Mise en boîte

Le collectionneur de boîtes de sardines se nomme un clupéidophile. Le terme peut conduire à la méprise. Ainsi Internet, par approximation, renvoie t-il accidentellement sur des adresses improbables ayant le même suffixe, porteuses d’embrouilles avec la police. L’emploi du synonyme puxisardinophile est, à cet égard, plus anodin. La boîte de sardines affiche plus de deux siècles d’existence. Elle est devenue, grâce à la mécanisation, un produit populaire et bon marché. En souvenir de sa période montmartroise ou elle représentait l’essentiel de ses menus, Picasso produira, en 1948, une céramique intitulée «Trois sardines». Une sorte d’ex-voto. Continuer la lecture

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Molenbeek, l’autre Bruxelles

Alors que la Grand-Place de Bruxelles s’assoupit dans la lumière de ses ors, le quartier de Molenbeek et ceux adjacents se réveillent, dopés par d’impressionnants projets de réhabilitation de friches industrielles. La transformation du colossal garage Citroën des années 1930 (ci-contre) en centre artistique Kanal-Pompidou et le projet Tour & Taxi de restauration de l’ancienne gare maritime devraient être à même de redorer le blason de Molenbeek, entaché par les attentats terroristes de 2015. Situé au nord-ouest de Bruxelles, à 15 minutes du centre-ville, Molenbeek a actuellement une population multiculturelle de 100.000 habitants qui est l’une des plus pauvres de Belgique. Continuer la lecture

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Denis et ses petites choses

Les livres de Denis Grozdanovitch, auteur français unique en son genre, sont comme des cailloux semés par le Petit Poucet pour enchanter notre vie qui en a tant besoin. Ce sont des conversations «à sauts et à gambades», selon l’expression de Montaigne, autour d’un thème, par exemple «Petit traité de désinvolture» (José Corti 2002), «L’Art difficile de ne presque rien faire» (Denoël 2009), ou «Le génie de la bêtise» (Grasset, 2017). Pour deviser de ses précédents ouvrages comme de son petit dernier, «La gloire des petites choses» (Grasset), comme on aimerait être assis avec lui au coin du feu de sa maison de Clamecy, en compagnie de sa femme Judith et de leurs deux chats… Il nous les a rendus familiers de livre en livre, puisque chaque anecdote, chaque idée, chaque considération, chaque citation, sont faites pour engager le dialogue avec le lecteur, et que D.G. aime bien nous livrer, à petites doses, quelques aperçus sur sa vie privée, tout à fait comme Montaigne, justement. Son érudition servie par un langage raffiné teinté d’humour nous touche bien souvent au cœur et à l’âme. Continuer la lecture

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Le saint qui déniche les petits trous

Ce bonheur-là n’a pas de nom. C’est celui qui accompagne la retrouvaille d’un objet perdu et ardemment recherché : trousseau de clés, carte de crédit, téléphone portable, papiers d’identité… bref l’un de ces objets que la vie en société a rendus indispensables et qui, pour une raison ou une autre avait insidieusement échappé à notre vigilance. Qui dira l’intensité de ce plaisir quasi miraculeux ? La sensation de délivrance est peut-être comparable à celle d’un apnéiste remontant à la surface. D’ailleurs, le retrouveur manifeste souvent son contentement par une longue respiration.  Il n’y a sans doute pas de recette magique pour éviter les disparitions intempestives, mais il y a des formules de rattrapage. Cela fait plusieurs siècles que les catholiques ont chargé l’un de leurs saints patrons de les aider dans cette difficile entreprise de reconquête. Aussi connu que Saint-Christophe pour les voyageurs, ou sainte Rita pour les causes désespérées, Saint Antoine de Padoue se situe dans le peloton de tête des saints les plus souvent invoqués. La tradition remonterait au XVIIe siècle, lorsqu’il fut établi qu’en son temps (vers 1220) le bon Antoine aurait retrouvé des documents précieux qu’on venait de lui dérober, dans une grotte près de Brive-la-Gaillarde, où il avait fondé un monastère. Continuer la lecture

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Un bout de conduite

Le parcours offre d’emblée une image de rêve aux petits garçons et surtout, sans doute, aux anciens petits garçons. Dans la mesure où il y a quelques décennies, la frontière était bien établie entre les poupées et les petites voitures. Jouer avec ces dernières était réservé aux garçons sauf à consumer le trouble plaisir de la transgression. La notion de plaisir est d’ailleurs tout juste mentionnée sur cette exposition temporaire organisée par le Musée des Arts et Métiers. Les moralistes du 21e siècle vouent en effet la bagnole aux gémonies et ils ne la tolèrent que dans la mesure où on peut les convaincre d’un emploi utile, si possible partagé. Les sorties à la campagne, au bord de la mer, à la montagne, seront peut-être un jour des actions clandestines même si les véhicules ne pollueront plus. L’évasion ne sera autorisée qu’en autocar avec un guide vocal chargé de faire la leçon aux passagers décarbonés de l’intérieur, sur les dangers de l’individualisme. Continuer la lecture

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L’énigme de la trompette marine

