Merveilles d’Ouzbékistan

L’exposition qui se tient actuellement à l’Institut du monde arabe, “Sur les routes de Samarcande. Merveilles de soie et d’or”, nous offre à voir des trésors qui n’avaient à ce jour jamais quitté l’Ouzbékistan. Nous voilà ainsi plongés dans le faste et l’éclat des cours des plus grands émirs du XIXème et du XXème siècles ! C’est une véritable caverne d’Ali Baba qui s’ouvre à nous : caftans d’or, de soie et de velours aux superbes coloris, apparat équestre d’une richesse exceptionnelle, vestiaire féminin aux couleurs chatoyantes, suzanis (1) et tapis de toute beauté, bijoux somptueux… Un véritable enchantement !
Situé aux confins de l’Europe et de l’Asie, au carrefour de plusieurs civilisations, l’Ouzbékistan, dont les villes légendaires ont pour noms Samarcande, Boukhara ou encore Khiva, hérite d’une histoire et d’une culture millénaires. Continuer la lecture

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Super woman

On lui prêtait la capacité d’adoucir le cœur des pécheurs, de vaincre le démon, la chair, la mort et quelques autres pouvoirs discrétionnaires. Du moins c’est ce qu’affirmait entre autres prédicateurs et chroniqueurs, le poète médiéval Hélinand de Froidmont, à propos de la Vierge Marie. Il imaginait la grossesse miraculeuse comme une « infusion de grâce » et certifiait qu’aucun péché n’avait pu entrer dans le « jardin clos, la fontaine scellée du corps et de l’âme de Marie ». Dans son livre longuement documenté, Rachel Fulton Brown démontre en quoi les auteurs de liturgies au Moyen-Âge, s’étaient inspirés du Cantique des cantiques, « magnifique poème d’amour contenu dans le canon biblique ». Une affaire au long cours puisqu’il a fallu pas moins de huit ans à cette professeur de l’université de Chicago pour venir à bout de cette thèse et quatre au frère Jonathan de Marie Joseph, carme déchaux au couvent de Toulouse, pour traduire les quelque 700 pages (avec les annexes) en français. Publié aux éditions Honoré Champion, le travail abattu suscite le respect. Continuer la lecture

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L’Afghanistan rêvé

Encore deux semaines pour se précipiter au musée Guimet à l’exposition «Afghanistan, ombres et légendes». Dans le contexte actuel, les moments passés là apparaissent comme miraculeux. À grand renfort de photos de sites de fouilles grandioses, de présentation de statues et d’objets aussi bien néolithiques que bouddhistes, indouistes, hellénistiques, islamistes ou chinois, d’abondants panneaux retracent de mystérieuses découvertes dans des lieux aux noms qui font rêver. Nous voilà embarqués dans un voyage stupéfiant, découvrant une contrée immense, insaisissable, en complète contradiction avec ce que nous en connaissons aujourd’hui. Il s’agit de célébrer à Guimet le centenaire de «La Délégation archéologique française en Afghanistan» (DAFA) datant exactement de 1922. Et quel meilleur guide pourrions-nous prendre que Joseph Kessel, qui s’était lancé à l’aventure sur ces routes impraticables où seules cheminaient les caravanes, et avait franchi les cols et les vallées les plus impénétrables lors de son voyage en 1956 (« Le Jeu du roi, Afghanistan 1956 », Texto). Continuer la lecture

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La vieille dame qui parlait aux oiseaux

Sur la petite scène du Mouffetard, devenu depuis peu Centre national de la marionnette, se jouait en novembre dernier un fort joli spectacle : “Suzanne aux oiseaux”. En ce début d’année, voici qu’après les dates parisiennes, celui-ci entame sa tournée. Adaptation fort sensible de l’album jeunesse éponyme de Marie Tibi et Célina Guiné (Éditions le Grand jardin, 2017), ce spectacle de marionnettes tout en poésie et délicatesse s’adresse en réalité autant aux grands qu’aux petits. Et si la lecture de l’album nous laissait la gorge nouée, sa version scénique, très réussie, est tout aussi poignante avec, en prime, une belle dose de fantaisie et d’humour. Drôlerie et nostalgie y font fort bon ménage. Créé et interprété par la comédienne et marionnettiste franco-britannique Emma Lloyd qui anime deux marionnettes portées à taille humaine, “Suzanne aux oiseaux” nous parle, entre autres choses essentielles, de la solitude, du temps qui passe, mais aussi et avant tout de l’amitié, de la force du souvenir et des sentiments qui perdurent par-delà la mort. Un spectacle d’une belle humanité. Continuer la lecture

