Fabulateurs

Hervé Bazin, nous enseigne le dictionnaire, « petit neveu de René Bazin, est l’auteur de romans de facture traditionnelle, dont la violence satirique s’exerce contre une certaine bourgeoisie, les méfaits de la civilisation industrielle, et plus particulièrement, les contraintes de la famille et de l’éducation ». Son essor littéraire va reposer sur le récit d’une enfance pitoyable, dans le « cadre étouffant de la bourgeoisie angevine ». Il racontera, plus tard, le chapelet des persécutions infligées par sa génitrice, surnommée Folcoche, avec le concours de prêtres malveillants. Folcoche, plus que la contraction de folle avec cochonne, est « pour le fermier du coin, la truie qui mettant bas, dévore ses petits ». Grâce aux récits de ce fils martyrisé, elle va devenir l’archétype de la mère plus qu’indigne. Selon la biographie officielle, Bazin, à l’adolescence, se révolte, refuse de passer les examens à la faculté catholique de droit ou sa famille le presse d’étudier, rompt définitivement avec elle, et s’enfuit à Paris. Là, suivant sa vocation littéraire, il s’inscrit en licence de lettres à la Sorbonne. En 1947, une plaquette de poèmes lui vaut le prix Apollinaire. Continuer la lecture

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Polyphonique Kandinsky

Il y aurait eu ce point de départ à Moscou en 1896. À l’automne de cette année-là, Vassily Kandinsky assiste à un opéra de Wagner. Et c’est alors que ce professeur de droit de son état, remarque que la musique lui procure des sensations annexes. Le son prend forme et se colore. Dans un fort recommandable documentaire diffusé par Arte (en parallèle d’une exposition du Centre Pompidou hébergée à la Philharmonie), le commentaire désigne en l’occurrence, ce phénomène mental comme une synesthésie. Terme dont le cousin proche s’intitule synopsie et qui nous concerne un peu tous, soit la faculté d’attribuer une couleur à un son ou à une lettre. Ce qui fait que l’exposition a été baptisée « la musique des couleurs ». Toujours est-il que le destin de Vassily Kandinsky (1866-1944) bascule à ce moment-là. D’autant que lors de sa jeunesse aisée, il a tâté des deux disciplines, la musique et le dessin. On peut dire dès lors que Wagner l’attendait au tournant (il ne sera pas le seul) et qu’à la suite de ce rendez-vous du destin, c’est décidé, il sera artiste-peintre. Continuer la lecture

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Le schnaps, boisson intersidérale

Rien de tel qu’un bon petit documentaire sur la planète Mars afin de tuer le temps agréablement. Arte diffuse en ce moment un de ces films malgré tout fort distrayants, sur l’idée consistant à aller vérifier si des fois sur la planète rouge, il n’y aurait pas eu un peu de vie avant que les eaux et l’atmosphère locales ne s’en aillent. C’est pour cela que l’on a expédié là-haut des engins d’exploration dont deux sont toujours en activité. Des prélèvements d’échantillons martiens figurent au programme, ils seront si tout va bien récupérés un jour par un orbiteur et seront ramenés sur Terre pour être étudiés. Dans l’objectif précis nous explique-t-on ici, de détecter de la vie ou ses traces. Et le seul pense-bête scientifique qui vaille dans ce domaine, répond à l’acronyme « c.h.n.o.p.s ». Six lettres désignant l’essentiel de ce qui constitue le vivant à nos yeux, soit le carbone, l’hydrogène, l’azote, l’oxygène, le phosphore et le soufre. Avec cela vous disposez à titre d’exemple de 97% de ce qui compose l’humain. Et donc une matière prélevée sur Mars qui regrouperait ces éléments, trahirait quelque chose de local comme un bout de cerveau, une miette de céréales ou une aile de mite. Continuer la lecture

