Yehudi Menuhin ou la légende faite violoniste

Photo: Lise Bloch-MorhangeTout est légende chez Yehudi Menuhin, dont on célèbre le centenaire de la naissance. Né le 22 avril 1916 à New York de parents juifs ayant fui la Russie puis la Palestine, il devint rapidement une légende de son vivant.
Voici comment commence la légende : le père devient surintendant de plusieurs écoles hébraïques à San Francisco où la famille déménage en 1917 et se rend volontiers aux concerts de l’Orchestre symphonique de la ville.

A trois ans, le petit Yehudi aurait été très impressionné par le premier violon de l’orchestre Louis Persinger, dont le plus grand titre de gloire sera d’avoir été le professeur du futur petit prodige. Deux sœurs naissent, Hephzibah et Yaltah. Yehudi s’ennuyant à l’école, sa remarquable et redoutable mère décide de l’en retirer vers son cinquième anniversaire pour l’instruire à domicile, et lui faire apprendre sérieusement le violon. Louis Persinger sera le professeur élu, mais au bout de quelques mois, le petit Yehudi aurait demandé avec impatience «When will I be able to vibrate ?» (Quand est-ce que je serai capable de produire des vibrations ?).[

Légendaire, donc, son premier récital triomphal en Europe à dix ans avec les Concerts Lamoureux à Paris, et l’année suivante, son interprétation du triple concerto de Beethoven donné à Carnegie Hall avec le New York Symphony Orchestra dirigé par Fritz Busch.
Légendaire, son premier disque enregistré en 1928, à douze ans.

Légendaire, cette exclamation d’Albert Einstein venant de l’entendre interpréter à treize ans le «Concerto pour violon» de Beethoven  avec l’Orchestre philharmonique de Berlin placé sous la direction de Bruno Walter (outre les grands concertos de Bach, et Brahms) : «Maintenant, je sais qu’il y a un dieu au ciel!».
Légendaires, l’exceptionnelle beauté de son visage sculpté comme une statue et l’élégance de sa haute stature, tout comme les «Sonates pour violon et piano» de Mozart enregistrées à dix-huit ans avec sa jeune sœur Hephzibah de treize ans, elle aussi d’une stupéfiante beauté.
Collaboration légendaire, dont on dit qu’il gardera la nostalgie toute sa vie.

Yehudi Menuhin (15 ans) à Ville d'Avray. Agence Mondial. Source photo: Gallica/BnF

Yehudi Menuhin (15 ans) à Ville d’Avray. Agence Mondial. Source photo: Gallica/BnF

Légendaires, les innombrables concerts qu’il donnera durant la guerre aux Etats-Unis comme en Angleterre, après avoir été enrôlé dans l’armée américaine pour soutenir le moral des troupes alliées. En particulier ceux qu’il consacrera aux survivants du camp de Bergen-Belsen et autres réfugiés en 1945, en compagnie de l’immense compositeur (et pianiste) anglais Benjamin Britten.
La légende voulant qu’il s’épuise en se dépensant sans compter, allant souvent jusqu’à jouer trois fois par jour dans des conditions difficiles, ce qui lui vaudra certains problèmes de motricité de la main droite qu’il mettra longtemps à surmonter. Sans oublier certains problèmes conjugaux : éloigné de sa femme (épousée à vingt-deux ans) et de ses deux enfants, en 1944 il tombe amoureux d’une danseuse anglaise, Diana Gould, qu’il épousera le 19 octobre 1947. Ils auront deux fils, Jeremy et Gerard, et «vivront heureux ensemble jusqu’à la fin».

Légendaire, le «Concerto pour violon» de Beethoven de septembre 1947 à Berlin avec le maestro William Furtwängler auquel Menuhin apporte son aide lors de sa difficile «dénazification». Suivront des enregistrements tout aussi légendaires, comme celui du concerto de Beethoven à Lucerne en 1947 et à Londres en 1953, ou encore le concerto pour violon de Brahms en 1949, le deuxième de Béla Bartók enregistré en 1953, et celui de Felix Mendelssohn enregistré en 1952.
Menuhin déclarera vers la fin de sa vie que Furtwängler était le chef d’orchestre qui l’avait le plus marqué.
Un disque incluant les concertos de Beethoven et Mendelssohn avec Yehudi Menuhin et Furtwängler fut élu comme l’un des «cinq plus grands enregistrements du siècle» par les lecteurs du « Monde de la Musique » en décembre 2004.

Yehudi Menuhim sur le mur d'images Google. Illustration: PHB/LSDP

Yehudi Menuhin sur le mur d’images Google. Illustration: PHB/LSDP

Légendaires, ses engagements politiques ou plutôt humanistes, l’amenant à se
produire dans les camps palestiniens à partir des années 50, ou à se faire bannir de Russie pour avoir pris position en faveur de l’écrivain Soljenitsyne ou du violoncelliste Rostropovitch.
Légendaires, les nombreux concours, fondations, écoles de musique, festivals, qu’il a fondés, ainsi que son activité de chef d’orchestre à laquelle il s’est adonné pendant des années avant de mourir.
Légendaire, la Yehudi Menuhin School de Cobham, dans le comté de Surrey, où il est enterré dans le parc.

Légendaire, la relation qu’il a nouée avec son élève et biographe le Français Bruno Monsaingeon qui a réalisé de superbes documentaires sur le Maitre, et nous l’a rendu si familier à travers des DVD comme «Passion Menuhin» ou «Le Violon du siècle».
C’est d’ailleurs lui qui a supervisé l’impressionnant coffret du centenaire, «The Menuhin Century», tout simplement, qui vient de sortir chez Warner Classics, soit 80 CD remastérisés, (enregistrements historiques et autres inédits), 11 DVD (entretiens et concerts), ainsi qu’un livre illustré intitulé «Passion Menuhin».

Lise Bloch-Morhange

Il faut aller sur le site «Menuhin.org» pour trouver les divers hommages organisés en Europe, dont l’exposition «Journeys with a violin» à la Royal Academy of Music de Londres jusqu’au 30 novembre.
Sur ARTE, journée spéciale Yehudi Menuhin le 1er mai à partir de 18h30 avec notamment «Yehudi menuhin et Herbert von Karajan», et à 22h45  «Le Violon du siècle – Album-Souvenir» de Bruno Monsaingeon.

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2 réponses à Yehudi Menuhin ou la légende faite violoniste

  1. Isa Mercure dit :

    Magnifique!

  2. Bloch-Morhange Gérard dit :

    Très bonne synthèse d’une vie hors du commun

    Bravo

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