Le 14 octobre 1913, le président Poincaré s’en revenait d’Espagne où il avait visité la famille royale. Avant d’aller rejoindre son prédécesseur Émile Loubet qui s’était retiré à Montélimar, il avait fait escale à Maillane (Bouches-du-Rhône) où résidait Frédéric Mistral, un poète qui n’écrivait qu’en langue provençale, soit un authentique félibre, ainsi qu’il convenait de nommer cette catégorie. Pourquoi lui et pas un autre: au moins les habitants de son village savaient que leur concitoyen, avait obtenu le prix Nobel de littérature en 1904, faisant souffler sur la commune un vent de notoriété miraculeux. Ainsi que nous le raconte Léo Larguier (1878-1950), la servante du poète s’était affairée toute la matinée afin de polir et lustrer les meubles de la maison de Maillane et essuyé « avec un linge fin » le buste de Lamartine, l’autre poète qui avait reçu à Paris le premier. Le président était venu en train, dans l’un de ces wagons présidentiels, luxe et élégance combinés surmontant les boggies. L’un de ces wagons siglés « PR » que l’on peut visiter au musée de Mulhouse. Les gendarmes de Graveson avaient également astiqué les boutons de leur costume de cérémonie. L’air était doux et parfumé avec juste autour de Mistral, une bonne odeur de cigare. Continuer la lecture
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C’est un outil précieux pour la recherche, et un objet de curiosité ludique pour le quidam: les Archives de la Ville de Paris viennent de mettre en ligne le fruit de trois recensements captés en 1926, 1931 et 1936. Tapez (1) les nom et prénom d’une aïeule, ou de votre écrivain préféré, et vous aurez accès à un registre portant adresse, date et lieu de naissance, situation familiale, profession, de la personne recherchée. Un petit exploit dû à une collaboration entre CNRS et divers laboratoires universitaires, qui ont mouliné à l’IA 300.000 pages remplies à la main par les recenseurs pendant l’entre-deux-guerres. Le musée Carnavalet le met en scène, à renfort de photos, d’extraits commentés des fameux registres, de films et d’affiches, du 8 octobre au 8 février. Qu’y apprend-on, au-delà de l’anecdotique ? (Laquelle est parfois touchante: en 1931 Edith Gassion, profession “artiste”, vit avec son père Louis au 115 rue de Belleville. En 36, Louis, “acrobate au chômage”, vit désormais seul. Édith Piaf a quitté le nid).
Il faut croire que les faquins avaient disparu. Selon le Robert, cette dénomination prévalait surtout au 17e siècle pour désigner des gens sans valeur et de surcroît impertinents. Dans son poème « Pantomime », Verlaine (1844-1896), évoque bien un faquin d’Arlequin méditant l’enlèvement de Colombine mais c’est pour dire, depuis le temps, toute la désuétude dont le terme est frappé. Dans son édition de 1931, le Petit Larousse avait même décidé de faire court en définissant sobrement le faquin en « homme de rien », une façon à peine codée d’annoncer, telle une bonne nouvelle, l’obsolescence quasi achevée du mot. Et pourtant, ils sont de retour, tout comme les olibrius, cousins par alliance. Tellement nombreux qu’ils sont occultés par leur propre masse. Et pour cause, on leur a donné le micro et, quand ce n’était pas le cas, ils ont su s’en saisir. De surcroît, comme le faquin est un humain, on le détecte moins facilement que s’il s’agit d’un dinosaure. Il est comme tout le monde et tout le monde en vu un: comme tout un faquin.
Avant de devenir un film mythique, « La Règle du Jeu », écrit et tourné par Jean Renoir au printemps 1939, programmé dès le 7 juillet, a été longtemps considéré comme « un film maudit ». Maudit parce mal accueilli à sa sortie et aussitôt amputé. Puis réhabilité par la Nouvelle Vague, lorsque deux jeunes cinéphiles s’attellent à sa reconstitution en 1958, bien que le négatif original ait été détruit durant la guerre. François Truffaut, en particulier, écrira en 1967 « … c’est le credo des cinéphiles, le film des films », et ne manquera pas de souligner « … on éprouve l’impression d’assister à un film en cours de tournage… « .