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Marianne mène le bal

Il y a vingt-cinq ans, la muse bergmanienne Liv Ullmann (1938) avait tourné le film « Infidèle » sur un scénario d’Ingmar Bergman (1918-2007). Aujourd’hui, le cinéaste suédois Tomas Alfredson (1965-) adapte l’histoire, avec la scénariste Sara Johnsen, en une minisérie sous le titre « Infidèles ». Le passage du film à la minisérie et du singulier au pluriel montre leur intention de faire le tour des bonheurs et des douleurs de l’adultère, celle d’un couple et du meilleur ami du mari. Le metteur en scène de soixante-ans possède l’art de la distanciation, ayant démontré il y a quatorze ans sa virtuosité en tournant « La taupe », un des plus beaux films d’espionnage adapté de l’un des plus beaux livres du genre, peut-être le plus beau de John le Carré. On retrouve dans la série l’amour des lents travellings, des scènes de nuit et du constant aller-retour entre le passé et le présent. Continuer la lecture

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La visite de Poincaré rendue à Mistral

Le 14 octobre 1913, le président Poincaré s’en revenait d’Espagne où il avait visité la famille royale. Avant d’aller rejoindre son prédécesseur Émile Loubet qui s’était retiré à Montélimar, il avait fait escale à Maillane (Bouches-du-Rhône) où résidait Frédéric Mistral, un poète qui n’écrivait qu’en langue provençale, soit un authentique félibre, ainsi qu’il convenait de nommer cette catégorie. Pourquoi lui et pas un autre: au moins les habitants de son village savaient que leur concitoyen, avait obtenu le prix Nobel de littérature en 1904, faisant souffler sur la commune un vent de notoriété miraculeux.  Ainsi que nous le raconte Léo Larguier (1878-1950), la servante du poète s’était affairée toute la matinée afin de polir et lustrer les meubles de la maison de Maillane et essuyé « avec un linge fin » le buste de Lamartine, l’autre poète qui avait reçu à Paris le premier. Le président était venu en train, dans l’un de ces wagons présidentiels, luxe et élégance combinés surmontant les boggies. L’un de ces wagons siglés « PR » que l’on peut visiter au musée de Mulhouse. Les gendarmes de Graveson avaient également astiqué les boutons de leur costume de cérémonie. L’air était doux et parfumé avec juste autour de Mistral, une bonne odeur de cigare. Continuer la lecture

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Paris était déjà Paris

C’est un outil précieux pour la recherche, et un objet de curiosité ludique pour le quidam: les Archives de la Ville de Paris viennent de mettre en ligne le fruit de trois recensements captés en 1926, 1931 et 1936. Tapez (1) les nom et prénom d’une aïeule, ou de votre écrivain préféré, et vous aurez accès à un registre portant adresse, date et lieu de naissance, situation familiale, profession, de la personne recherchée. Un petit exploit dû à une collaboration entre CNRS et divers laboratoires universitaires, qui ont mouliné à l’IA 300.000 pages remplies à la main par les recenseurs pendant l’entre-deux-guerres. Le musée Carnavalet le met en scène, à renfort de photos, d’extraits commentés des fameux registres, de films et d’affiches, du 8 octobre au 8 février. Qu’y apprend-on, au-delà de l’anecdotique ? (Laquelle est parfois touchante: en 1931 Edith Gassion, profession “artiste”, vit avec son père Louis au 115 rue de Belleville. En 36, Louis, “acrobate au chômage”, vit désormais seul. Édith Piaf a quitté le nid). Continuer la lecture

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Les fourberies du faquin

Il faut croire que les faquins avaient disparu. Selon le Robert, cette dénomination prévalait surtout au 17e siècle pour désigner des gens sans valeur et de surcroît impertinents. Dans son poème « Pantomime », Verlaine (1844-1896), évoque bien un faquin d’Arlequin méditant l’enlèvement de Colombine mais c’est pour dire, depuis le temps, toute la désuétude dont le terme est frappé. Dans son édition de 1931, le Petit Larousse avait même décidé de faire court en définissant sobrement le faquin en « homme de rien », une façon à peine codée d’annoncer, telle une bonne nouvelle, l’obsolescence quasi achevée du mot. Et pourtant, ils sont de retour, tout comme les olibrius, cousins par alliance. Tellement nombreux qu’ils sont occultés par leur propre masse. Et pour cause, on leur a donné le micro et, quand ce n’était pas le cas, ils ont su s’en saisir. De surcroît, comme le faquin est un humain, on le détecte moins facilement que s’il s’agit d’un dinosaure. Il est comme tout le monde et tout le monde en vu un: comme tout un faquin. Continuer la lecture

