Hommages posthumes

Donc, le 4 avril 1791, par un décret-loi de l’Assemblée Constituante, la ci-devant église Sainte-Geneviève, déchristianisée, devint le «Panthéon des Grands Hommes». Le but initial était de récompenser solennellement Mirabeau, pour son rôle dans la chute de l’Ancien régime. Il n’y fera qu’un court séjour. Jusqu’à la découverte de ses rapports stipendiés avec Louis XVI. Il sera alors remplacé par Marat, viré un an plus tard. On relève deux autres expulsés: un certain Picot de Dampierre, général tombé au combat, mais dénoncé par le redoutable Couthon, comme susceptible d’avoir la tentation de passer du côté des émigrés, puis Le Peletier de Saint-Fargeau, déclaré premier martyr de la Révolution et n’ayant pas échappé à la réaction thermidorienne. Postérieurement, plus aucun admis ne sera mis à la porte. Pour Voltaire, aujourd’hui le plus vieux pensionnaire, il s’en fallu d’un rien. Le Panthéon ayant été rendu au culte, en 1806, par Napoléon, des courtisans firent pression sur Louis XVIII pour obtenir son éviction. «Laissez», dit le bon Sire, «il est bien assez puni d’entendre la messe tous les jours !» Continuer la lecture

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Emballé c’est pesé

Les Égyptiens en avaient fait un art mortuaire. Depuis les momies, l’emballage s’est beaucoup diversifié, devenant une industrie à part entière et jusqu’à prévaloir, notamment en parfumerie, sur le produit lui-même. Lorsque l’artiste Christo finalisait en 1985 l’habillement du Pont-Neuf à Paris (photo ci-contre), il perpétuait son propos d’artiste qui était en quelque sorte l’emballage absolu, l’emballage pour l’emballage, l’emballage en soi, avant celui de plaire et d’étonner. Quatre hectares de toile avaient été nécessaires afin de parer de rose le plus vieux pont de la capitale. Pour ce projet à plis qu’il avait financé de sa poche, sans le concours des autorités françaises, il avait réussi à mettre d’accord et Jack Lang, ministre de la culture et Jacques Chirac alors maire de Paris. Disparu au mois de mai 2021, Christo Javacheff (né en 1935) n’aura pas eu le temps de voir l’empaquetage de l’Arc de Triomphe dont l’achèvement est prévu pour le 18 septembre de cette année. Continuer la lecture

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Les 10 ans de la Fondation Villa Datris, sculpture en fête !

Dans le charmant petit village provençal de L’Isle-sur-la-Sorgue, non loin d’Avignon, se niche une fondation d’art contemporain qui n’a rien à envier à des consœurs de plus grande renommée.  Fondée par la femme d’affaires Danièle Kapel-Marcovici, présidente de l’entreprise de fournitures Raja, et son compagnon l’architecte Tristan Fourtine, disparu en 2013, et vouée tout entière à la sculpture contemporaine, la Fondation Villa Datris, a constitué au fil de ses expositions une importante Collection réunissant des sculptrices et des sculpteurs du monde entier. L’exposition qui s’y tient actuellement, “Sculpture en fête”, célèbre aujourd’hui le dixième anniversaire de la Fondation. Reflet et mémoire des expositions passées (1), ce florilège d’œuvres illustre les choix et les goûts de ses fondateurs. Le plus souvent abstraites, les sculptures y sont conceptuelles, cinétiques, mobiles, lumineuses, colorées, numériques… De Niki de Saint-Phalle à Jean-Pierre Raynaud, en passant par Sarah Sze ou Julio Le Parc, ce n’est pas moins de 126 artistes et 156 œuvres qui nous sont présentés, autant dire une belle page de l’histoire de la sculpture contemporaine. Continuer la lecture

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Vertigineuse Lozère

C’est une assez belle façon de découvrir la Lozère, région la moins peuplée de France et l’une des plus belles, que de prendre en été, à Nîmes, «le train des Cévennes» conduisant à Clermont-Ferrand en cinq heures buissonnières. Descendons au bout d’une petite heure à Génolhac, village médiéval situé au pied du Mont Lozère, dans la partie sud du parc national des Cévennes. Après avoir parcouru dans la chaleur estivale les rues étroites bordées de belles maisons de grès anciennes, il faut décider si on montera à l’assaut du glorieux Mont Lozère à pied, en auto, à bicyclette, à cheval ou même en âne, en hommage à l’écrivain voyageur écossais Robert Louis Stevenson, mais nous y reviendrons.
Par mille lacets, nous voilà arrivés au Belvédère des Bouzèdes (ah ces noms lozériens…) et du haut de ses 1236 mètres, l’horizon est immense, désertique, pics, pentes et vallées se succèdent dans un foisonnement de vert et de roc, à peine un hameau ici et là. L’âme même du pays nous est révélée d’un seul coup d’œil. Continuer la lecture

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Françoise Gilot, les 100 ans de la femme-fleur

Cela fait tellement longtemps que Picasso a disparu, en 1973, que l’on a du mal à se dire que l’une de ses compagnes vit toujours. Et pourtant, si Dieu lui prête vie, Françoise Gilot aura 100 ans cette année. Il faut dire que lorsqu’ils se sont rencontrés, durant l’Occupation, près de quarante ans les séparaient. Lui venait de dépasser la soixantaine et elle était dans ses vingt ans, à peine plus. Elle fit sa connaissance alors qu’il avait son camp de base rue des Grands Augustins à Paris. Dans un livre paru en 1964 « Vivre avec Picasso », elle racontait en substance qu’elle ne l’avait pas désiré mais qu’elle était en revanche fortement « décidée » à établir une relation approfondie avec l’artiste. Françoise Gilot était à tous points de vue, y compris dans la pratique de l’art, une débutante. Dans ses mémoires elle s’était appliquée à livrer la part de l’homme qu’était Picasso, c’est-à-dire pas forcément la plus valorisante, dévoilant notamment son caractère difficile et manipulateur. Continuer la lecture

