Doc de saison

Il n’en a pas l’air comme ça, à virevolter sous une pluie battante, mais Gene Kelly effectue cette scène mythique avec quarante de fièvre. Coréalisateur avec Stanley Donen, du film « Dansons sous la pluie » sorti en 1952, Gene Kelly (1912-1996) était un perfectionniste têtu, derrière et devant la caméra. La scène mythique a été tournée en deux jours avec deux fois six heures de pluie artificielle. Si bien qu’à force de tenter le diable, le danseur a fini par tomber malade au point d’alerter le thermomètre. Néanmoins la séquence a été achevée avec le sourire et sans donner l’impression du moindre effort. Comme l’expliquait l’intéressé, il fallait compter avec des heures, des jours et des semaines de labeur, avant de donner l’impression au public que toute chorégraphie avait été improvisée la minute précédant le show. Intitulé « Gene Kelly mène la danse », le documentaire de Claudia Collao est un film de saison, épatant de bout en bout et visible sur Arte, jusqu’au 1er avril. Modeste, bosseur, engagé côté démocrate, Kelly contredit encore l’adage selon lequel, personne n’est irremplaçable. Il disait par ailleurs qu’il était un prolétaire tandis que Fred Astaire, l’un de ses partenaires, appartenait aux aristocrates. Les deux faisaient la paire. Continuer la lecture

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Nadia Léger, politiquement peint

Lorsque l’art et la politique interagissent, le résultat se nomme « la propagande ». Le pouvoir utilise l’art, pictural ou statuaire, pour célébrer des personnalités marquantes, ou pour produire un certain type de réalité humaine ou sociale, par l’imposition de figures présentées comme exemplaires. Bonaparte a abondamment fait usage de ce mélange des genres pour fonder le mythe napoléonien. Les régimes totalitaires du XXe siècle l’ont poussé à son paroxysme. Les nazis ont forgé « l’art allemand », les soviétiques ont défini le « réalisme socialiste ». Très curieusement, sur des pré-supposés différents, le résultat visuel apparaît très voisin. Les uns vont célébrer l’identité nationale; entre ordre et nature, illustrer la noblesse du travail et le caractère central du Volk (peuple), les autres vanter l’avenir radieux, louanger le sens communautaire du peuple uni par les idéaux marxistes. Cela donne des œuvres proches du chromo. Parallèlement est abondamment représenté le personnage central, le Führer, d’une part, le génial Staline (ci-dessus par Picasso), de l’autre. L’exposition en cours consacrée à Nadia Léger par le musée Maillol nous montre comment un engagement politique va influer sur l’œuvre d’une artiste. Elle débute et se termine par le panthéon du parti dont elle est membre, Lénine, Staline, Marcel Cachin, Maurice Thorez, Benoit Frachon, Pablo Picasso, etc…
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Interruption du signal

L’image ci-contre est l’équivalent de la mire de l’O.R.T.F lorsque les programmes s’interrompaient. Créée pour l’occasion, elle indique qu’il en est de même pour Les Soirées de Paris. Les publications reprendront dans la mesure du possible. PHB Continuer la lecture

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L’art mis en bière

Ce qui relie différentes affaires d’art et de littérature, c’est en l’occurrence un triangle rouge. Celui caractérisant une bière existant depuis le 18e siècle en Angleterre,  à Burton-on-Trent (ou upon Trent), la Bass. Elle apparaît une première fois dans une célébrissime toile que Manet a peinte en 1822, « Un bar aux Folies-Bergère ». Il y a la serveuse bien sûr, celle qui focalise le regard, mais, sur la gauche et sur la droite, on discerne deux bouteilles estampillées d’un triangle écarlate. On la repère une seconde fois dans une œuvre de Georges Braque intitulée « Pal (Bouteille de Bass et verre sur une table) ». Le triangle a été omis, mais, vu qu’il s’agit d’une composition cubiste, on peut le voir ou le deviner partout. De même, comme le raconte André Salmon dans ses souvenirs littéralement sans fin, cette bière apparut également dans une revue qu’il avait fondée avec Apollinaire, le baron Mollet et Nicolas Deniker: Le Festin d’Ésope. Apollinaire avait pour l’occasion déniché un annonceur que l’on devine, avec le slogan publicitaire suivant: « Bière Burton, inventée par Lord Burton, sincère ami de S.M. Edouard VII ». Continuer la lecture