Les deux piliers de l’entrée ne datent pas d’hier. Comme toutes les pierres qui composent un bâtiment d’ailleurs. Lesquelles trahissent des temps géologiques tellement anciens que les experts les datent à quelques millions d’années près. Si l’église Saint-Sauveur de Rochechouart (Haute-Vienne) n’échappe pas à cette règle, c’est qu’elle porte sur les deux piliers encadrant l’entrée, les traces d’agglomérats d’une météorite tombée là il y a un peu plus de deux cents millions d’années. Pas de la taille d’une balle de tennis comme on peut en voir dans les muséums, non: une chose de 1,5 kilomètre de diamètre soit cinq fois la hauteur de la tour Eiffel environ. Un musée, la Maison de la Réserve – Espace Météorite Paul Pellas, raconte cet événement dément dont les seuls témoins ébahis et désintégrés à la seconde furent des dinosaures et toutes les autres bestioles encore dépourvues de conscience écologique. Cela ne fait que soixante ans, nous raconte-t-on ici, après des décennies d’indices et de soupçons, d’une certitude établie: la sous-préfecture, le château abritant un musée d’art contemporain, ont été bâtis sur un astroblème, ainsi qu’il convient de dénommer la zone d’impact. L’hypothèse de freins qui lâchent sur un vaisseau extra-terrestre n’a pas été retenue.
Chef-d’œuvre imparfait d’Offenbach puisque inachevé, « Les Contes d’Hoffmann » sont une œuvre quasi impossible à mettre en scène, et pourtant l’une des plus jouée au monde. L’Opéra-Comique ou salle Favart ouvre sa saison par une co-production avec l’Opéra national du Rhin, l’Opéra de Reims et le Volksoper de Vienne. Les représentations strasbourgeoises ont été données au début de l’année, mais la distribution salle Favart est entièrement nouvelle. Ouvrir la saison avec « Les Contes d’Hoffmann » est forcément un événement. Car né en Allemagne d’un père chantre de synagogue, devenu roi de l’opéra bouffe (et non de l’opérette) sous le Second empire (« La belle Hélène », « Orphée aux enfers », « La Vie parisienne », etc.), le musicien de génie voulait faire de cet opéra fantastique son testament musical. A partir de 1877, ruiné, surmené, épuisé par la goutte, frissonnant sous ses fourrures, il y travaille avec acharnement et mourra le 5 octobre 1880 à soixante-et-un an. Lui qui avait tant rêvé de franchir enfin les portes de l’Opéra-Comique, il n’assistera pas à son triomphe du 10 octobre 1881. Ni aux créations de Genève, New York et Mexico en 1882, Prague et Anvers en 1883, encore moins à Berlin en 1905.
Pierre Daninos fut, au siècle dernier, un écrivain prolixe. Le Who’s Who le répertorie écrivain et journaliste. Journaliste, il entra à 18 ans au Figaro pour lui rester longtemps fidèle. Écrivain, il le devint, publiant, jusqu’en 2000, une quarantaine d’ouvrages. C’est d’ailleurs au Figaro qu’il doit son plus grand succès d’édition. En 1953, afin de meubler le vide estival, Pierre Brisson, le directeur du quotidien, lui commande une sorte de feuilleton. Il reprend alors à son compte le procédé littéraire utilisé par Montesquieu dans les « Lettres persanes », l’observation de ses contemporains par un œil étranger. Il se prétend, par conséquent, le traducteur d’un hypothétique militaire britannique, le major William Marmaduke Thomson DSO, CSI, OBE (1). Époux en secondes noces d’une Française, ce dernier s’applique à relever le décalage culturel existant d’un côté et de l’autre de la Manche, décrivant les (quelques) qualités, et les (nombreux) défauts des Français qu’il côtoie. Il convient de relever que les mœurs anglaises ne sont pas étrangères à Daninos. Mobilisé en 1940, il a été désigné agent de liaison de son unité avec la British Army. Publiés en 1954, les « Carnets du major Thomson » iront jusqu’à 2 millions d’exemplaires, traduits dans 27 pays. Il poursuivra par quatre volumes les aventures du major, donnant parfois l’impression d’un peu trop tirer sur la ficelle.
