Toute la France crie « banco »

Le 24 juillet 1967, le général de Gaulle, premier président de la cinquième république, poursuit une visite triomphale au Québec. À Montréal, devant la foule qui l’acclame, il s’écrie depuis le balcon de l’hôtel de Ville : « Vive le Québec libre ! ».
Le même jour, dans une petite ville de France, le présentateur Lucien Jeunesse, 49 ans, ancien chanteur de charme, lance « Chers amis bonjour ! », à une centaine d’auditeurs de France-Inter, réunis sous le chapiteau du cirque Pinder. Ils participent à l’enregistrement de l’émission “Le Jeu des mille francs“. Ce jeu avait vu le jour dans la petite ville de Le Blanc (Indre) le 19 avril 1958, quelques semaines avant l’arrivée de de Gaulle au pouvoir et l’avènement de la nouvelle Constitution. Continuer la lecture

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La palette confidentielle de Paul Valéry

Il avait beau avoir des peintres dans sa famille, parmi ses amis et plus largement dans ses fréquentations, il avait beau multiplier les visites au musée Fabre de Montpellier dans sa jeunesse, le poète Paul Valéry (1871-1945) n’a jamais vraiment sauté le pas. Ce dessin à l’encre de Chine et aquarelle sur papier, sans titre, démontre en tout cas que la tentation a existé. Il s’y risquait avec précaution tout en estimant avec prudence que « peindre » ne signifiait pas « être peintre ». C’est l’un des grands intérêts de l’exposition en cours au musée Paul Valéry de Sète (Hérault) que de lever le voile, à la toute fin du parcours, sur cette activité confidentielle qu’il pratiquait depuis l’enfance. Pour les cinquante ans de son existence, le musée offre à voir quatre-vingt-dix œuvres de différents artistes afin de proposer une vue originale sur les relations étroites entre Paul Valéry et le monde l’art. Continuer la lecture

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Pablo et les « archives de la Terreur »

Comment se retrouve-t-on à 26 ans à Asuncion, capitale du Paraguay, pour mener une enquête sans fin sur les quatre tonnes et demi de ces «archives de la Terreur» découvertes en 1992 par Doctor Martin Amalda ?
Peut-être parce deux jours avant sa naissance, sa mère, qui souhaitait une petite fille, avait rêvé qu’elle allait avoir un petit garçon prénommé Pablo ?
Peut-être parce que lors de ses années à l’université londoniennes de Greenwich, Pablo recueillit un jour les confidences d’une professeure ayant travaillé au cabinet de Kissinger? Peut-être parce que sa professeure évoqua à demi-mot, devant quelques élèves, une certaine réunion de diplomates US déterminant leur stratégie d’appui à la dictature chilienne de Pinochet, et prononça ces mots mystérieux «Opération Condor» ? Continuer la lecture

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Colonisation et théâtre d’objets

Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette a lui aussi rouvert ses portes et ceci pour notre plus grand plaisir. Sa saison a donc débuté avec deux spectacles de la Compagnie à. Programmée initialement en mars dernier, celle-ci a heureusement pu être reprogrammée en octobre. Cette compagnie des Pays de la Loire a la particularité de mêler jeu d’acteur et théâtre d’objets et d’inventer constamment de nouvelles formes théâtrales. Le mouvement et le burlesque y jouent, par ailleurs, un rôle prépondérant. Explorant le rapport du minuscule à l’universel, elle s’intéresse tout particulièrement au thème du vivre ensemble et aux rapports entre les peuples. Après “Le chant du bouc” (1) où une comédienne et deux comédiens reconstituaient en miniature une banlieue pavillonnaire coquette et proprette dans laquelle survenait un crime, pour questionner la figure du “bouc émissaire”, “La Conquête” sonde les grands ressorts de la colonisation et explore les stigmates de cette dernière sur notre société actuelle. Avec bien évidemment toute la distance et l’humour que permet le théâtre d’objets. Continuer la lecture

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Amitié subaquatique

La scène force l’attention. Cela fait déjà quelque temps que le plongeur et la pieuvre s’observent. Jusqu’au jour où Craig, au beau milieu de son apnée, lui tend la main. Et l’animal déploie alors l’un de ses tentacules qui vient se lover sur la main de Craig. Le contact est pris et dès lors, plus moyen de lâcher ce documentaire animalier paru en septembre sur Netflix. Soit un cinéaste qui raconte comment il a voulu compenser un surmenage professionnel en explorant les eaux côtières de l’Afrique du sud. Et de quelle façon,  il a malgré des eaux particulièrement fraîches, plongé durant plus d’un an afin de comprendre, rencontre après rencontre, comment vivait cet octopus vulgaris. Continuer la lecture

