moment-même, une exposition sur le mouton mérinos, à ce point complète qu’elle décourage à l’avance tout nouvel événement sur ce thème, du moins à Paris. Ce qui est drôle, c’est qu’elle se terminera le 18 avril avant d’enchaîner le 12 mai sur l’abolition de l’esclavage en 1848. Voilà qui témoigne entre autres choses d’un bel esprit d’à-propos puisqu’il est nous est expliqué que c’est dès le néolithique que l’homme a soumis le mouton, soit pour le manger (ce qui ne peut se faire qu’une fois) soit pour en faire des pullovers ou des redingotes, cette dernière action étant renouvelable après chaque tonte. Le lien avec les Archives Nationales étant que cette administration détient moult documents sur ce thème  depuis 1786, en lien direct avec la bergerie nationale de Rambouillet. Continuer la lecture

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Petite leçon entomologique

Il se passe toujours quelque chose au jardin, surtout quand il s’agit d’un jardin botanique, et surtout quand il s’agit du Jardin botanique des Serres d’Auteuil, l’un des quatre jardins botaniques de la Ville de Paris, et l’un des plus beaux sinon le plus beau. Enfin il était encore plus beau avant que ces messieurs-dames de la Fédération nationale de tennis et de la mairie de Paris ne conjuguent leurs efforts pour l’amputer et le bétonner d’un bon hectare, malgré la bataille homérique des défenseurs du jardin qui a duré près de dix ans. Rappelez-vous, ce n’est pas vieux, cela remonte à 2018. Ironiquement, pour les visiteurs, le seul avantage de la nouvelle situation est l’entrée supplémentaire boulevard d’Auteuil qui s’ajoute aux trois autres, parce qu’elle sert aux spectateurs du tournoi du grand chelem, naturellement. Et qui est naturellement condamnée aux visiteurs lors du tournoi ainsi qu’une bonne partie du jardin pendant près de deux mois, on ne sait d’ailleurs pas pourquoi aussi longtemps alors que le tournoi ne dure que trois semaines. Continuer la lecture

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L’Indien qui sommeille en nous…

“Nous y voilà !” Amer constat d’une planète en décrépitude, d’une nature bafouée par l’homme.  Avec “Nous y voilà !”, la cause environnementale s’invite de façon pour le moins inédite, en textes et en musique, sur la scène de la Comédie des Champs-Élysées. Tout à la fois chant d’amour et cri d’alarme, ce plaidoyer poétique et musical, porté par trois merveilleux artistes et de multiples voix, empruntées aux Indiens d’Amérique comme à nos plus grands poètes, nous engage à reconsidérer notre rapport à la nature. Puissant et magnifique ! Continuer la lecture

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Brassens au féminin

Car c’est par la voix de Livane, comédienne et chanteuse, que le Théâtre de Dix-Heures nous donne rendez-vous avec le poète et chanteur disparu en 1981. Pour ce faire, elle a choisi d’emprunter à sa façon l’âme et la personnalité de Joha Heiman (1911-1999), la petite amie de Brassens durant une trentaine d’années. L’originalité du propos fonctionne complètement au point que, talent de la comédienne aidant, cela devient troublant. Nous marchons sans effort dans cette combine inattendue qui alterne prises de parole et interprétation des grands succès du chansonnier. Pas n’importe lesquels cependant, car tout est lié. D’autant que par-dessus le marché, l’interprète s’appelle Livane Revel. Son patronyme n’est pas sans évoquer la ville de naissance de Joha, en Estonie. Bizarre, non? Toujours est-il que lorsqu’elle interprète « À l’ombre des maris », cette chanson où il recommandé de ne « pas jeter la pierre à la femme adultère », il est impossible de ne pas penser à cette Joha qui était encore mariée au moment de commencer une liaison avec celui qui savait aussi, le cas échéant, louer son cambrioleur d’occasion. Continuer la lecture

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Les grosses coupures de Charles Camoin

Lorsqu’il revient de Tanger en juin 1914, Charles Camoin effectue ce que tout bon artiste se doit de faire, à tort ou a raison, il déchire ses œuvres qui ne lui conviennent plus. Sur la photographie ci-contre, on discerne les quatre déchirures fatales d’un autoportrait. Quatre-vingts réalisations, pas moins, feront l’objet de sa rage destructrice. Apollinaire mentionnera ce fait dans un article de Paris-Journal. L’information arrive cependant aux oreilles d’un chiffonnier malin qui fouille les poubelles de l’artiste. Il fait ressouder les coupures aux Puces de Saint-Ouen et elles zigzagueront ainsi de mains en mains, jusqu’à celles (entre autres) de l’écrivain Francis Carco (1886-1958) qui tente de les vendre à Drouot. Charles Camoin (1879-1965) va porter l’affaire devant la justice, laquelle consacrera le droit inaliénable du peintre à disposer de ses œuvres et fera jurisprudence. Certaines brûleront à sa demande dans un four du Grand Palais mais d’autres seront finalement reconnues par lui-même comme récupérables. Le Musée de Montmartre présente actuellement trois rescapées, dans le cadre d’une exposition sur celui qui en fut l’un des occupants. Cela faisait quarante ans qu’il n’avait pas été exposé à Paris. Continuer la lecture

