Une demande en mariage particulière

L’espace d’une soirée au théâtre, nous voici transportés au fin fond de la Russie profonde en 1888. Nous sommes dans la datcha de Tchouboukov Stepan Stepanovitch le jour où Lomov, le voisin, vient demander la main de sa fille Natalia Stepanovna. Celui ci a mis les formes et s’est endimanché -habit et gants blancs- pour l’occasion, mais il n’y a là rien de romantique dans cette démarche « je ne peux pas ne pas me marier… D’abord, j’ai déjà trente-cinq ans – un âge, comme on dit, critique. Ensuite, il me faut une vie tranquille et réglée… J’ai un souffle au cœur, des palpitations permanentes, je suis impulsif et tout le temps affreusement émotif… En ce moment, là, j’ai les lèvres qui tremblent et, à la paupière de droite, un petit tic qui me tiraille… mais le plus affreux de tout chez moi, c’est le sommeil. À peine au lit, à l’instant de m’endormir, d’un coup, dans le flanc gauche, vlan, ça me tire et ça remonte droit dans l’épaule et dans la tête… je saute du lit comme un fou, je fais deux trois pas, je me recouche, et, à peine au bord de m’endormir – vlan, dans le côté, c’est reparti. Et comme ça, vingt fois de suite… ». Tout ceci n’est pas très engageant. Continuer la lecture

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On s’active aux Serres d’Auteuil

Tandis que les spécialistes du monde entier ne cessent de s’époumoner sur le danger que court la planète, flore et faune comprises, c’est le branle bas de combat aux Serres d’Auteuil, où se prépare un grandissime événement : on va inaugurer cette année, lors du tournoi, le nouveau stade de 5000 places qui se dresse de toute sa masse de verre, de fer et d’aluminium à deux pas de Roland-Garros.
Comme privatisation de l’espace public au profit du privé, on ne peut rêver mieux : l’avenue Gordon Bennett, située entre les deux sites, est envahie depuis lundi dernier par des camions, pelleteuses et engins divers qui creusent et bétonnent à tout va, et dès qu’on s’approche de l’entrée habituelle du jardin, au numéro 1 de l’avenue, on tombe sur un panneau de la mairie de Paris : cette entrée du jardin botanique, la plus empruntée, est condamnée, comme l’avenue elle-même, du 6 mai au 21 juin prochains, pratiquement deux mois, tout simplement ! A comparer avec les dates du tournoi fixées du 26 mai au 9 juin. Continuer la lecture

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Les Damnés de Ivo van Hove, ou comment en revenir ?

Une famille digne des Atrides de l’Antiquité : les industriels Von Essenbeck se déchirent et s’autodétruisent pendant que les nazis prennent le pouvoir en 1933. L’intrication de l’histoire singulière d’une famille et de notre Histoire européenne sur la scène de Ivo van Hove est extrêmement saisissante et dérangeante. De ce nouveau cercle des enfers, on ressort chamboulé, hérissé de questions mais persuadé d’avoir contemplé un grand spectacle. La pièce avait créé le choc à Avignon en 2016, puis de nouveau à la Comédie française en septembre 2016. Sa reprise ces jours-ci court jusqu’à juin, de quoi se rattraper pour ceux qui auraient manqué ce spectacle-monstre. Continuer la lecture

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Escapade flamande

Fin avril, l’apparition des beaux jours suscite chez le Parisien qui a fait son plein de grisaille hivernale une subite envie de bord de mer, de bouffée d’air frais. Une échappée, aussi courte soit-elle, serait la bienvenue. Deauville, Honfleur ou Trouville semblent soudain des destinations bien tentantes … si ce n’était la crainte d’y trouver les promenades et les terrasses bondées de tous ces Parisiens partageant justement ce même désir de nature et de dépaysement. Sans parler du retour sur Paris en voiture garant d’inévitables bouchons et de gaz d’échappement respirés jusqu’à plus soif… Pousser plus vers le nord serait sans doute un meilleur gage de tranquillité. A trois petites heures de Paris, la mer du Nord nous tend les bras… L’idée d’une escapade flamande devient alors on ne peut plus séduisante. Continuer la lecture

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Un printemps très chambriste

Le 2 avril dernier, au Théâtre des Champs-Elysées, deux grands chambristes français venaient défendre leur dernier CD, mais bizarrement, dans le programme, aucune mention de cette sortie. Bref notre plus célèbre violoniste, Renaud Capuçon, et son cadet de cinq ans, David Fray, un de nos meilleurs pianistes, présentaient la crème de la crème de la musique de chambre, des sonates pour violon et piano de Bach.
Nous avons entendu ce soir là de la musique de chambre dans toute sa pureté « alla Bach », dans laquelle on distingue nettement, à la fois dans les quatre mouvements successifs des sonates -lent, vif, lent, vif-, et dans le style général, la nette influence des maîtres italiens, tels Corelli, Frescobaldi ou Vivaldi, découverts par Bach à la Cour de Weimar (1708-1717). Le virtuose de l’orgue des brumes du Nord découvrait alors, grâce à eux, le soleil, du Sud, et devait le retranscrire dans ces sonates composées dans les années 1720. Continuer la lecture

