Le musée Guimet veut nous en mettre plein la vue en cette année 2024, nous verrons pourquoi. La façade extérieure droite est recouverte de voile de tulle rouge chinois, sur lequel se détache d’étranges créatures abritées dans des niches. À cette distance, on a du mal à distinguer ce curieux bestiaire, sorti, avec l’aide de l’intelligence artificielle bien entendu, de l’imagination de Jiang Qiong Er, plasticienne et designer originaire de Shanghai. Plus bas, le long de la grille, les douze créatures fantastiques inspirées de légendes chinoises sont reproduites sur des panneaux en couleur, ce qui leur va mieux que cette teinte uniforme tout là-haut dans leur niche. On retrouvera ces « Gardiens du Temps » à l’intérieur, exposés dans la superbe rotonde de la bibliothèque du premier étage, ayant revêtu cette fois l’allure de petites statues en bronze. Oreilles gigantesques, queues en plumeau ou en traîne, joyeux dragon à volutes, ce bestiaire fantastique a quelque chose de comique. On ne voit pas très bien en quoi il s’inscrit dans cette année du dragon qui est celle du soixantième anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine. Souvenez-vous: de Gaulle reconnaîtra l’existence de la Chine en 1964 (« Elle existe de plus en plus », aurait-il dit), et pour cette année de célébration, le président chinois nous a honoré de sa visite d’État au mois de mai dernier. Continuer la lecture
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En matière de pacifisme, Houlagou Kahn, le petit-fils de Gengis Kahn, avait pour le moins une réputation à parfaire. Mongol à l’esprit destructeur, opérant du côté de l’Irak, il mit à sac Bagdad. Durant quarante jours, il brûla les palais, les collèges et les bibliothèques, égorgea les enfants et les hommes, réserva les captives pour ses troupes. Afin de faire bonne mesure, il exécuta le calife et ses deux fils. Ceci se passa l’année même où le poète Saadi acheva la rédaction du « Gulistan » (jardin des roses) fameux recueil de poèmes et d’anecdotes, comme écrites au son d’un luth. Après Omar Khayyâm et Hâfez, les éditions Seghers publient dès aujourd’hui le troisième volet des poètes persans, traduits et introduits par Pierre Seghers. Le tout dans cette édition carrée si joliment maquettée, se reconnaissant au premier coup d’œil. Nous sommes au pays des livres et plus que jamais, il convient de défendre cette position, des signes d’appartenance, en un temps où tout se défait précisément comme une ceinture de roses.
Le 9 novembre 1989, à 18 heures, le camarade Günter Schabowski, secrétaire du Comité central du SED (Parti Socialiste Unifié d’Allemagne), commençait une conférence de presse. À l’ordre du jour, de nouvelles mesures suspendant les conditions très restrictives de voyage à l’étranger des citoyens de la République Démocratique. L’ouverture des frontières entre la Hongrie et l’Autriche, six mois plus tôt, la pression populaire est-allemande, rendaient intenable le verrouillage en vigueur. À 18h57, un journaliste italien, Ricardo Ehrman, risque la question sur la mise en pratique de ces dispositions. Pris au dépourvu, l’orateur s’empêtre dans ses notes, et laisse échapper: « pour autant que je sache, immédiatement!» Réponse retransmise en direct à la télévision et la radio d’État. Très rapidement, des centaines de Berlinois de l’Est se pressent au poste de contrôle de Bornholmer Strasse. À 23h30, ils sont plusieurs milliers. En l’absence de consignes, Harald Jäger, l’officier commandant les gardes-frontières hésite à faire tirer, mais comprend vite que lui et ses hommes seront, dans ce cas, écharpés sur place par la foule. Il donne l’ordre de lever les barrières.
Autant dire que le Bauhaus a eu une vie mouvementée. Ce qui ne l’a pas empêché de devenir l’un des mouvements artistiques qui a le plus marqué le XXe siècle et qui « façonne » toujours notre monde aujourd’hui. L’école du Bauhaus a été fondée à Weimar (Thuringe) en 1919 par un architecte visionnaire de génie, Walter Gropius. Jugée trop libérale par la ville de Weimar, l’école s’est installée à Dessau (Saxe-Anhalt) en 1926 dans un bâtiment iconique du mouvement. Elle a été fermée par les nazis en 1932 à cause de ses idéaux prétendument bolchéviques. Bombardé pendant la guerre, puis boudé par la RDA, le bâtiment du Bauhaus, in fine restauré en 1976, est ouvert au public. Une occasion unique de bien s’imprégner de ce courant révolutionnaire. Dont acte. « Bauhaus » dans un quartier périphérique de Dessau, les lettres se détachent sur un bâtiment moderne qui semble banal aujourd’hui.
Presque partout c’était la même chose. Sauf réception entre bourgeois, la consommation d’opium se faisait dans des pièces, caves et soupentes, où le décor n’avait pas d’intérêt. Il fallait juste la place suffisante pour s’allonger et tirer sur le bambou. Dans une ambiance forcément calme puisque le voyage était intérieur. Nul besoin d’un rideau protecteur pour fantasmer, le rêve s’épanouissait quelque part dans une antichambre du cerveau. Les éditions L’Échappée ont eu cette excellente idée de mettre en librairie dès demain 5 novembre, les écrits d’un journaliste ayant décidé d’un reportage en profondeur dans les fumeries parisiennes, avant que l’interdiction de 1916 n’y mette officiellement le holà. Il se faisait appeler Delphi Fabrice, il était né en 1877 et vivait de sa plume, surtout la nuit. La comédienne Polaire racontait qu’il débarquait chez elle le matin, « mal réveillé d’entêtants sommeils d’éther, le cou protégé d’un cache-nez blanc qui dissimulait son linge encore nocturne, les doigts bagués sans discrétion ». On imagine un peu ces oiseaux de nuit au teint grisâtre comme la presse en a toujours connu. Il avait du pain à découper sur la planche et de la résine à brûler dans le fourneau, car la capitale française comptait apparemment 300 officines spécifiques.