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Ponts aériens

Il y a ceux qui s’acharnent à détruire les ponts, ceux qui s’épanouissent à les construire et, le cas échéant, ceux qui s’appliquent à les reconstruire. Cela fait un peu plus de deux siècles que le Pont Napoléon à Lille, fait à la fois de l’ombre et du charme à la Deûle, la rivière canalisée qui passe juste en dessous. Détruit deux fois par les Allemands lors des deux dernières guerres, ce rare édifice de pont couvert exclusivement voué au passage des piétons, est à nouveau en usage, avec ses deux sphinges gardant chacun des escaliers. C’est un beau pont dessiné à l’origine par un certain Benjamin Joseph Dewarlez et, à le regarder de près comme de loin, il ne fait pas que nous emmener d’une rive à l’autre: il réveille en nous toute une imagerie de nos souvenirs liés aux ponts. On ne les croyait pas si nombreux, s’enchaînant les uns aux autres comme une file sans fin de tabliers, de cintres et de câbles. En partant incidemment de celui traversant le Tibre à Rome lequel est à l’origine du mot latin pontifex (faiseur de ponts) et donc lié par héritage à la désignation du souverain pontife. Continuer la lecture

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Adultère à mots couverts

Le 1er janvier, la direction du Théâtre du Rond-Point passait aux mains de Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel, précédemment à la tête du Monfort. Jean-Michel Ribes quittait les fonctions qu’il occupait depuis 2001. C’est néanmoins sa programmation qui court jusqu’en juin. Rien d’étonnant donc d’y retrouver la délicieuse Isabelle Carré, une fidèle des lieux depuis 20 ans, dans “La Campagne” (“The Country” 2000) de l’auteur britannique contemporain Martin Crimp (né en 1956), un “thriller domestique” selon l’expression de son metteur en scène Sylvain Maurice. Pièce à trois personnages, un homme et deux femmes, “La Campagne” n’est pas sans rappeler l’univers d’un autre dramaturge anglais, Harold Pinter (1930-2008) et notamment sa pièce “Old Times” (“C’était hier”, 1970). Milieu bourgeois, adultère, mensonges, non-dits, rapports de force et de domination, enchevêtrement du vrai et du faux, allusions, sous-texte… nous voici en terrain pour le moins “pinteresque”. Crimp égale Pinter dans la noirceur. Sa vision du couple est des plus sombres : un jeu de dupes où le rapport à l’autre s’avère inquiétant, menaçant, et renforce un sentiment latent de solitude et de violence. Brillant et glaçant ! Continuer la lecture

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Rebelles

Plutôt spécialisé dans la photographie de nus, Bruno Braquehais décide, au moment des événements de la Commune entre le mois de mars et le mois de mai 1871, de changer de pignon pour le reportage. Il a alors près de cinquante ans. Sourd et muet de naissance il n’a donc pas pu entendre le choc de la colonne Vendôme s’écraser sur le sol pas plus que les cris et commentaires suscités par la mise à bas du « Jean-Foutre » (Napoléon). Il y a un peu plus de cinquante ans, la photographie instantanée n’existait pas et, ce qui nous est donné à voir en ce moment même au Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis,  montre la statue avant et après, notamment avec un groupe de fédérés. Parmi ces derniers figurait le peintre Courbet ce qui lui valut de gros ennuis plus tard une fois l’ordre rétabli. Quand le pouvoir en place ne tient pas compte de la pression qui monte, du manomètre social qui s’affole, cela finit par péter et c’est l’un des intérêts instructifs de cette exposition qui se terminera au mois de mars. Continuer la lecture