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L’hapax de Gubbio

L’ibis « ne veut fréquenter que les bonnes gens, mais plutôt les pécheurs désespérés, disposés à commettre tout délit ». Cette chute à la moralité désuète figure dans le « Bestiaire Moral dit de Gubbio », intitulé ainsi parce que le recueil a été retrouvé dans une ville italienne du même nom, près de Pérouse. Fascinant bestiaire,  empruntant à la littérature médiévale et qui vient de reparaître aux éditions Honoré Champion. Son auteur, Sylvain Trousselard, préfacier et traducteur nous explique qu’il s’agit d’un « hapax », c’est-à-dire « le seul bestiaire rimé de l’ensemble de la production littéraire italienne des 13e et 14e siècles ». Garni de sa préface, cet ouvrage est pour le moins savant et nous emmène bien loin de notre ère, des catastrophes que notre siècle se complaît à enchaîner. Les soixante-quatre sonnets de l’époque se voulaient porteurs d’une morale. Bien qu’il ne soit pas aisé, en l’occurrence, de trouver une application dans la vie de tous les jours. Quand il est dit par exemple que « l’homme est bien cet éléphant très puissant », que « l’arbre est le monde, et enfin l’ennemi est celui qui ainsi l’a abusé ». Peut-être que certains soucis ont finalement vécu. Continuer la lecture

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Regards de femmes sur la guerre

Le musée de la Libération de Paris vient d’ouvrir un questionnement subtil sur le sexe des photographes. Le travail des photo-reporters présents sur les zones de conflit serait en effet différent selon les genres. Les femmes apporteraient en effet quelque chose de singulier, ce que tente de démontrer une exposition qui vient de débuter, en affichant les œuvres réalisées sur le vif par huit femmes-photographes reconnues. La scénographie nous présente d’emblée Gerda Taro (1910-1937) de son vrai nom Gerta Pohorylle, saisie en l’occurrence (ci-contre) par l’objectif de Guillermo Fernández Zúñiga. Elle couvre la guerre civile espagnole en compagnie de Robert Capa avant d’être abattue en pleine action en 1937, près de Madrid. Son travail remarquable ne laisse guère percevoir un prisme particulièrement féminin mais, au contraire, tendrait plutôt à souligner que la prise de vue est asexuée. Continuer la lecture

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Comme une traînée de poudre

La séquence était plus que symbolique. Mercredi 2 mars dernier, journaux nationaux et télévisions françaises ont relayé les mêmes images : la tête de Poutine dévissée de son buste, puis le corps et la tête placés dans une armoire fermée à clef. Cela se passait au musée Grévin et déboulonner une de ses statues de cire doit être une première pour le musée. Pour celles et ceux qui suivent l’actualité artistique, cette séquence est apparue comme un point d’orgue à l’étonnante campagne menée promptement par le milieu culturel dans le monde entier depuis le début de l’agression de l’Ukraine par la Russie le 24 février dernier. Dans le domaine musical et lyrique, pas un jour ne passe sans que des artistes soient sommés de prendre position, et la liste des bannis ne cesse de s’allonger. Continuer la lecture

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L’effet du logis

En 1975, alors que le Salon des Arts Ménagers bat son plein sous le toit du Grand Palais, 300 militantes du MLF investissent les lieux afin de signifier que l’attirail moderne des cuisines ne fait que confirmer l’asservissement de la femme à la maison. Et pour bien marquer le coup, elles parodient l’affiche du salon de 1930 qui présentait une fée du logis transformée en une bobonne mécanisée. Cette affiche, « La ménagère apprivoisée », assez remarquable par son rendu surréaliste (ci-contre) a été sortie des Archives Nationales afin de figurer dans une exposition qui vient de débuter à Pierrefitte-sur-Seine, et de retracer les arts ménagers qui ont donc fait salon de 1923 à 1983, sous l’égide de Jules-Louis Breton. Elle permet de mieux estimer le chemin parcouru dans ce domaine allant du robot-mixer au ramasse-miettes, du matelas chauffant à la desserte automatique. Hautement distrayante, riche en informations, elle nous apprend par exemple que la première photographie publiée par le journal Le Monde, en 1949, était justement une image du salon. Continuer la lecture

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