Nous sommes un peu sans nouvelles de la vente qui devait avoir lieu le 22 octobre à Drouot et que nous avions annoncée le 16. Beaucoup de pièces autographes liées à Guillaume Apollinaire, certaines inédites, du brouillon d’écrivain à de nombreuses lettres de Picasso, le tout était attendu par les collectionneurs, curieux et amateurs (1). Mais le site de la maison Magnin Wedry affiche désormais ce message à la fois clair et hermétique: « Guillaume Apollinaire et ses amis », vente reportée à une date ultérieure (remarquable pléonasme au passage). Pas moyen de savoir de quoi il retourne, l’affaire semble être classée secret-défense. Ce qui ne nous empêchera pas chers lecteurs, d’observer une brève pause éditoriale en cette semaine de Toussaint. Et de vous retrouver avec joie dès le lundi 4 novembre. PHB
Le film ne dure que 38 secondes. C’est peu. Et c’est suffisant pour que l’on éprouve une réelle émotion en reconnaissant le visage de Jacqueline Apollinaire, coiffée d’un sobre chapeau noir et tenant un bouquet de fleurs à la main. À ses côtés, le compositeur Francis Poulenc qui vouait une totale admiration au poète. On aperçoit le visage caractéristique de l’écrivain André Salmon, l’ami de toujours, et aussi celui du peintre russe Serge Férat, autre ami intime, par ailleurs auteur du monument funéraire. Nous sommes le 9 novembre 1945, date anniversaire de la mort d’Apollinaire. Comme ils le font chaque année depuis 1919, ses amis et admirateurs viennent se recueillir devant sa tombe, au cimetière parisien du Père-Lachaise.
Rassembler des contenants faits de terre crue, copies de récipients réels après moulage, en remplir certains d’eau et laisser la gravité agir. Moyennant quoi l’œuvre va se métamorphoser au fur et à mesure que le temps passe et nul ne sait, en milieu de parcours, à quoi elle ressemblera exactement lors du baisser de rideau. Le travail ci-contre est signé Julia Gault, une artiste ayant fait le choix inverse de la plupart des acteurs du monde de l’art. Réalisée en 2018 et titrée « Où le désert rencontrera la pluie », l’installation n’a en effet pas vocation à être stabilisée ou figée. Relativement marginale, la démarche soulève quantité de questions intéressantes. De l’art pariétal à Picasso en passant par Léonard de Vinci, l’idée a toujours été que ça « tienne », ce que les hommes des cavernes faisaient déjà très bien. Et de nos jours, le métier de conservateur se fonde sur l’immobilisation, l’arrêt de la dégradation. D’un côté très fréquenté, il s’agit d’abord de créer pour la postérité. La Joconde par exemple, étant peu ou prou ce qu’elle était dès l’origine. De l’autre, sur les chemins de traverse, il s’agit surtout de contrôler l’œuvre du temps, en la guidant.
Tout le monde ne sait pas que la nuit tombée, lorsque les grilles du jardin du Luxembourg sont fermées, il se produit des événements louches. Sauf la comtesse de Ségur (1799-1874) qui ne se dépare jamais d’une rigidité décourageante, certains personnages statufiés descendent de leur socle afin de se dégourdir les jambes. Un petit garçon en 1964, qui s’était aventuré dans le parc, avait raconté le phénomène à sa mère et il se souvient encore qu’il s’en était pris une, car à l’époque, c’était ainsi que l’on scellait le débat, étant entendu que le verbe clore n’a pas d’imparfait. Parmi ceux qui profitent des allées désertes, on peut reconnaître Pierre Mendès France (ci-dessus), toujours vêtu de son imperméable, ce qui lui permet de ne pas être trop transparent comme il sied aux fantômes sachant se tenir. Tout en déambulant il parle à voix haute. Il se souvient qu’au début de 1955, son séjour à la tête du gouvernement semblait compromis malgré une popularité encore bonne à plus de 55% d’opinions favorables. Toute ressemblance avec l’actualité n’est pas fortuite. Bien qu’il soit considéré à gauche comme une personnalité morale, les socialistes l’avaient laissé tomber comme une chaussette trouée et presque tout ce que l’Assemblée comportait de démocrates aussi.
Fasciné par les grands mythes, le comédien, metteur en scène et auteur Simon Abkarian reprend “Ménélas Rebétiko Rapsodie” et “Hélène après la chute” avant la création en janvier de “Nos âmes se reconnaîtront-elles ?”, dernier opus de cette Odyssée en Asie mineure. Invoquant deux figures majeures de la mythologie grecque, il revient sur l’histoire d’amour d’Hélène et de Ménélas, la plus belle femme du monde et le mari délaissé. Car, selon la légende, après avoir déclenché la guerre de Troie, qui dura dix ans et causa d’innombrables morts, Hélène et Ménélas vécurent heureux pour l’éternité dans les Champs Élyséens. Dans sa vision du mythe, Abkarian s’attache à comprendre les sentiments des deux époux et “redonne de la grandeur et de l’ampleur à ces personnages mythiques dont les antiques et humaines aspirations ne sont pas étrangères aux nôtres”. Deux spectacles d’une grande beauté où, mêlé à la musique et au chant, le texte puissant d’Abkarian nous renvoie avec maestria aux grands récits fondateurs de notre civilisation.