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Les bouchées doubles

Voilà comment l’affaire se raconte : pour tenter de faire concurrence au «puits d’amour», dessert dédié par son cuisinier, Vincent la Chapelle, à la marquise de Pompadour, maîtresse officielle du roi, la reine de France aurait demandé au sien, Nicolas Stohrer, la composition d’un mets salé, si possible aphrodisiaque. Elle espérait récupérer par cet artifice les faveurs de son époux. Ainsi serait née la bouchée à la reine. Cette belle histoire ne résiste pas à l’épreuve des faits. Remontons dans le temps, en 1721. Louis XV a 11 ans. Il est fiancé à Marie-Anne d’Espagne, née en 1718, qui est venue vivre à Versailles. Mais la santé du roi est des plus fragiles. Son entourage craint un malheur : sa mort sans descendance. La couronne reviendrait ainsi à la branche Orléans. Il faut donc trouver une solution : une princesse immédiatement fécondable. Parmi la centaine de candidates possibles, Marie Lesczcynska (ci-dessus), la fille de l’ex-roi de Pologne réfugié en Lorraine, emporte l’adhésion. Si elle a sept ans de plus que son futur, elle est physiquement passable et possède un bassin propre à la gésine. La petite infante d’Espagne est donc renvoyée chez ses parents. Continuer la lecture

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Yves Klein, la vie en bleu

L’International Klein Blue (IKB), ce bleu profond et lumineux qu’il a fait breveter, l’a rendu célèbre bien au-delà du cercle des amateurs d’art, faisant de lui l’un des artistes français les plus connus de la seconde moitié du XXe siècle. Mais Yves Klein (1928-1962), disparu prématurément à l’âge de 34 ans, n’est pas seulement l’artiste qui inventa une couleur. Son œuvre, élaborée en seulement huit ans, se révèle tout aussi spectaculaire que variée et audacieuse : Monochromes, Sculptures éponges, peintures dorées Monogolds, Anthropométries, Peintures de Feu… Dépassant la figuration et l’abstraction, les deux courants alors existant dans les années 50, elle préfigure les tendances les plus novatrices de l’art contemporain, telles que la performance, le happening, l’art conceptuel ou encore le body art. Médiatisée, destinée à toucher un large public, elle n’en est pas moins le fruit de réflexions intellectuelles et spirituelles. “Yves Klein intime”, l’exposition que consacre actuellement l’Hôtel de Caumont d’Aix-en-Provence à l’artiste niçois, en explorant son travail sous le prisme de sa dimension personnelle, permet ainsi de mieux comprendre la démarche artistique d’Yves Klein. Dans un parcours chronologique et thématique d’une belle limpidité, prolixe en explications, une soixantaine d’œuvres, emblématiques ou moins connues, nous plongent avec ravissement dans le processus créatif d’une des grandes figures de l’art. Continuer la lecture

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Des tanins mûrs mais très doux, enveloppés, pas fatigants

En automne, les feuilles tombaient des arbres… et s’épanouissaient les Foires aux vins. L’idée naquit à la Scarmor, centrale d’achat historique du mouvement Leclerc. Son président, François-Paul Bordais, et deux membres, l’un de Saint-Pol-de-Léon, l’autre de Vannes, réalisaient un coup commercial inédit. En octobre 1973, un camion se place à la porte de leur entreprise respective, pour proposer en solde des bouteilles à peu près convenables et quelques belles étiquettes à prix cassé. La plupart des négociants contactés pour l’opération leur avaient opposé un refus dédaigneux. Ils n’avaient pas envie de compromettre leur image de marque dans ce genre de démarche mercantile. Mais deux d’entre eux s’y étaient risqué, à leur grand bénéfice. Il s’avérait possible de démocratiser la consommation de vins de qualité. La clientèle répondait présent. Il fallut toutefois, dans les premières opérations, éviter que certains restaurateurs viennent acheter en masse, à des prix serrés que leurs fournisseurs ne pratiquaient pas.  Mais il y avait là un filon ne demandant qu’à être exploité. Dame, au moment des vendanges, il convient de faire du vide dans les chais, d’écouler les stocks encombrant les entrepôts. Continuer la lecture

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