Mihonoseki, un petit port enchanteur sur la mer du Japon

À 40 kilomètres de Matsue (Nord-Ouest de l’ile de Honshu), Mihonoseki est une invitation au voyage. Là, tout n’est qu’enchantement, calme et spiritualité. Loin de la profanation touristique, ce petit port japonais au caractère authentique a su garder son âme et ses traditions. Depuis Matsue, il faut environ une heure en car puis en « Community taxi » (taxi collectif) pour rejoindre Mihonoseki. De l’eau, de l’eau, de l’eau. La route passe tout d’abord à côté du lac Daikin, puis d’un chenal avant de déboucher sur la mer du Japon. Longeant la mer de près, le Community taxi frôle les habitations traditionnelles lorsqu’il traverse de minuscules villages de pêcheurs tant la route est étroite. Accentuée par le scintillement de la mer, l’atmosphère est onirique et le voyage à lui seul est déjà un ravissement. Arrivé à destination, on est tout de suite saisi par la beauté naturelle de Mihonoseki. Le petit port de 6500 âmes est blotti au cœur d’une baie paisible qui le protège des eaux tumultueuses de la mer du Japon. Traversé par une rue aux maisons traditionnelles qui n’a rien de surfait, il est entouré de collines à la végétation foisonnante. Ici, on est ancré dans une réalité locale, la pêche, activité à laquelle on s’adonne en famille depuis des générations. Ici, on ne joue pas à se conformer à l’imaginaire d’un « folklore » standard pour attirer des touristes. Continuer la lecture

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Il fallait sauver le toro Osborne

C’est certainement ce qui étonnait le plus les automobilistes qui se rendaient pour la première fois sur le territoire espagnol. C’est aussi ce qui intriguait et amusait les enfants entassés à l’arrière de la voiture. À l’époque des premières grandes migrations saisonnières menant des milliers de vacanciers vers les plages surchauffées de la Costa del Sol, on ne pouvait les rater. Il y en avait plusieurs centaines, réparties à des endroits stratégiques et on les apercevait de loin. Il s’agit des toros Osborne, gigantesques panneaux publicitaires vantant des spiritueux produits par l’une des firmes les plus anciennes d’Europe, la maison Osborne, installée en Andalousie depuis 1772. Sur les flancs de l’animal on pouvait lire la marque de la boisson alcoolisée dont le toro se faisait le représentant: « Veterano ». Continuer la lecture

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Fétiches

Du latin reliquae, restes, les reliques sont les reliefs matériels qu’a laissés derrière elle, en mourant, une personne vénérée. Les chrétiens ont largement contribué à l’essor du fétichisme nécrophore. La moindre chapelle recèle, sous la pierre d’autel, une relique correspondant à son dédicataire. Une cathédrale un tant soit peu sérieuse se doit de conserver, dans une chasse lardée de pierreries, le pariétal ou la cinquième lombaire de son martyr éponyme. Dix paroisses françaises se flattaient de posséder un fragment du Saint Prépuce, conférant ainsi au divin tuyau une dimension respectable. Aux dernières nouvelles, l’original serait à la basilique Saint-Jean-de-Latran. Si le suaire (1) ayant servi à ensevelir le Christ se trouve à Turin (ci-dessus), sa dernière tunique s’expose à Argenteuil, et la couronne d’épines à Notre Dame de Paris  Depuis, l’appétit pour les vestiges sacrés s’est laïcisé. Certes, des lois intraitables empêchent la dispersion des viscères des célébrités aux mieux offrants, à l’image de nos monarques dont les morceaux choisis étaient répartis dans le royaume, « façon puzzle ». La « dilaceratio corporis », c’est à dire la séparation du cœur, des entrailles et du corps du souverain défunt, répartis ensuite dans plusieurs sépultures, sera de mise, depuis Philippe le Hardi jusqu’à Louis XIV. Continuer la lecture