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Poule de luxe

D’une petite princesse logée dans un œuf, Tristan Félix en a fait un livre. Le journal de bord d’une gamine, la narration de ses hallucinations, la description d’un monde qui n’existe pas. L’officiel a besoin de tangible. La poésie s’en moque. Ce n’est pas le premier opus de Tristan Félix (1). Et comme d’habitude elle nous entraîne dans son univers dérangé avec un personnage qui, dans son œuf ou en-dehors, ne s’épanouit qu’à travers les songes, « d’histoires à dormir debout et à rêver couché« . Ovaine est une chimère et l’auteur de sa « saga » lui prête vie. Comme les aliments sans gluten, le journal d’Ovaine est dépourvu de toute crédibilité qui en rendrait la lecture indigeste. Le lecteur qui s’engage marche sur des œufs. Continuer la lecture

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Le panier de truffes tant attendu

De l’extérieur on dirait un caillou avec des reflets bleutés. Une fois la chose épluchée, l’aspect est celui d’une pomme. Mais c’est un champignon parasite que l’on ne trouve que dans les sables du désert, en Irak, en Syrie ou plus globalement sur le pourtour méditerranéen. C’est la truffe des sables, autrement appelée truffe du désert, presque introuvable en Europe.
Il a fallu être patient, très patient. Au bout de trois ans elle est arrivée en France après un long cheminement. De coups de fil en messages télégraphiques modernes, via une filière syrienne, une adresse a été donnée quelque part à Beyrouth. Les 6 truffes ont finalement pris l’avion, avant d’atterrir sur la piste d’une cuisine parisienne. Continuer la lecture

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Ni héros ni salauds

L’historien franco israélien Lucien Lazare vient de publier « Ni héros ni salauds- La population a-t-elle protégé les Juifs en France occupée ? ». Une préoccupation qui tient depuis longtemps au cœur de cet historien de quatre-vingt-quinze ans (ancien résistant membre des Éclaireurs israélites de France et du réseau de Résistance « Sixième » de 1942 à 1944, combattant de la Compagnie Marc Haguenau des Maquis de Vabre dans le Tarn). Ce très cher ami de longue date, au demeurant le plus modeste homme du monde, a fait son aliya à Jérusalem depuis Strasbourg, avec sa femme Janine et leurs enfants, en mai 1968 (précisément l’année suivant la déclaration du général de Gaulle condamnant la guerre des six jours et parlant des Juifs «peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur »). Continuer la lecture

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Jean-Paul Sartre, Brigitte Bardot et… Apollinaire à huis-clos

Marcel Proust est le seul de la pièce à ne pas avoir le regard dans le vide. Son regard est braqué sur Guillaume Apollinaire. Le premier, en civil,  est debout. Le second, habillé en militaire, est assis dans un  wagon de troisième classe. Puisque cette scène est censée se situer durant la première guerre mondiale, Proust a déjà publié « Du côté de chez Swann » et Apollinaire de 9 ans son cadet, a derrière lui son recueil « Alcools ». Pourtant il y a quelque chose d’artificiel dans cette situation qui confronte deux personnalités majeures. Et pour cause, elle se situe à Grévin. Apollinaire a fait son entrée dans ce musée au mois de février, afin d’illustrer un morceau de l’histoire de France qui débute à Vercingétorix, jusqu’à l’occupant actuel du palais de l’Élysée. Continuer la lecture

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Entracte

Il est poli, lorsque l’on s’absente, de laisser un petit mot. Tel un concierge qui s’en va vaquer dans l’escalier B. C’est l’objectif du jour car Les Soirées de Paris font une pause pour les vacances de Pâques. Les parutions reprendront le 2 mai. Comment peut-on agrémenter le temps libre d’ici-là. Eh bien voici une suggestion. Si l’on regarde comment ont été conçues les dernières œuvres de Piet Mondrian, on s’amusera à constater qu’elles sont facilement reproductibles sur un tableur en utilisant les outils normalement dévolus à l’élaboration de savants graphiques ou calculs. L’image ci-contre, presque conforme à une des ultimes projections du peintre néerlandais, a été conçue par ce moyen. Mondrian n’utilisant plus sur la fin de sa vie que des couleurs primaires, il n’y a qu’à plus piocher dans la palette graphique et le tour est joué. Pour moins que ça on se prendrait pour un génie. Attention. Continuer la lecture

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