Le moyeu de la Sainte Ampoule

À son ami Fernand qui venait de soupirer qu’avec la domination de l’électronique le plaisir de oindre un pignon de vélo se raréfiait, il lui répliqua que de son côté mais dans un autre genre, c’était pareil: « Je n’obombre plus qu’à l’occasion et quand je le fais remarquer à ma femme, ça l’énerve, elle pense que je lui cache quelque chose ». Derrière son zinc, le patron qui en avait entendu bien d’autres, se contentait d’essuyer avec application un verre à bière pourtant sec de la veille. À l’autre bout du comptoir, sous sa casquette à pompon, un octogénaire trempait ses moustaches grises à la surface d’un ballon de blanc limé. Continuer la lecture

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Le bâtiment Morland transformé en robot-mixeur

La jolie tour Morland qui ne bouchait pas la vue est creuse. L’ancienne préfecture de police s’est vidée de sa substance humaine. Les parkings sont désertés. Ce petit coin tranquille du 4e arrondissement s’apprête à vivre l’épopée de la réinvention. Le programme s’annonce complet. Le projet confié à David Chipperfield Architects comprend à peu près tout ce qui fait l’esprit du temps, une auberge de jeunesse, un hôtel, des bureaux, des commerces, un laboratoire artistique et évidemment des espaces d’agriculture urbaines, sans lesquels semble-t-il aucune proposition ne saurait être retenue. Continuer la lecture

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Apollinaire expert dans « La Grâce et le maintien français »

« On ne juge bien du mérite de ses semblables que sur les apparences, souvent fort trompeuses, il faut bien le reconnaître… Quiconque veut occuper une situation doit s’assujettir aux exigences du code du savoir-vivre ». Tel est l’avertissement qu’un certain J. Molina da Silva adresse aux lecteurs de son livre publié en 1901  « La Grâce et le maintien français ». Aujourd’hui pratiquement introuvable (il a été longtemps absent des collections de la Bibliothèque Nationale), cet ouvrage de 130 pages dont l’auteur exerçait l’honorable profession de « professeur de danse et de maintien à l’Ecole spéciale militaire de St -Cyr » se veut un manuel de savoir vivre en bonne société qu’on relira un siècle plus tard avec un plaisir distancié. Continuer la lecture

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L’objet change de mains

Sur un buste féminin de céramique blanche, Jeanne Rimbert a déposé une coiffe évoquant fortement de la viande sortie du hachoir.  Son projet « Hurted » (blessée) est une interrogation violente sur la femme d’aujourd’hui laquelle serait encore prisonnière d’un patriarcat plurimillénaire. Sa déclinaison sanguinolente, bras tranchés, aux antipodes d’une couverture de Vogue, se donne à voir dans le cadre d’une exposition organisée par « Mémoire de l’avenir » du côté de Belleville. Continuer la lecture

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Phantom Thread ou le fil fantôme

Je ne pense pas avoir jamais vu au cinéma une telle scène de coup de foudre entre les deux principaux protagonistes, à la fois totalement incroyable et totalement convaincante, typique de l’ambiguïté dans laquelle le cinéaste plonge ses personnages – et les spectateurs – tout au long du film « Phantom Thread ». Nous sommes dans un restaurant de la campagne anglaise, où s’arrête le grand couturier londonien des années 50, Reynolds Woodcock (jeu de mots pour les initiés !), avant de rejoindre sa propriété pour prendre quelques jours de repos.
Auparavant, au cours de leur petit déjeuner rituel, nous avons vu sa grande sœur Cyril (qu’il appelle mi affectueusement, mi ironiquement, « my old so and so », « ma vieille machine »), lui recommander de s’accorder ce break. Continuer la lecture

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En compagnie de Victor Hugo et de Jacques Ibanès

En 1839, Victor Hugo se promène dans le sud de la France avec sa compagne Juliette Drouet. Ils ont la chance de faire du tourisme, un mot encore très rare dans un pays où le labeur rural est toujours dominant. Au mois d’octobre ils passent en diligence devant la montagne Sainte-Victoire sans que cela ne les émeuve particulièrement. Cézanne n’a pas encore peint des dizaines de fois son sujet préféré. C’est en partant de cette information en creux que l’écrivain Jacques Ibanès vient de publier « Victor Hugo n’a pas vu la Sainte-Victoire ». Continuer la lecture

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« Le Marchand de Venise » jusqu’à la substantifique moelle

“Le Marchand de Venise” interprété par trois comédiens et une comédienne, et annoncé pour une durée d’une heure et quinze minutes, cela a de quoi intriguer, susciter notre curiosité, pour ne pas dire notre scepticisme. Comment les cinq actes de cette pièce – par ailleurs, curieusement classée parmi les comédies de l’illustre William Shakespeare, nous y reviendrons –, mettant en scène une vingtaine de personnages, peuvent-ils être réduits à un spectacle aussi condensé ? C’est pourtant le défi que s’est lancé le metteur en scène et adaptateur Ned Grujic. Il s’en sort plutôt bien. Le spectacle se joue actuellement à Paris sur une des petites scènes du Lucernaire. Continuer la lecture

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« L’inconnu me dévore » : un Grall à portée de la main

Xavier Grall, nom inconnu pour moi mais qui sonnait comme une promesse. Découvert à la maison de la poésie il y a quelques jours, grâce à une lecture de Jacques Gamblin et une présentation de Pierre Adrian, il me reste une impérieuse nécessité d’en parler, car Grall est de ces poètes qu’on se refile d’une bibliothèque à une autre, de la bouche à l’oreille. La belle réédition de son texte : « L’inconnu me dévore », par les éditions des Équateurs, est l’occasion de sortir ce poète breton d’un oubli peu mérité. Continuer la lecture

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Inoxydable camembert

Les statisticiens en ont fait un diagramme circulaire. Une infographie qui permet par exemple d’exprimer en volume, différentes représentations d’un même secteur. Si l’on rapporte ce même procédé au camembert lui-même, on relèvera que le camembert de Normandie, le vrai, moulé à la louche et au lait cru,  ne représente que 4,5% du total. Il s’en vend 860 par minute selon un comptage effectué un après-midi par le site Planetoscope (1). Admettons qu’il faille 20 minutes à un amateur moyen pour en absorber un, cela fait 17000 unités qui passent à chaque séquence, du garde-manger au fond de l’estomac. Dérisoire autant que passionnant calcul avouons-le. Continuer la lecture

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Loupot à l’heure de l’apéritif

Il est bien rare qu’un détaillant Nicolas vous aiguille sur une exposition artistique. Et pourtant ces vieux négociants en vins ont une bonne raison pour cela. L’affichiste Charles Loupot (1892-1962) est actuellement exposé à la bien jolie bibliothèque Forney dans le Marais. Il est à l’origine (ci-contre), en 1927, d’une remarquable publicité pour le célèbre caviste. La dose d’abstraction, la géométrie savante et enfin l’utilisation qu’il fait des couleurs dans les premières maquettes, hissent cet artiste au niveau des plus grands. Continuer la lecture

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