Shimanami Kaido: à vélo sur les îles de la mer intérieure du Japon

Vous voulez vous en mettre plein les yeux, plein la tête et plein les mollets tout en goûtant à la culture japonaise ? Alors, retenez bien ce nom. Le shimanami Kaido est un parcours cyclable de 70 km sans pareil. Il vogue au-dessus de la mer intérieure du Japon (Seto) en faisant des sauts d’île en île par l’intermédiaire de six ponts spectaculaires. Éblouissement garanti! Vous partirez du centre d’Onomichi, situé à 80 km d’Hiroshima sur l’île d’Honshu, pour arriver à Imabari sur l’île de Shikoku ou inversement. Inaugurée en 1999, cette route carrossable express a permis de relier rapidement Honshu et Shikoku, deux des quatre principales îles du Japon, tout en desservant six petites îles sur son tracé. Auparavant ces trajets n’étaient possibles que par bateau. La pêche déclinant et ces petites îles présentant un potentiel touristique certain, quelqu’un eut la bonne idée d’adjoindre une voie cyclable au Shimanami Kaido. Le parcours, bien balisé et séparé des voies automobiles, est relativement facile. Quelques montées un peu plus raides sur quelques infimes parties mais rien d’affolant même pour les mollets non acérés. Il peut donc être effectué en quelques heures. Il serait dommage d’avaler les kilomètres d’une traite sans visiter les petites îles qui le parsèment ni gouter à leur atmosphère paisible. Continuer la lecture

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Fantômas, le retour

« Fantômas/Vous dites?/Je dis… Fantômas./Cela signifie quoi?/Rien… et tout! ». C’est par ce dialogue sybillin que débute en février 1911 ce qui deviendra l’une des plus mémorables séries de la littérature populaire française. Or il s’avère que Fantômas, comme l’atteste cette mise en place à la librairie Gibert, à Paris, n’est pas mort. Nous sommes allés nous enquérir de ce “revival” à la Bibliothèque des littératures policières, où l’on a bien voulu en exhumer la première édition. Des recherches récentes sur Fantômas ont été entreprises, confirme Alice Jacquelin, sa directrice. Expositions, travaux de chercheurs, film en production pour 2027, la fiction de la Belle Époque -après Arsène Lupin chez Netflix- a bien la cote. “Dans les moments de bouleversements sociaux, d’incertitudes, la littérature populaire fait émerger des méchants qui donnent des raisons aux dérèglements”, analyse Alice Jacquelin. Continuer la lecture

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La psyché du Douanier bientôt retapée

Il est bien rare qu’une actualité surgisse à proximité de la tombe du Douanier Rousseau sise au jardin de la Perrine, à Laval, département de la Mayenne. Henri Rousseau (1844-1910), dit aussi le Douanier Rousseau, a été enterré ici après une étape au cimetière de Bagneux (Hauts-de-Seine). Sur sa tombe figure (mal calligraphié) un message de Guillaume Apollinaire (1). Peintre dit naïf, totalement à la marge parmi ses pairs, il a côtoyé malgré tout les plus grands noms de l’Art moderne et de la poésie qui l’aimèrent (légères moqueries comprises) au point de lui organiser un banquet. Homme quelque peu étrange, joueur de violon à l’occasion, il n’avait pas eu de chance avec les femmes, la dernière ne s’étant rendue ni à son chevet de mourant ni à son enterrement. Ce qui fait qu’en 1983, il y eut comme une ironie de l’histoire lorsque la ville de Laval installa, juste en face de la tombe, une belle sculpture de Psyché, pas non plus gagnante côté cœur. Laquelle doit quitter fin juin le joli jardin de la Perrine pour être enfin restaurée. Depuis un moment elle était entourée d’un échafaudage, lui-même entouré d’un voile de protection (ci-dessus): prémices textiles d’une cure de soins intensifs. Continuer la lecture