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Illustres et illustres inconnus

À ceux qui, comme moi, s’intéressent à la personnalité des auteurs, artistes, scientifiques, politiciens et autres hommes et femmes qui ont marqué l’Histoire, Notre Histoire, et leurs lieux de vie, je recommande le «Guide des Maisons des Illustres», dont la troisième édition est parue cet été. Pas moins de 244 maisons, dans toute la France et ailleurs, y sont répertoriées. Pour chacune une présentation bien faite, un petit rappel -ou une découverte- d’une quinzaine de lignes sur la personne ayant occupé les lieux, qui illustre bien le personnage, son apport à notre Histoire, et le rôle de la «maison» en question, quelques photos bien choisies, puis des informations pour s’y rendre. Un régal, rien qu’à lire, avant de se lancer sur les routes ou dans le TGV, voire le métro ou avec ses jambes. Continuer la lecture

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Parfum de France et d’agaves

Au début des années cinquante et après avoir quadrillé une bonne partie du Mexique, l’écrivain Albert t’Serstevens  et sa compagne Amandine Doré, débarquent sur la côte atlantique. Une surprise les attend. Ils viennent de quitter la ville de Tecolutla et prolongent leur avantage jusqu’à ce que leur regard bute sur un ensemble de maisons dont le style n’appartient en rien à tout ce qu’ils ont pu rencontrer jusque-là. Leurs tuiles surtout, leur rappellent quelque chose. Amandine y voit quelque chose d’irrésistiblement bourguignon. Ils s’en étonnent en espagnol face à « un grand gaillard », à « ventre confortable sous un gilet à chaîne de montre ». Lequel s’appelle Couturier et leur propose en français et sans plus de façons de tout leur expliquer autour d’un Pernod. Pour le couple dont l’adresse principale se trouve sur l’Île Saint-Louis à Paris, l’étonnement justifiait effectivement une discussion sérieuse autour d’un apéritif anisé. Que l’on pouvait retrouver dans un récit (ci-dessus) publié en 1955 chez Arthaud. Continuer la lecture

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Le clin d’œil de Turing

Tout le monde connaît le clin d’œil d’Alan Turing. Ou plutôt celui né de l’imagination (féconde) de Benoît Solès, auteur et acteur de la pièce « La Machine de Turing ». Actuellement à l’affiche du somptueux Théâtre du Palais-Royal. Une pièce, rappelons-le d’emblée, puisque c’est mérité, multi-moliérisée : auteur francophone vivant et comédien pour le sus-cité, metteur en scène théâtre privé pour Tristan Petitgirard, et, last but not least, meilleur spectacle théâtre privé. Certes, l’auteur s’est aidé de la pièce « Breaking the code » de Hugh Whitemore et du livre Alan Turing : « The Enigma » d’Andrew Hodges. Avec ces deux titres en version originale et celui de la version française, on peut décrypter une part de l’argument. Oui, Alan Turing fut un brillant mathématicien, il a pendant la Seconde Guerre Mondiale vaincu Enigma, la messagerie cryptée allemande. C’est un héros. Sauf que … Continuer la lecture

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Dorothy Parker, entre rire et larmes

Le 22 août 2020, plus de cinquante ans après sa mort et après un improbable périple, les cendres de Dorothy Parker (1893-1967) trouvèrent enfin leur dernière demeure. Un guide touristique et admirateur inconditionnel du nom de Fitzpatrick les mena de Baltimore à New York où la célèbre plume new-yorkaise repose désormais auprès de sa famille dans un cimetière du Bronx. Celle qui avait souhaité comme épitaphe “Excuse my dust” (Excusez-moi pour la poussière) ne croyait pas si bien dire… Partant de ce fait d’actualité, la comédienne et metteuse en scène Zabou Breitman rend hommage dès aujourd’hui, dans un savoureux spectacle, à cet esprit allègrement acerbe dont la vie fut aussi fantasque et mouvementée que son dernier voyage. Continuer la lecture

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L’étal astronomique de l’épicier

Au fil de ses réflexions, calculs et découvertes, Johannes Kepler s’était persuadé que la nature avait le sens inné de l’équilibre. Que cet ordre ainsi nommé obéissait à des lois physiques. En les conceptualisant, ce natif de Weil der Stadt apparu il y aura 450 ans en décembre, aura contribué à la fondation de l’astrophysique. Il avait aussi décelé un lien entre l’harmonie, soit si l’on peut dire l’esthétisme de l’équilibre, et les mouvements planétaires. Il se trouve qu’il sera mis à l’honneur dans une salle de la future maison des mathématiques à Paris. Sous la forme d’une pyramide d’oranges qui symbolisera sa théorie des sphères, dite « empilement de l’épicier », celles que l’on voit encore aujourd’hui sur les étals des marchés. En déterminant la façon dont est constituée cette pyramide à partir d’une orange reposant dans le creux formé par trois oranges, il élaborera le principe de l’ajustement optimal, faisant l’objet de savants calculs qui ne seront établis et surtout définitivement démontrés qu’en 1998, grâce à un ordinateur. Continuer la lecture

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