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Cromwell ressuscité

Les Anglais viennent de prouver, one more time, qu’ils sont les rois de la série historique. Après la savoureuse série « Downton Abbey » (2011-2015), après l’opulente série « The Crown » (2016-2023), voilà « Wolf Hall », adaptée des best sellers de la romancière Hilary Mantel. Une trilogie publiée entre 2009 et 2020 ayant reçu le Booker Price et autres récompenses. Trois épais volumes traduits chez Sonatine en France entre 2013 et 2022. Une somme évoquant the rise and fall of Cromwell, l’ascension et la chute de Thomas Cromwell, très puissant conseiller du très capricieux roi Henri VIII. L’histoire commence en 1527, lorsque le second souverain Tudor, exaspéré de ne pas avoir d’héritier mâle, veut obtenir du pape l’annulation de ses dix-huit années de mariage avec Catherine d’Aragon. Continuer la lecture

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Dulce bellum inexpertis

Ce titre en latin issu des « Adagia » d’Érasme signifie que « la guerre est douce à ceux qui l’ignorent ». Elle est d’autant plus d’actualité que ceux qui en nourrissent la perspective sont rarement prêts à enfiler l’uniforme. Toujours est-il qu’à la fin du 15e siècle et dans les années du suivant, les beaux esprits s’en allaient piocher dans le dictionnaire des citations latines sélectionnées par Érasme, afin de briller dans les dîners en ville. Le latiniste distingué qu’était le prêtre de Rotterdam, puis l’un des plus grands esprits d’Europe, savait cela. Tout ce qui venait de son moi spirituel était bon à prendre. Stefan Zweig, dans sa puissante biographie d’Érasme, notait déjà en 1935 que le besoin de truffer une intervention orale ou écrite de quelques mots de latin, était toujours fort partagé. Comme une drogue irrésistible qui faisait dire à quelque convive voisin d’un quelconque orateur: « diable, quel personnage instruit. » Cette biographie se rappelle doublement à nous. D’abord parce qu’Érasme (1467-1536) ne prônait pas que la tolérance entre les hommes, il conseillait également et sans se lasser, l’instrument diplomatique, le chemin de la conciliation ou la voie du compromis afin d’éviter qu’une situation dégénère en conflit incontrôlable. Et d’autre part parce que la parution de cette biographie par Zweig (1881-1942) fut publiée en pleine montée du nazisme. Elle tombait à pic, mais sur le plan pratique, elle fit malheureusement plouf. Continuer la lecture

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Georges de la Tour, l’éclairagiste

C’est bien vrai que ce « Nouveau-Né » méritait d’être mis en avant. Même s’il est bien difficile de choisir un Georges de la Tour parmi une trentaine de chefs-d’œuvre sélectionnés. Mais c’est bien ici le choix du musée Jacquemart-André, pour une exposition exceptionnelle qui démarrera le 11 de cette semaine. Peinte entre 1647 et 1648, cette toile est une concentration de savoir-faire. La scène est domestique. Deux femmes sont au chevet d’un bébé emmailloté. L’une le tient, l’autre porte la bougie diffusant une aura magique sur le rouge de la robe. La lumière confère même un aspect luisant au visage du poupon, le réalisme est ici poussé jusqu’au bout. Aujourd’hui on aurait tendance à ternir artificiellement un éclat ou un reflet inopportuns. De La Tour quant à lui, n’avait pas occulté ce détail, sur une surface où tout est pensé, où chaque pièce du puzzle s’agrège, afin d’aboutir à un résultat sans-faute. Continuer la lecture

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La Série Noire comme patrimoine

La Série Noire célèbre avec fierté, cette année, ses 80 ans. Il y a de quoi être fier d’avoir placé la grande littérature policière sur un piédestal, sans la considérer comme un genre inférieur. Même s’il existe encore des gens qui n’ont pas ouvert un roman policier de leur vie. Il y a polar et polar, et c’est à la gloire de Marcel Duhamel, grand ami de Prévert, traducteur de Steinbeck, Poe, Hemingway ou Henry Miller, d’avoir convaincu Gallimard de placer d’emblée la Série Noire sous les auspices de l’illustre NRF en juillet 45. Juste à la sortie de la guerre, alors qu’éclatent à la Libération sur les écrans français tous ces cinéastes yankees chéris des critiques des Cahiers du cinéma souvent adaptés de romans noirs (voir mon article du 11 juillet 2025 « Un grand épistolier »). Truffaut, justement, grand amateur de cinéma noir autant que de romans noirs, adaptera aussi bien David Goodis dans « Tirez sur le pianiste » que William Irish dans « La mariée était en noir », ou Charles Williams dans « Vivement dimanche ». Autrement dit trois grands du genre. Continuer la lecture