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To sleep or not to sleep

Le professeur Pierre Philip est un éminent personnage. Il est chef du service universitaire de médecine du sommeil au CHU de Bordeaux, médecin, psychiatre et membre d’une unité au CNRS. Il dirige depuis plus de vingt ans une équipe de recherche spécialisée dans l’hygiène du sommeil et les troubles mentaux. On l’entend volontiers pérorer sur France Culture, et il publie des ouvrages de vulgarisation sur le sujet. Sur la couverture de l’avant-dernier, « Réapprendre à dormir », datant de 2023 et publié en poche, une petite photo l’a saisi en veste sombre, chemise bleu clair à col boutonné et cravate foncée à pois ou motifs rouges. Grandes lunettes à monture noire, crâne parfaitement dégarni, et large sourire épanoui, comme si le sujet était extrêmement drôle. Le tout alliant sérieux et fantaisie à la fois. Pourtant qui ne connaît pas ou n’a pas connu des problèmes de sommeil ? On l’apprend d’emblée: selon le baromètre de Santé Publique France, « les troubles de sommeil (peuvent) toucher jusqu’à 60% des Français, soit le triple des plaintes d’anxiété et de dépression ». C’est considérable, et ce doit être la raison pour laquelle le professeur Philip nous accueille sur la couverture avec ce grand sourire. Soyez optimistes, vous qui ouvrez ce livre! Un si grand professeur doit connaître tous les secrets, toutes les réponses à tous nos troubles. Sans perdre de temps, il nous livre ce qu’il appelle « Les trois piliers du sommeil »: régularité, durée, qualité. On s’en doutait un peu, mais il faut attendre pour en savoir plus. Continuer la lecture

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Cioran, la vie d’un gai désespéré

Trentième anniversaire, aujourd’hui, de la disparition d’Emil Cioran. Né en 1911 dans les environs de Sibiu, le philosophe roumain avait adopté Paris comme lieu de résidence et le français comme langue d’écriture. Le 20 juin 1995, vaincu par la maladie  (« une rupture d’aphorisme » avait finement écrit le critique Bernard Morlino) il quittait le monde des vivants dont il n’avait cessé de proclamer l’inanité. En 2011, Cioran eut droit à un volume de la Pléiade reprenant ses écrits en français, dont certains avaient réuni un lectorat assez important comme « Précis de décomposition » (1949, premier livre écrit dans la langue d’adoption), « Syllogismes de l’amertume » ou « De l’inconvénient d’être né ». Toute la production de l’écrivain, y compris ses textes antérieurs publiés en roumain, est aujourd’hui connue. On ne compte plus les livres de commentaires ou d’exégèse, bien plus nombreux que l’œuvre elle-même. Mais il manquait une biographie. Cette lacune vient d’être comblée par la parution d’un ouvrage de 400 pages d’Anca Visdei, elle-même écrivaine de langue française d’origine roumaine, qui a l’avantage d’avoir connu personnellement Cioran et d’avoir publié un entretien avec lui en 1986 dans Les Nouvelles Littéraires, alors que l’écrivain répugnait à ce genre d’exercice. Continuer la lecture

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Son pesant d’or

En promettant qu’il allait protéger son pays avec un dôme d’or, Donald Trump savait-il toute la symbolique qui se rattachait au métal précieux depuis des millénaires? La matière était-elle choisie par un instinct de sécurité lié au mot, inclus dans l’ADN d’un peu tout le monde depuis les Étrusques? En 1969, les deux auteurs du dictionnaire des symboles, Jean Chevalier et Alain Gheerbrant s’étaient arrêtés sur le mot, juste après « onyx » et juste avant « orage ». L’or, expliquaient-ils dans cet ouvrage copieux, a toujours été synonyme de perfection, sur la première marche du podium des symboles. Il était la chair des dieux, des pharaons et Bouddha n’était pas autrement représenté qu’avec le métal jaune. Il est la lumière, la connaissance, susceptible d’utilisation en drogue, d’être bon pour l’immortalité et efficace contre la perte des cheveux. Fadaises, fadaises, au point qu’aujourd’hui, l’or est avant tout un placement, celui qui met à l’abri des tempêtes et c’est dans cette notion de blindage bien sûr que l’on vient de l’associer à un dôme, sachant que le dôme de fer était déjà pris. Continuer la lecture

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Toutes les musiques du monde