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Un trouvère dans la finance

Sans doute à la Closerie des Lilas où les poètes d’obédiences variées prenaient leurs quartiers en terrasse, André Salmon vit un jour l’écrivain américain Stuart Merrill (1863-1915), consulter Apollinaire dans le cadre d’une opération financière « difficile ». Selon Salmon, le seul parmi eux à avoir compris qu’Apollinaire n’y connaissait rien en finances, était son pair Paul Fort (1872-1960). La scène a de quoi faire sourire lorsque l’on y songe, s’agissant d’un jeune homme qui toute sa vie eut du mal à joindre les deux bouts. Mais Stuart Merrill avait une excuse pour sa méprise, car l’auteur du « Pont Mirabeau », ne vivant pas de sa plume au tout début de sa vie, avait trouvé à s’employer dans une banque. Salmon (1881-1969) se souvenait de lui « une règle à la main, les doigts tachés d’encre rouge », debout et penché sur un pupitre familièrement dénommé « chameau ». Il reste de cette drôle de période, une photographie où l’on voit Apollinaire en costume au milieu de ses collègues, lesquels l’avaient surnommé « Kostro » eu égard à « Kostrowitzky », son vrai patronyme. Dans une revue-souvenir publiée voici un peu plus de 100 ans (ci-dessus), André Salmon racontait comment, suite à un concours de circonstances « Kostro » allait devenir journaliste et même rédacteur en chef. Continuer la lecture

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La Charente à quatre mains

On connaît le piano à quatre mains, mais un peu moins le livre à quatre mains. En voici un intitulé « 1944- La Charente limousine se libère », tout juste sorti avant la fin de l’année dernière, pour célébrer les quatre-vingts ans de la Résistance locale. Sur la couverture de cet ouvrage de quatre cent pages, figurent deux noms, Benoît Savy et José Délias. Le dernier est né à Confolens en 1953, le premier suivra son exemple en 1975. La même différence d’âge s’applique aux deux autres contributeurs, Céline Déveza (1983) et Joël Giraud (1953). Tous ces enfants du pays se distinguent par un amour viscéral de la région. Ainsi José Délias, ancien agent d’entretien du collège de Chabanais, s’est improvisé historien local, signant une trentaine d’ouvrages et de contributions, tandis que son partenaire Joël faisait de même pour la gloire des Confolentais durant la seconde guerre mondiale. Le troisième larron Benoît, docteur en géographie physique, s’est attaché à « une mise à distance des témoignages directs ou indirects recueillis sur la période ». (les témoignages étant souvent plus que suspects.) Quant à Céline, la petite dernière, elle est cheffe de projet du Pays d’Art et d’Histoire du confolentais, Continuer la lecture

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Un village qui n’oublie pas Apollinaire

La jeune femme souriait à la personne qui la photographiait. Laquelle était un mari, une amie, un ami, une sœur, un frère, on ne sait pas. Cette photo a été agrandie sur un panneau en bord de mer sur la commune de Kervoyal dans le Morbihan. Elle illustre surtout la maison en arrière-plan ayant survécu, selon la légende que l’on peut lire, à la tourmente de la Seconde Guerre mondiale. On apprend aussi que la photo fut prise en 1948. L’auteur n’est donc pas mentionné. Cet agrandissement est très touchant. Il fige à l’évidence un moment de bonheur. Il est possible que celle qui cache ses yeux avec d’élégantes lunettes de soleil ne soit plus de ce monde. Mais la magie de l’image opère toujours sur le promeneur qui passe, avant qu’il ne s’engage sur la « Promenade Apollinaire », celle qui longe une anse, face à l’océan. Les environs immédiats sont très séduisants, hormis un bunker dûment tagué sur la plage. On ne s’ennuie quasiment jamais sur une plage. La mer interpelle au point de contraindre en douceur nos pensées à faire une pause. On en repartirait presque, comme Arthur Rimbaud, avec des semelles de vent. Continuer la lecture