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Darktown, Atlanta, 1948

Les écrivains (et les cinéastes) américains savent admirablement romancer l’Histoire avec un grand H. Ainsi Thomas Mullen a-t-il reçu le James Feminore Cooper Prize de la fiction historique dès son premier opus «The Last Town on Earth» en 2007.
Ce fils de la Côte Est, né à Providence, Rhode Island, 46 ans, s’est ensuite lancé, à partir de 2016, dans une série policière couvrant un aspect peu connu de l’histoire de la ségrégation américaine. Cette saga en quatre volumes résonne très fort dans le contexte actuel du «Black Lives Matter», si bien que le premier tome de la série, «Darktown», vient d’être réédité. Continuer la lecture

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Des formes variées de l’amour

Il y a d’abord Lucette qui, en 1956, tomba nez à nez avec Daniel, à la sortie de l’usine. Il avait garé sa Panhard Dyna toute neuve juste en face, au bar-tabac « Le Balto ». Il avait tout de suite subjugué Lucette avec son manteau trois quart cuir marron foncé. Une cigarette pendait à ses lèvres dont il exhalait, à intervalles irréguliers, de savantes bouffées circulaires. Elles se diluaient progressivement dans l’atmosphère. Daniel portait aussi une casquette. Légèrement de travers, baissée sur l’œil gauche, elle lui prêtait un air canaille, donnant l’avantage à un sourire enjôleur. Ainsi adossé à sa bagnole, il affichait le sentiment de tenir les enquiquineurs et contrariétés variées à distance. C’est justement ce genre d’homme que Lucette recherchait. Il l’emmena dans un bal où se jouaient des airs d’accordéon. Sur la piste il la serra fort contre lui. Et jamais plus elle ne quitta ses bras. Continuer la lecture

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La gloire du Baron Mollet est universelle

Il faudrait faire preuve d’une folle témérité ou d’une belle inconscience pour se risquer à expliquer ce qu’est la ‘pataphysique. Tout juste peut-on avec certitude en attribuer la paternité à Alfred Jarry. L’une des définitions les plus souvent citées : « La ‘pataphysique est à la métaphysique ce que la métaphysique est à la physique « , ne nous avance guère, pas plus que la formule « Science des solutions imaginaires », qui reste floue. C’est peut-être Boris Vian qui nous éclairera le mieux. L’écrivain révéla être venu à la ‘pataphysique, après avoir entendu cette réplique de théâtre (“La Belle aventure“, de Flers et Caillavet) : « Je m’applique volontiers à penser aux choses auxquelles je pense que les autres ne penseront pas ». C’est dire qu’avant tout la ‘pataphysique cherche à explorer des terres que personne d’autre avant elle n’avait fréquentées. Continuer la lecture

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Le solfège de Picasso à la Philharmonie

Rien que pour cette guitare exécutée en 1924 depuis Juan-les-Pins, un détour s’impose à la Philharmonie. Une exposition de plus autour de Picasso, serait-on tenté de dire à l’avance, mais ce serait une erreur. Picasso n’était pas mélomane, il n’écoutait guère de musique et ne jouait pas d’instrument. Et pourtant cette exposition donne à voir combien, paradoxalement, au milieu des nombreuses œuvres réunies,  la matière musicale a nourri son inspiration. Cette guitare en est la parfaite démonstration. Elle souligne à quel point et en toutes choses, Picasso savait s’évader de la simple représentation. Comme c’est le cas ici où l’artiste n’a conservé de l’instrument qu’une géométrie cosmique. L’objet s’en trouve littéralement divinisé. Continuer la lecture

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Centre National de la Danse à Pantin, du brutalisme administratif aux arabesques

CND Pantin photo: Lottie BrickertPendant des années, un imposant cube de béton brut somnolait le long du canal de l’Ourcq, près de la mairie de Pantin. Malgré sa taille, on l’avait presque oublié. Quand tout à coup, il s’est réveillé sous le baiser de la muse Terpsichore. Pour propager la bonne nouvelle, elle a déposé sur le toit du bâtiment cinq lettres rouge vif : «danse». C’était en 2004, le CND, centre national de la danse, ouvrait ses portes à Pantin.
Pas de biche, jeté et, sitôt la porte du CND passée, un grand battement (de cœur) tant l’atrium en jette. On est accueilli dans un immense vestibule dont la luminosité tranche avec l’austérité grisâtre du béton extérieur. En son centre, un colossal escalier-rampe à deux niveaux – qui dessert les six étages- recompose les volumes en jouant avec la lumière des grandes vitres qui lui font face. Continuer la lecture

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