François Morel chante la Bretagne et les marins

Après l’avoir joué en mai, à Paris, au Théâtre du Rond-Point, François Morel part aujourd’hui en tournée avec son spectacle “Tous les marins sont des chanteurs”. Entouré d’une bande de joyeux lurons, il réhabilite Yves-Marie Le Guilvinec (1870-1900), un poète et marin breton aujourd’hui oublié. Si l’intéressé n’a rien d’un Rimbaud breton, le spectacle n’en est pas moins plaisant, drôle, et porteur de quelques messages bien pensés.  Un hommage en chansons des plus joviaux, insolite à souhait, à la mer et à ses marins, porté avec entrain par de sacrés farceurs !  Et un François Morel plus que jamais grand blagueur devant l’éternel … Continuer la lecture

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Vélo vole

Sachant d’une part qu’un oiseau en vol ne réclame pas davantage qu’un cheval-vapeur pour emporter l’équivalent de cent kilogrammes et que d’autre part, un homme grimpant un escalier en produit deux pour progresser, il y eut un esprit calculateur en 1909 pour se demander s’il ne serait pas rigolo de faire décoller un vélo. Alexandre Sée (ci-contre) avait développé sa théorie dans le numéro du mois de novembre de la revue L’Aérophile. En bon polytechnicien qu’il était, accompagnateur technique des premières machines volantes, il participait ainsi au vieux rêve humain consistant à vouloir s’éloigner enfin du sol et des contingences. Son article serait à refaire de nos jours, puisque l’adjonction d’une batterie équipant les vélos actuels rebattrait les cartes, en leur apportant un surcroît de puissance critique pour s’affranchir de la gravité. Comme le disait le bon Pierre Desproges, « j’aimerais vivre en théorie, car en théorie tout est permis » et il est donc possible d’imaginer (car en imagination aussi tout est permis) les dingues du pédalier prendre de la hauteur et s’adonner au plaisir du vol en escadrille. Continuer la lecture

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Une journaliste de légende

Merci aux Éditions du sous-sol (Le Seuil) de nous offrir une traduction française du livre de la légendaire Lilian Ross publié en 2015 chez Scribner, grand éditeur new-yorkais. Le problème est qu’à peine a-t-on achevé «Toujours sur la brèche», on en redemande. Et pourtant le livre couvre quelque soixante-dix ans de reportages et portraits dans tous les domaines, des courts ou des longs, sur des célébrités ou des inconnus, tous réalisés pour The New Yorker Magazine, avec pour seul guide une curiosité insatiable et un désir d’aller jusqu’au bout quand c’est nécessaire. Lillian Ross est née en 1918, entrée au New Yorker en 1945, morte en 2017 à 99 ans, elle a donc publié ce livre deux ans avant de mourir. Mais il y a bien longtemps qu’elle est devenue une journaliste de légende, depuis la publication de son portrait d’Hemingway en 1950 et celui de John Huston en 1952, parus d’abord dans le New Yorker puis en livres à plusieurs reprises par la suite. Continuer la lecture

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Un Menteur au charme irrésistible

La rentrée théâtrale ne pouvait se présenter sous de meilleurs auspices ! En ce mois de septembre, menteries et alexandrins font merveille sur la petite scène du Théâtre de Poche Montparnasse, Marion Bierry ayant eu la judicieuse idée de monter, avec le talent qu’on lui connaît, la dernière comédie baroque de Sieur Corneille, “Le Menteur” (1644). L’auteur, après ses chefs-d’œuvre tragiques (1), y renouait avec le genre comique, offrant aux spectateurs, selon ses propres termes, “quelque chose de plus enjoué qui ne servît qu’à les divertir”. Un pur divertissement donc avec un argument basé sur un beau et grand quiproquo ! S’ensuivent parties de cache-cache, badinage amoureux et mensonges en cascade, le tout servi par une troupe unie et talentueuse, à l’énergie débordante. Un régal ! Continuer la lecture

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Le vainqueur du tour est toujours attendu à l’accueil

C’était en septembre en début de mois, il y a maintenant cinq siècles précisément, qu’un rafiot à bout de souffle mais chargé de précieux épices, faisait son retour à Séville, dans le sud de l’Espagne. De la flottille d’origine, des cinq bâtiments partis prouver trois ans auparavant que l’on pouvait faire le tour du monde en passant par l’ouest, il n’en restait plus qu’un, le plus modeste. Sur les 265 hommes du départ, il n’en restait plus que dix-huit. Le grand manquant était Magellan, celui qui croyait plus que tout à cette intuition selon laquelle il existait un passage (paso) à l’extrême sud de l’Amérique permettant de rallier l’océan Pacifique, baptisé par lui ainsi parce qu’il ne s’y passait rien. Del Cano, l’amiral survivant, reçut tous les honneurs car sa version des faits ne pouvait connaître de contestataires. C’était pourtant Magellan le vainqueur, mort en milieu de parcours en raison paraît-il d’une rixe idiote avec des indigènes. Mais le chroniqueur du bord, Pigafetta, savait. C’est grâce à lui que l’on connaît toute l’histoire de ces bateaux partis le 20 septembre 1519 pour une aventure inouïe. Et aussi grâce à Stefan Zweig, historiographe magnifique, qu’il est possible de refaire mentalement la grande boucle. Continuer la lecture

