Aux rayons des étoiles

Adolescent, Arthur Rimbaud s’amuse à transcrire en vers français un sujet de vers latins, dicté en classe. Le poème qui en résulte s’intitule « Ophélie ». L’on reste bouche bée par la maîtrise du jeune homme, un « tour de force » écrira-t-on d’ailleurs, oui bouche-bée par son exceptionnelle inspiration, son lyrisme multicolore et enfin la musicalité prodigieuse du texte. Il l’adresse en mai 1870 à cet autre poète qu’est Théodore de Banville, avec deux autres poèmes, « Sensation », « Soleil et chair », dans le but qu’ils soient publiés. Ce qui ne sera pas le cas. Dans sa lettre (1), il se vieillit de deux ans et souligne que son âge est celui des « espérances et des chimères ». Quel trésor Théodore de Banville (1823-1891) n’a-t-il pas laissé passer là, même s’il accepte de l’héberger un an plus tard. Voilà enfin pour une fin de semaine, de quoi affermir nos distances avec une actualité qui ne vole pas haut. Continuer la lecture

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En quel honneur devrais-je être drôle?

Jean-Pierre Marielle s’est au moins exprimé deux fois de la sorte. Une fois dans la vraie vie ainsi que nous le révèle une biographie de l’acteur qui vient de sortir, et une fois encore dans « Les grands ducs »  (Patrice Leconte, 1996) où un Marielle exaspéré demande à un metteur en scène de boulevard la raison pour laquelle il devrait sourire. L’homme parti au printemps rejoindre ses camarades dans un ailleurs désespérément inconnaissable avait également sa part d’inconnu. Et c’est tout le mérite de cet ouvrage que nous éclairer sur une personnalité complexe ayant connu le succès sur le tard et avouant qu’il lui était arrivé dans sa vie professionnelle de « se laisser aller un peu et de tourner dans des idioties, souvent des rôles de sauteur de canapé, des dragueurs de troisième division ». Continuer la lecture

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Le grand retour de Jack London avec « Martin Eden »

Le premier mérite de ce film plein de feu, de rage et de romantisme réalisé par Pietro Marcello, cinéaste italien de 43 ans, documentariste réputé, est de remettre en lumière le livre éponyme de Jack London (auteur de « Croc Blanc ») dont il s’inspire. Un livre mythique, car la tradition voulait qu’il soit autobiographique ou semi autobiographique, alors que l’auteur était un aventurier hors pair. Mais si l’on y retrouve le côté autodidacte du romancier et son amour fou de la littérature (notamment de la nouvelle), on considère aujourd’hui que cela ne suffit pas à en faire une œuvre autobiographique. Mais prémonitoire, certainement. Continuer la lecture

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Le dico de New York

Page 514, Serge July exhume Audrey Munson, « la femme la plus en vue de New York ». Pour son dictionnaire amoureux de la ville, qui vient de paraître chez Plon, l’auteur a choisi des thèmes où l’on ne l’attendait pas forcément. Il aurait pu par exemple, consacrer un chapitre à Lou Reed, mais, c’est tout le bénéfice de cet imposant pavé, que de nous offrir des angles imprévus.  Il nous explique que si Audrey Munson est la femme la plus vue de New York, c’est parce que sa silhouette a été sur-utilisée, inspirant entre autres une vingtaine de statues de la ville. La « première femme nue de l’histoire du cinéma » a été (déjà) l’objet de harcèlement de la part de ses admirateurs, l’un d’entre eux ayant même fait savoir qu’il avait tué sa femme pour pouvoir mieux la courtiser. En fin de compte elle sera internée à l’âge de 40 ans et finira centenaire, toujours enfermée, oubliée, dans une structure psychiatrique au nord de New York. Continuer la lecture