Lorsqu’il est coincé comme un vieux jerrican dans un garage, piégé dans un conseil d’administration qui s’éternise ou jeté comme un vaurien au fond d’une cellule déjà surpeuplée, l’esprit humain fomente des évasions intérieures. Notamment si l’esprit en question, fort en maths, doué aux échecs, est de surcroît épris d’art et de littérature. Déporté en 1944 au camp de Dora, François Le Lionnais trouva grâce à son amour de l’art, un exutoire imparable. Lorsqu’il se remémorait chaque détail de « La Vierge au chancelier Rolin » de Jean Van Eyck (1390-1441), cela lui permettait de s’abstraire de longs instants, de la litanie de l’appel, lors duquel chaque prisonnier devait patienter des heures, torturé par les crampes, le froid ou la chaleur. Avec son ami Jean Gaillard qui n’a pas survécu, il passait toute la peinture en revue la mise en scène de Van Eyck, jusqu’aux « petites touffes d’herbe » poussant entre « les pavés de la courette » et même « l’agitation citadine » que l’on distingue au fond de l’œuvre. Cette toile presque carrée (66 x 62 cm, ci-dessus) est visible au musée du Louvre. On la regardera différemment en songeant à celui qui faisait l’effort, depuis sa captivité, d’en projeter chaque centimètre carré dans l’esprit de son camarade.
C’est sûrement l’une des automobiles Peugeot parmi les plus photographiées au monde. Surtout dans cet état de carcasse rouillée avec son squelette mécanique que l’on distingue très bien vu qu’il n’y a plus de plancher. Elle est restée là depuis le 10 juin 1944, le jour où la 2e division SS Das Reich est venue se venger des actions de résistance en massacrant tout un village. On appelle ça des représailles, c’est un genre d’activité dont l’espèce humaine n’a jamais réussi à s’affranchir. La tendance se porte toujours bien ce qui fait que la visite en ce moment-même du village martyr d’Oradour-sur-Glane nous interpelle comme une actualité, comme le maillon d’une chaîne d’horreurs n’ayant ni début ni fin. En outre, le Centre de mémoire qui ouvre l’entrée de ce lieu situé à une vingtaine de kilomètres de Limoges (Haute-Vienne), vient de fermer. Il ne rouvrira pas avant juin 2027. Mais Oradour, dont le temps s’est arrêté il y a de cela quatre-vingts ans, restera ouvert au public. On y entre librement et dès les premiers pas, il y a une angoisse qui vous étreint, malgré les beaux jours de septembre, malgré cette belle vigne qui s’enroule sur une des ruines et dont on n’ose cueillir un des fruits.
L’endroit n’est pas des plus faciles à trouver, mais le touriste un peu curieux sera récompensé de sa persévérance en découvrant un paysage champêtre auquel il ne s’attendait probablement pas. C’est qu’il se trouve dans le Borinage, entre Valenciennes et la ville belge de Mons. Cette région est voisine du « pays noir » expression peu flatteuse due aux nombreux puits d’extraction du charbon de l’endroit. Les dernières mines ont beau avoir été fermées depuis plus de 60 ans, la région pâtit encore de cette réputation alors que, non loin des terrils devenus aujourd’hui des lieux d’excursion fréquentés, on découvrira de verdoyantes campagnes. C’était essentiellement pour la paix et la sérénité de l’endroit qu’à la toute fin du XIXe siècle, le poète flamand d’expression française Émile Verhaeren décida de s’installer chaque année pour plusieurs mois, dans ce lieu retiré du Hainaut belge, à quelques kilomètres de la frontière française. L’endroit porte le nom savoureux de « Caillou-qui-bique ». Entendez, selon le parler local, « rocher qui se dresse ». Curiosité géologique, il s’agit d’une roche assez énorme de plusieurs centaines de millions d’années que les spécialistes nomme « poudingue ».