Quelle que soit son époque et quelle que soit sa civilisation, l’être humain a utilisé tous les matériaux et toutes les techniques possibles dans le seul but de créer des machines à faire du son. Dans ce domaine, son imagination a été sans limites. C’est la première impression que ressent le visiteur en découvrant le Musée de la musique de Paris, récemment rouvert après une toute nouvelle présentation confirmant sa place parmi les plus riches collections publiques au monde. Le nouveau parcours accorde notamment une place plus importante aux musiques des autres civilisations. Ce qui permet d’atténuer la frontière souvent artificielle établie entre musiques savantes et musiques populaires, tant il est vrai que toute musique est savante puisqu’elle obéit à chaque fois à des règles admises par toute une communauté. Un exemple parmi cent autres. Les « métallophones », le plus souvent appelés sanza ou encore kalimba, très répandus en Afrique. Il s’agit de lamelles métalliques reposant sur une caisse de résonance de nature diverse (souvent une calebasse) et que le musicien fait vibrer avec ses doigts. Continuer la lecture

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Tout doit disparaître !

Dans un ouvrage magistral, le philosophe Robert Redeker fait un constat que chaque jour qui passe vérifie un peu plus: l’abolition de « l’âme », un mot disparu de la langue et de la culture. Toutes les civilisations ont eu depuis leur origine l’intuition de l’âme, ce « je-ne-sais-quoi irréductible de l’humain », cette « source jaillissante », ce « mystère opaque et insondable ». Mais c’est Platon qui, le premier, fait de cette intuition une réalité philosophique et un fondement de la culture occidentale. Avec le Phédon, il ouvre la voie à son exaltation ultérieure par le christianisme de Saint-Augustin, des grands mystiques (Thérèse d’Avila, Jean de la Croix), et des penseurs jusqu’à Pascal. Au point de constituer la principale préoccupation de l’homme du Moyen-Age et encore de la Renaissance, une « inquiétude » intime. Et puis patatras! C’est Descartes qui allume la mèche. En fondant la preuve de notre existence sur notre nature d’être pensant, Descartes substitue à l’âme l’ego, le « je ». Prudent, il conserve dans ses écrits le mot « âme », mais il ne s’agit plus de la même chose. Car l’âme et la pensée, ce n’est pas la même chose. Continuer la lecture

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Sayonara

La fin de vie, c’est le sujet en cours: comment débranche-t-on, comment se débrancher. L’assistance à la naissance c’est naturel mais, pour le coup de bêche fraternel sur l’occiput de l’ami qui n’en peut plus, il faut un cadre. Avec tellement de conditions requises, que le candidat peut être recalé.  Pas dans le « Plan 75 » toutefois, un film japonais que la chaîne Arte s’apprête à diffuser (le 19) sur ce thème. Et qui raconte une fable visionnaire dans une société très peu éloignée de la nôtre. Où les plus de 75 ans sont incités à dégager sans faire d’histoires. Le film de la réalisatrice Chie Hayakawa se veut subtil et il l’est. Ce n’est pas un cauchemar qu’elle nous présente. Mais un Japon normal où les autorités calculent la dépense et spéculent sur la fatigue morale des anciens. Et finalement ils légifèrent en ce sens. Avec humanité et avec cœur, pour paraphraser une célèbre formule d’évacuation: elles élaborent un programme bienveillant visant à recruter des candidats et à les accompagner jusqu’au bout, en veillant à ce que le renoncement ne les gagne pas. Pour structurer son film, Chie Hayakawa a mis en avant trois personnages, un recruteur, une accompagnante et une candidate. Continuer la lecture

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« Hong Kong Shifts », transmet l’histoire des travailleurs vaillants du Port au Parfum

Le duo formé de Cynthia Cheng, qui manie une très belle plume, et de Maxime Vanhollebeke, jouant avec dextérité de ses talents de photographe, signe une œuvre aussi originale qu’émouvante. Dans une démarche humaniste, les auteurs de « Hong Kong Shifts, stories from the streets of Hong Kong » (« Quarts de Hong Kong, histoires des rues de Hong Kong ») capturent avec brio la quintessence de la vie des travailleurs du Port au Parfum, ces hommes et ces femmes qui travaillent sans relâche, aussi discrets qu’indispensables au fonctionnement harmonieux de la cité. Les lecteurs en quête de témoignages authentiques se réjouiront de tourner les pages de ce livre exceptionnel (publié en juillet 2024) qui sort des sentiers battus. Une fois n’est pas coutume, l’humain, photographié et raconté, vole la vedette à l’architecture hétéroclite de la ville, à sa densité à donner le vertige, à ses échafaudages en bambous qui sont habituellement pris en photo.
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