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Ballons, dirigeables et vélos, Colette en selle

Colette préférait ne pas s’embarquer sans biscuits. Ce qui fait qu’en ce mois de septembre 1912, juste avant la fin de l’été, elle nota que les flancs de la nacelle qui l’emmenait vers le ciel contenaient suffisamment de vins, de sandwiches et de chocolat, afin d’agrémenter le pique-nique final. Celle dont l’œuvre est tombée dans le domaine public cette année, était réputée pour avoir les pieds sur terre. Mais ce voyage en ballon, du moins tel qu’elle le raconta dans les colonnes du Matin, avait tout l’air d’un enchantement, avec ce que cela pouvait comporter de chatouilles à l’estomac. Tandis que le ballon atteignait les 1500 mètres au-dessus de Paris, elle apprécia de respirer « un air pur et sec, à goût de neige », éveillant « l’envie de manger et de boire ». En l’occurrence, un mousseux dont on ne nous dit pas s’il s’agissait d’un crémant de Loire ou d’un champagne. Entouré de passagers gaiement irresponsables, le pilote souriait « avec mansuétude, comme un terre-neuve patient que harcèlent des petits chiens joueurs ». Du pur Colette dont on se délecte de la prose inspirée, dans cet ensemble de textes réunis chez Flammarion en 1970, sous le titre « Conte des mille et un matins ». Continuer la lecture

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S’en battre les empans

Il est toujours amusant de remonter le fil invisible des événements entre eux, fussent-ils anecdotiques. Par exemple à partir de ce 13 avril 1962, lorsque les onze heures sonnèrent à l’église de Saint-Germains-des-Prés. Un peu plus haut sur le boulevard du même nom, était inaugurée une plaque rappelant qu’au faîte du 202, « vécut et mourut » le poète Guillaume Apollinaire. La cérémonie fut « simple et pleine de chaleur », comme la décrivit un an plus tard la revue Apollinaire. La plaque avait été offerte par Gaston Gallimard (qui lui devait bien ça) et, parmi les personnes présentes chargées d’une allocution, on comptait l’ami du poète André Billy (1882-1971), ou encore Pierre Reverdy directeur de la revue Nord-Sud, lequel avait déjà eu l’occasion de grimper les escaliers du 202. Et il y avait aussi le sieur Gaëtan Picon (1915-1976) présenté comme le directeur général des arts et des lettres et dont on remarqua le discours puisqu’il résuma « dans une fulgurante synthèse l’originalité du poète et l’importance de son œuvre ». C’est avec lui qu’apparaît un fil presque invisible. Et dont l’importance est si ténue, qu’on voudra bien nous en excuser. Continuer la lecture

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Gustave Flaubert, humoriste

« Bouvard et Pécuchet », le roman de Gustave Flaubert, représente une sorte d’apothéose dans son œuvre. Tout commence par la rencontre fortuite de deux badauds, sur un banc public. Ils se découvrent un même métier, copiste, des points communs, des intérêts partagés. Leur relation s’approfondit, tant et si bien qu’à la faveur d’un héritage, ils s’installent dans le Calvados. Ils entreprennent, ce sera leur idée fixe, d’explorer les connaissances du moment, de l’agriculture à la métaphysique, en passant par les arts, la médecine, la physique, la pédagogie… Armés d’un bon vouloir et d’ouvrages de vulgarisation, ils vont aller de déboires en échecs, s’attirant, par surcroît, les quolibets de la population locale. Juste Pécuchet et François Bouvard sont-ils de parfaits imbéciles ou de malchanceux autodidactes? La question ne sera jamais résolue. Flaubert décède le 8 mai 1880, n’ayant rédigé que neuf chapitres composant le premier tome de leurs aventures. La suite reste à l’état de notes et de plans sommaires, collectés par sa nièce Caroline. Continuer la lecture

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