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Une nouvelle règle du jeu

Avant de devenir un film mythique, « La Règle du Jeu », écrit et tourné par Jean Renoir au printemps 1939, programmé dès le 7 juillet, a été longtemps considéré comme « un film maudit ». Maudit parce mal accueilli à sa sortie et aussitôt amputé. Puis réhabilité par la Nouvelle Vague, lorsque deux jeunes cinéphiles s’attellent à sa reconstitution en 1958, bien que le négatif original ait été détruit durant la guerre. François Truffaut, en particulier, écrira en 1967 « … c’est le credo des cinéphiles, le film des films », et ne manquera pas de souligner « … on éprouve l’impression d’assister à un film en cours de tournage… « .
Telle est la fascination exercée par cette œuvre d’une incroyable fluidité, comme le prouve la dernière restauration en date, réalisée en 2021 sous la conduite de la Cinémathèque française, ressortie en juin dernier en coffret collector par les éditions Rimini. Continuer la lecture

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Une météorite dans le pâté limousin

Les deux piliers de l’entrée ne datent pas d’hier. Comme toutes les pierres qui composent un bâtiment d’ailleurs. Lesquelles trahissent des temps géologiques tellement anciens que les experts les datent à quelques millions d’années près. Si l’église Saint-Sauveur de Rochechouart (Haute-Vienne) n’échappe pas à cette règle, c’est qu’elle porte sur les deux piliers encadrant l’entrée, les traces d’agglomérats d’une météorite tombée là il y a un peu plus de deux cents millions d’années. Pas de la taille d’une balle de tennis comme on peut en voir dans les muséums, non: une chose de 1,5 kilomètre de diamètre soit cinq fois la hauteur de la tour Eiffel environ. Un musée, la Maison de la Réserve – Espace Météorite Paul Pellas, raconte cet événement dément dont les seuls témoins ébahis et désintégrés à la seconde furent des dinosaures et toutes les autres bestioles encore dépourvues de conscience écologique. Cela ne fait que soixante ans, nous raconte-t-on ici, après des décennies d’indices et de soupçons, d’une certitude établie: la sous-préfecture, le château abritant un musée d’art contemporain, ont été bâtis sur un astroblème, ainsi qu’il convient de dénommer la zone d’impact. L’hypothèse de freins qui lâchent sur un vaisseau extra-terrestre n’a pas été retenue. Continuer la lecture

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Le retour d’Hoffmann à l’Opéra-Comique

Chef-d’œuvre imparfait d’Offenbach puisque inachevé, « Les Contes d’Hoffmann » sont une œuvre quasi impossible à mettre en scène, et pourtant l’une des plus jouée au monde. L’Opéra-Comique ou salle Favart ouvre sa saison par une co-production avec l’Opéra national du Rhin, l’Opéra de Reims et le Volksoper de Vienne. Les représentations strasbourgeoises ont été données au début de l’année, mais la distribution salle Favart est entièrement nouvelle. Ouvrir la saison avec « Les Contes d’Hoffmann » est forcément un événement. Car né en Allemagne d’un père chantre de synagogue, devenu roi de l’opéra bouffe (et non de l’opérette) sous le Second empire (« La belle Hélène », « Orphée aux enfers », « La Vie parisienne », etc.), le musicien de génie voulait faire de cet opéra fantastique son testament musical. A partir de 1877, ruiné, surmené, épuisé par la goutte, frissonnant sous ses fourrures, il y travaille avec acharnement et mourra le 5 octobre 1880 à soixante-et-un an. Lui qui avait tant rêvé de franchir enfin les portes de l’Opéra-Comique, il n’assistera pas à son triomphe du 10 octobre 1881. Ni aux créations de Genève, New York et Mexico en 1882, Prague et Anvers en 1883, encore moins à Berlin en 1905. Continuer la lecture

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