Hélène Roger-Viollet, une vie vouée à la photographie

Roger-Viollet. Un nom bien connu des Parisiens et des amateurs de photographie. Quel promeneur ne s’est, en effet, arrêté devant la vitrine de la rue de Seine, le regard soudain attiré par de beaux portraits en noir et blanc des grands noms des arts et des lettres ? Cocteau, Colette, Camus, Guitry, Breton, Proust…, mais aussi des vues de l’Exposition universelle de 1889 ou encore de la construction de la Tour Eiffel. La mythique agence photographique, référence internationale dans le domaine de l’archive, avec un fonds de plus de 6 millions de documents, possède depuis peu son espace d’exposition et il est désormais possible, pour les non-professionnels, d’en pousser la porte afin d’y contempler des œuvres photographiques. Par ailleurs, il est aussi fort tentant de repartir avec un petit trésor sous le bras, les tirages pouvant dorénavant faire l’objet, sur commande, de reproductions vendues à des prix tout à fait raisonnables. La galerie expose actuellement des clichés de la fondatrice de l’agence, Hélène Roger-Viollet (1901-1985), belle occasion de découvrir l’histoire et le travail d’une femme qui voua sa vie à la photographie. Continuer la lecture

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Quatre saisons, dix-huit épisodes

Il est quand même un peu vexant, parvenu à un âge relativement avancé, de réaliser que les « Quatre saisons » de Vivaldi étaient suivies de six épisodes supplémentaires. Parce qu’elles appartenaient à un ensemble plus vaste réuni en douze concertos sous le titre de « Il cimento dell’armonia e dell’inventione » soit « La confrontation entre l’harmonie et l’invention », concept en soi assez moderne. Vexant comme un chat qui constaterait avec dépit, au soir de sa vie, qu’on a toujours soustrait à sa connaissance, une pièce de sa maison. Vexant enfin de l’avouer à ses proches et de s’entendre dire quelque chose comme « mon pauvre ami tout le monde le savait sauf toi ». Mais gratifiant surtout car six morceaux jamais écoutés du maître sont toujours bons à prendre. Continuer la lecture

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Les bonnes adresses de Robert-Robert

Réciter en ce moment-même une liste des bons restaurants parisiens peut apparaître au mieux comme une abstraction, une vue de l’esprit, au pire comme l’émission d’un signal quelque peu sadique, une voie de fait, un outrage aux bonnes mœurs. Mais comme le guide de Mr Robert-Robert remonte à 1925, il n’y pas à s’excuser de laisser filer la nostalgie, à propos d’une topographie gastronomique presque entièrement confite dans son passé. Si ce n’était l’évocation de bécasses à l’armagnac ou de la meilleure cave de Paris (Chez « Voisin ») à proximité d’une « somnolente Cour des Comptes », il sortirait davantage de ce livre, un pénible fumet de formol. La réouverture des restaurants -si tout va bien- au printemps ne nous consolera pas de cette époque largement révolue. Continuer la lecture

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Le Machiavel de Trieste

Confinements et couvre-feux divers obligent, on peut en profiter pour lire ou relire l’un des chefs-d’œuvre de la littérature sans doute pas assez connu en France, «La Conscience de Zeno», signé du triestin Italo Svevo. Publiée en 1923, c’est une œuvre dont la fulgurance s’est imposée uniquement à quelques esprits avertis de l’époque, la mettant sur le même plan que Proust, Joyce ou Kafka. Il est vrai que Svevo a créé un monde d’une totale originalité, à l’égal de ces trois-là. Un monde comme on n’a jamais vu avant ni après, d’une profondeur comique inaltérable. Continuer la lecture

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Van Eyck malgré tout

Léo van Puyvelde (1882-1965) avait des positions tranchées qui ne plaisaient pas forcément à tout le monde  et singulièrement à certains de ses pairs. Ce Belge historien d’art estimait que les frères Van Eyck, grands peintres du 15e siècle, n’utilisaient ni huile ni émulsion à base huileuse comme matière première mais le contenu des œufs. Ils étaient encore moins selon lui, les inventeurs de la peinture à l’huile, comme le prétendait déjà Giorgio Vasari au 16e siècle. Ce parti pris scientifique de Puyvelde, notamment publié en 1955 dans un remarquable ouvrage consacré aux frères Van Eyck, s’oppose à la présentation de l’exposition qui a eu lieu en Belgique à la fin de l’hiver dernier autour du cadet, Jan.  Le musée des Beaux-Arts de Gand présentait ainsi 13 de ses 23 œuvres, soit une concentration inédite. L’expo a tourné court pour cause d’épidémie au début du mois de mars et c’est pourquoi le livre de Puyvelde, pas trop difficile à trouver sur internet, permet de se refaire une visite à bon compte. Continuer la lecture

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Un parfum d’Orient plane à la Polka Galerie…