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C’est juste le petit Jésus qui range ses bosons

Et en plus il y a un boson de jauge. Comme si nous n’avions pas déjà fort à faire avec le boson de Higgs, celui que les fins esprits désignent comme la particule de Dieu. Notamment parce que cette dernière est la forme d’énergie fondamentale qui relie un peu tout. Et comme le racontait le magazine Geo l’automne dernier, on s’attend à ce qu’un grand jour, de lassitude, le boson de Peter Higgs prenne sa retraite, laissant tout l’univers s’écrouler derrière lui. Nos visages se fragmenteront alors devant notre miroir où nous étions en train d’étaler une crème de jour, avec bêtement l’idée que la journée promettait d’être longue. Le temps de crier « chéri viens voir, il se passe un truc louche », ce sera trop tard, le grand aspirateur cosmique aura signé la fin de la récré. Aux enfants il faudra dire que c’est juste « le petit Jésus qui range ses jouets » et ce ne sera pas complètement faux. Un avantage est que nos plus coriaces voisins de palier disparaîtront dans le grand trou noir, le « père de tous les trous noirs », ainsi le disent en rigolant les physiciens quand ils ne sont plus à jeun. Continuer la lecture

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Cabu in memoriam

Ce 7 janvier 2015, la confirmation s’inscrivit en sous-titre, sur l’écran de l’info-en-continu: « un peu après 11 heures, avant le déjeuner, Jean Cabut , dit Cabu est mort assassiné…. »
Aussitôt, les survivants des années Pilote prirent le deuil du créateur du Grand Duduche, potache persifleur payant ses insolences d’un nombre joufflu d’heures de colle. Les générations suivantes évoquèrent le complice de Dorothée, aux temps de Récré A2, le dessinateur le plus populaire des cours d’école. Les balles des frères Kouachi, venus « venger le Prophète » leur arrachaient « une part de notre enfance » pensèrent-ils à l’unisson. Le lendemain, les journaux ciselèrent son oraison funèbre: « une silhouette douce, obstinée, poétique et immuable », « toujours de bonne humeur, avenant, persévérant, souriant », un « collégien de 76 ans ». Mais la réalité s’avérait beaucoup plus complexe. Derrière cet angelot en sucre filé sévissait un caricaturiste aussi redoutable que talentueux. « L’agneau de la bande » d’Hara-Kiri, venu s’arsouiller au pays des « bêtes et méchants », avait le trait féroce. Il était né un 13 janvier (1938).
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Le moment venu

L’infirmière pousse le piston de la seringue, l’anti-douleur chemine dans les veines de Martha et, l’on voit son visage s’illuminer puis disparaître dans la sensation ineffable du soulagement. Elle c’est Tilda Swinton, celle qui tient le rôle de la malade dans le dernier film de Pedro Almodovar, « La chambre d’à-côté ». Pas de maquillage, nul fond de teint, nul anti-cernes, le visage creusé, le regard sec, elle correspond sans aucun doute à l’idée que l’on se fait d’une période de chimiothérapie. Encore qu’il doit y avoir des femmes qui ne sauraient renoncer à un minimum de présentation quelles que soient les circonstances. Dans la chambre se tient son amie Ingrid, jouée par Julianne Moore. Cette fois elle change de poste. En 2015, c’était elle la malade dans « Still Alice », frappée par le sort d’un cerveau dont la mémoire se délitait inexorablement. Pourquoi un titre aussi plat? Parce qu’il correspond à la volonté de Martha d’en finir avec la vie et qu’elle a demandé à Ingrid d’attendre dans la chambre à côté, que la pilule fatale fasse son effet. Faut-il pour ce film parler d’un « coup de maître » comme l’a écrit Vanity Fair? Disons qu’il s’agit d’un bon film ce qui est déjà pas mal. Sachant que beaucoup de critiques ont souvent du mal à se situer entre la perception extatique d’un film et la mention « bon pour la benne ». Continuer la lecture

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