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Un fait-divers comme diversion

Elle vient d’acheter une buse empaillée sur eBay à un anonyme michel64. Son appartement se noie dans la mauvaise grâce d’une plomberie défectueuse. Elle voyage avec un obscur auteur néerlandais pour enchaîner des séances de lecture dans des bibliothèques perdues de l’Allemagne rurale. Et sans crier gare, alors qu’elle l’a bel et bien enterré, ressurgit le fantôme de son père, Yves S, amateur plus qu’éclairé d’art pré-colombien, expert au Bureau international du travail à Genève, homme du monde en plein jour, homme d’affaires occultes et mystérieuses en Afrique. Pourtant, elle avait rompu avec ce père bien avant qu’il meure et elle pensait en avoir fini avec lui. Alors Monica veut croire que son naufrage domestique, son oiseau empaillé qui la guette dans son salon, la résurgence paternelle et ses errances de romancière épuisée sont des signes du destin qui se télescopent et l’emportent vers le fond. Continuer la lecture

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Le chant douloureux de la petite poétesse de La Solitude

Elle vit le jour le 23 février 1913 à Villeneuve-sur-Lot, à «La Solitude», la propriété de ses parents baptisée ainsi parce qu’il s’agissait d’un ancien prieuré. C’est dans cette même maison qu’elle mourut de maladie, quinze années plus tard. Au cours de cette existence brève, trop brève, Sabine Sicaud eut néanmoins le temps de semer quelques poussières d’étoiles sous forme de poèmes dont le naturel, la franchise, la sensibilité nous émeuvent encore aujourd’hui. Anna de Noailles, la poétesse, fut impressionnée par le talent de cette enfant prodige rencontrée en 1924. Elle préfaça d’ailleurs son unique recueil de poèmes, paru alors que son auteure n’avait que 13 ans. Sans doute Anna de Noailles se reconnaissait-elle un peu chez la jeune fille : c’est à peine sortie de l’enfance qu’elle-même avait écrit ses premières œuvres («Un Cœur innombrable»). Anna de Noailles met en avant l’originalité de vers «incisifs et pittoresques, chargés de savoir et tressautant de ruses charmantes». Continuer la lecture

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À Argenteuil, une maison rose aux volets verts  

Nous sommes nombreux à connaître la maison de Giverny et son sublime jardin où Claude Monet  s’installe en 1883. Elle attire tous les ans plusieurs centaines de milliers de visiteurs venus du monde entier. Par contre peu de monde sait que le même Claude Monet a vécu 7 ans à partir de 1871 à Argenteuil (Val d’Oise), une période les plus riches de sa vie d’artiste. Puisqu’il réalise sur place 259 œuvres dont 156 sur Argenteuil même. C’est dire l’importance de ce séjour pour le travail artistique du peintre qui côtoie sur place Renoir, Manet, Caillebotte, Sisley, ou encore Jongkind, faisant de la ville un véritable berceau de l’impressionnisme. Continuer la lecture

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Titre et fin

Découvrir dans un TGV  « L’ivresse de la métamorphose » de Stefan Zweig, à côté d’une dame qui dévore « Cher connard » de Virginie Despentes, permet d’une certaine façon de mesurer le temps qui passe. D’autant qu’un regard de biais sur l’ouvrage de la voisine permet rapidement de détecter quelques thèmes à la mode, ceux qui font la base facile d’un succès de librairie. « L’ivresse de la métamorphose » est un roman qui mérite un arrêt aux stands. D’abord parce qu’il est posthume. Sa première parution en allemand date de 1982, quarante ans après le suicide de Zweig, ce qui nous fait quatre-vingts ans cette année. Ensuite parce qu’il n’était pas titré et que le manque a  été comblé en piochant avec une belle pertinence dans la narration. En allemand cela donne « Rausch des verwandlung » mais la tonalité de la version française est plus adéquate parce que moins brutale pour nos ouïes raffinées. Et enfin, parce que Zweig n’a pas pris le temps de terminer l’histoire, laissant le soin au lecteur frustré de s’en charger. Continuer la lecture

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Façonnier en bons mots

Dans les décennies 1960-70, l’intelligentsia de la pellicule considérait quiconque prenait plaisir aux dialogues de Michel Audiard comme un bas du front incurable, hermétique au vrai cinéma, celui visant l’Art et non la distraction du public. La cohorte des intellectuels engagés (osons le pléonasme) assimilait son travail à une entreprise d’abêtissement des masses. Le critique Jean-Louis Bory remarquait, finement, dans le Nouvel Obs : «J’ai déjà marché dans du Audiard, mais c’était du pied gauche et ça m’a porté chance». Avec le sens des nuances propre aux comités d’épuration, François Truffaut avait renchéri, dans les Cahiers du Cinéma : «Les dialogues de Michel Audiard dépassent en vulgarité ce que l’on peut écrire de plus bas dans le genre.»  Ce d’autant que le sus-dit se vautrait dans la fange de la production commerciale (arrière la bête hideuse !), faisant de son travail une activité alimentaire. Sa raison sociale : façonnier en bons mots du cinéma franchouillard. La Revue des Deux Mondes vient de lui consacrer un numéro spécial (juillet-août 2022). Continuer la lecture

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