Car ce bel espace situé dans le Marais expose pour la première fois la talentueuse photographe japonaise Miho Kajioka.  Sous un ciel empli de nuages, un cygne blanc, solitaire, glisse à la surface d’un lac dans lequel se reflètent des arbres à la végétation luxuriante. Sur un autre cliché, une carpe koï (ci-contre) déambule parmi les reflets de branches feuillues et semble se mêler à elles. Sur un autre encore, quelques fleurs à haute tige éparpillées dans un champ. Plus loin, un paon dans une sorte de no man’s land… Tel est l’univers onirique que nous offre à voir Miho Kajioka avec ses clichés aux tons délicatement mordorés et aux coins scrupuleusement arrondis. Plus intemporelles que vintage, dans des teintes allant du blanc au noir, en passant par le brun doré, ces images, travaillées avec soin, nous emmènent dans un monde où le temps semble s’être arrêté. Continuer la lecture

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Vingt ans après que le poète a disparu

Il y a vingt ans, le 19 février 2001, disparaissait Charles Trenet, à l’âge de 87 ans. Avec lui disparaissait aussi une certaine époque, celle de la douce France, le «cher pays de son enfance, bercée de tendres insouciances». Mais en même temps, le chanteur narbonnais, qui ne pouvait rien faire comme tout le monde, emportait tout un attirail composé, en vrac, d’une mer avec ses golfes clairs, d’un piano de la plage, d’une pharmacie au Canada, d’un kangourou, d’un facteur qui s’envole, d’un serpent python, d’un Grand Café et d’un jardin extraordinaire. Pendant les 67 ans de sa carrière, Charles Trenet aura marqué la chanson française de sa fantaisie, de ses trouvailles, de son swing, de ses espiègleries, de sa nostalgie parfois. Tous les grands du métier se recommandaient de lui. Gainsbourg, Higelin, Aznavour. Il fallait voir le regard d’enfant émerveillé de Brassens lorsqu’il formait avec lui un duo et reprenait des chansons que Trenet lui-même avait oubliées. Continuer la lecture

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Pirandello, à la maison comme au théâtre

Le confinement nous fait-il retomber en enfance ? Pourquoi pas, et prenons en les bons côtés. Jeune donc, je lisais beaucoup de théâtre : Ionesco, Cocteau, Sartres, Montherlant, plus tard Stefan Zweig, Shakespeare, Tchekhov, Yasmina Reza… En fait le théâtre était trop cher pour moi, et c’était compliqué d’y aller. Depuis je me suis rattrapé, en y allant avec délice. Puis le confinement… Arnaud Laporte, dans son émission Affaires culturelles du 11 janvier, interviewait Stéphane Braunschweig, que je ne connaissais pas encore. Je recommande cette interview, que l’on peut réécouter sur le site de France Culture (1). Le parcours de Stéphane Braunschweig est retracé, depuis ses premiers pas dans la magie, jusqu’à sa direction actuelle du Théâtre de L’Odéon, en passant par la mise en scène d’opéra avec le « Ring » de Wagner, qui l’occupa pendant dix ans, et le théâtre de la Colline. Il a un discours sympathique, généreux, ouvert. Continuer la lecture

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Mozart et Schubert s’invitent chez vous

Toutes les grandes maisons d’opéra s’y sont mises, du Metropolitan Opera de New York à l’Opéra de Vienne en passant par l’Opéra de Paris : offrir en streaming des spectacles live (en direct) joués devant une salle quasi vide, pour un tarif symbolique. Les pertes de toutes ces grandes salles étant abyssales (plus de 50 millions pour l’Opéra de Paris), ces sommes modiques ne renflouent pas les caisses, mais permettent aux musiciens, aux chanteurs, aux choristes de ne pas désespérer tout à fait en gardant le contact avec leur art et avec le public…  à distance. Continuer la lecture

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Arthur Cravan par assemblages

Dans l’un de ses tout premiers numéros en juillet 1914, L’hérault, hebdomadaire littéraire, agricole et commercial, faisait état de l’apparition d’un jeune poète parisien dont le nom choisi par lui était Arthur Cravan. « Arthur » pour Rimbaud et « Cravan » en allusion au lieu de naissance d’une amoureuse du moment. Son vrai nom a au fond, peu d’importance. Pour qu’un hebdomadaire « littéraire et agricole » s’intéressât au sujet, il fallait bien, si loin de Paris, en arriver à la conclusion que le poète « aux cheveux les plus courts du monde » avait déjà acquis une bonne notoriété. Celle qu’il cherchait à acquérir en sus de son talent, par son insolence rafraîchissante. Cet écho inattendu d’Arthur Cravan (1887-1918) est contenu dans un nouveau livre qui vient de sortir à son propos. L’originalité de l’ouvrage est que Rémy Ricordeau, comme un grand caviste champenois, a procédé par assemblages en additionnant pêle-mêle des articles de presse, des lettres d’amour, une présentation des « Prosopoèmes » par André Breton, ou encore une postface signée par l’essayiste Annie Le Brun. Un excellent cru littéraire, complexe, charpenté et long en bouche, parmi tous les titres déjà parus autour de celui qui disait avec une étonnante prémonition, « dans la rue on ne verra bientôt plus que des artistes et on aura toutes les peines du monde à y découvrir un homme ». Continuer la lecture

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