C’est la pièce la plus courte d’Alcools et sans doute de toute la poésie française. Sous le titre « Chantre », le poème ne possède qu’un seul vers, un alexandrin : « Et l’unique cordeau des trompettes marines ». L’ apparition soudaine de ce monostiche -puisqu’il faut l’appeler par son nom- après des poèmes d’une longueur “normale“, voire importante (300 vers pour La Chanson du Mal aimé) n’a pas manqué d’intriguer les lecteurs. Il constitue même une véritable aubaine pour les chercheurs, universitaires, critiques de tout poil, toujours soucieux d’apporter leurs contributions aux exégèses. Non seulement la brièveté du poème intrigue, mais le vers en lui-même reste mystérieux. Un professeur expérimenté parle de « bloc erratique » et de « vestige shakespearien » (B. Mirgain, dans un excellent blog) et encore d’un « vers-promontoire surgi de nulle part ». Mais la trompette (ci-contre) existe bel et bien. Continuer la lecture

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Un voyage des plus lunaires

Nous avons la chance, nous les Français, qu’un fils de chantre de synagogue allemand, un émigré nommé Jacob puis Jacques Offenbach, soit arrivé à 14 ans à Paris, ville où un musicien juif pouvait alors s’épanouir. Doué de génie musical et d’une oreille lui donnant un sens suraigu de la langue française, «le petit Mozart des Champs-Elysées» selon Rossini sut enchanter le public du Second Empire. Intraitable avec ses librettistes comme Meilhac et Halévy, il savait orchestrer et composer sur leurs paroles des airs à l’égal des plus grands. Nous avons vraiment de la chance, parce qu’après la défaite de Sedan, le génial Offenbach (1819-1880), traité volontiers de «Juif prussien», s’il dut s’exiler, daigna revenir les choses un peu calmées, pour se lancer dans les «opéras-fééries». Il composa d’abord un «Roi Carotte» de six heures, puis «Un voyage dans la lune» de la même durée, inspiré par Jules Verne qu’il oublia de prévenir. Le succès fut énorme, au point de considérer ces œuvres et d’autres comme des «blockbusters» oubliés. Il se joue en ce moment même à l’Opéra Comique. Continuer la lecture

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Parlez-vous le journaliste?

Arrivée à la croisée des chemins, ayant le vent en poupe et caracolant en tête des sondages, l’opposition ne connaît pas la crise. Soucieuse de faire entendre sa petite musique, elle en rajoute une couche en mettant les pieds dans le plat. Jouant désormais dans la cour des grands, elle invite le gouvernement, attendu au tournant, à revoir sa copie. Décidément, c’est un véritable bras de fer qui s’engage, dont l’issue paraît cependant incertaine, tant au royaume des aveugles les borgnes sont sourds. Car depuis que le projet est connu, l’inquiétude demeure, devant le test de la rue. Parallèlement, ironie de l’histoire, les syndicats, vent debout, dégagent en touche en renvoyant la balle dans le camp du ministre du travail, demeuré droit dans ses bottes. Puisque celui-ci fait la sourde oreille, ils n’entendent pas baisser les bras. Pas question de noyer le poisson en jetant le bébé avec l’eau du bain. Certes, ils affichent un front uni, mais pour combien de temps ? Continuer la lecture

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Deux grands reporters au pays des Soviets

Le recto trop austère cache bien son jeu. La quatrième de couverture (ci-contre) suscite au contraire l’envie d’en savoir plus, avec un lumineux tirage de Robert Capa et un résumé prometteur. Car à l’été 1947, l’écrivain John Steinbeck (1902-1968) et le photographe Robert Capa (1913-1954) décidaient d’aller visiter l’Union Soviétique malgré tous les ennuis qu’on leur avait promis. L’affaire s’était scellée dans un bar de New York, après moult cocktails. Si abondamment servis que Steinbeck précisait dès son premier chapitre que le barman était pour ainsi dire partie prenante du projet. C’est bien à deux cependant qu’ils s’envolèrent de Helsinki (Finlande) pour Moscou, munis de certaines autorisations. L’association de ces deux grands talents bien décidés à rapporter tout ce qu’ils verraient, a produit un livre captivant, pour la première fois traduit et publié dans son intégralité chez Gallimard. L’ouvrage est un genre de combo puisque l’œil de Steinbeck fait qu’il contient en outre, une sorte de reportage plein d’humour sur les us et coutumes de Robert Capa. Continuer la lecture

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Le grand retour de l’énigme

Mais qui est donc cet hurluberlu d’Américain qui s’obstine à ressusciter le film à énigme, que l’on croyait révolu depuis les années 1970 avec «Mort sur le Nil», «Le crime de l’Orient Express» ou encore «Le limier» de Mankiewicz? Et ce ne sont pas les récentes tentatives de Kenneth Branagh qui ont pu nous faire croire que le genre était revenu en grâce. Or un Californien nommé Rian Johnson, 45 ans, vient de faire mouche à deux reprises, avec «À couteaux tirés» et sa suite «Glass Onion». Après avoir tourné «Star Wars: les derniers Jedi», il a pris sa plume pour raconter, dans la pure tradition Agatha Christie, comment la famille d’un célèbre écrivain de polars se réunit dans son château pour célébrer son quatre-vingt-cinquième anniversaire, et comment on découvre le lendemain le cadavre de l’aïeul bienfaiteur et tyrannique. Grand succès au box-office, et il faut évoquer ce premier film à énigme, «À couteaux tirés», sorti en salle en novembre 2019, avant de passer au second «Glass Onion. Une histoire à couteaux tirés», qui vient de sortir sur Netflix sans passer par les salles en France, ce qui attriste Rian Johnson. Continuer la lecture

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