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Un petit tour à Rolle

Petite ville vaudoise de cinq mille trois cent quatre-vingt-quatorze habitants, située à peu près à égale distance de Genève et de Lausanne le long du lac Léman, Rolle n’a l’air de rien au premier coup d’œil.
Sa grande rue s’étire parallèlement au lac, avec ses façades impeccables aux couleurs variées, sa Coop (où tout est plus cher qu’en France), sa pâtisserie chocolaterie Moret (excellente), ses antiquaires chics, ses deux marchands de journaux, et tout de même sa Librairie du Lac, modeste mais riche d’ouvrages très graphiques. Continuer la lecture

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Chaque année Picasso venait se recueillir sur la tombe d’Apollinaire

Cette année encore, une trentaine de personnes venues d’horizons divers se retrouveront ce samedi 9 novembre au cimetière du Père Lachaise à Paris, division 86, à quelques dizaines de mètres du columbarium et à proximité de la bien nommée « Avenue des Combattants étrangers morts pour la France ». Ils se recueilleront devant la tombe de Guillaume Apollinaire à l’occasion du 101e anniversaire de sa mort. Assez sobre, la sépulture est surmontée d’une sorte de menhir sculpté par Serge Férat et sur la tombe elle-même, un poème est gravé dans la pierre : “ Habituez vous comme moi / A ces prodiges que j’annonce / A la bonté qui va régner / A la souffrance que j’endure / Et vous connaîtrez l’avenir “. Continuer la lecture

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D’après une histoire vraie

Je suis timide et je n’ai jamais osé le lui dire. Mais j’ai été amoureux de Youmi pendant toutes mes années d’université. Après la remise des diplômes, Youmi est retournée dans sa famille dans la province de Takayama et moi, je suis resté à Tokyo où j’ai toujours vécu. Et c’est à Tokyo que j’ai trouvé un emploi dans le département Recherche d’une grande société informatique dans laquelle je travaille toujours. Youmi et moi avons continué à échanger des emails pendant plus d’un an. Très exactement, jusqu’à ce que je tombe sur mon amie d’enfance Hiroko dans le parc Yoyogi. La petite Hiroko de mes souvenirs, un garçon manqué toujours prêt à m’affronter sur un terrain de sport, était devenu une belle femme élégante à la personnalité extravertie. Nous nous sommes mariés quelques mois plus tard et nous avons aujourd’hui deux enfants. Continuer la lecture

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L’expo-canon

Ce poignard sûrement bien pratique pour dissuader les fâcheux, a été offert en 2007 par Mouammar Kadhafi chef de l’État libyen, à Nicolas Sarkozy  chef de l’État français. En retour on s’en souvient sans doute, le second a manifesté toute sa gratitude au premier avec un largage de bombes à domicile qui devait se terminer en lynchage fatal. Ce n’est pas ici, l’une des moindres surprises de l’exposition « Les canons de l’élégance », qui vient de débuter au musée de l’Armée. L’idée générale est de montrer que dans toute bataille, le style n’est pas qu’un accessoire, qu’il s’agisse du vêtement ou de l’arme que l’on porte à sa ceinture. « Plus on se croit beau, mieux on se bat », disait le général François du Barail (1820-1902), ce qui signifie qu’il vaut mieux éviter le vieux jogging orange à bandes blanches latérales avant de monter à l’assaut. Quitte à faire la guerre en effet, mieux vaut un bel uniforme et tant pis si cela fait une bien meilleure cible face aux snipers du camp adverse. Continuer la lecture

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Retrouvailles

Non loin du Mouffetard, ce théâtre des arts de la marionnette désormais bien connu des lectrices et lecteurs des Soirées de Paris, se trouve un autre petit théâtre, tout aussi charmant, à la programmation on ne peut plus dense et manifestement de qualité (1) : le Théâtre de la Contrescarpe. Situé à deux pas de la place du même nom, plus précisément rue Blainville, faisant face à un succulent restaurant coréen (2), il présente actuellement “Fausse note” de Didier Caron, un des grands succès de l’année 2017, dans une mise en scène et une distribution cette fois-ci tout autres, Pierre Deny et Pierre Azéma interprétant avec talent les rôles créés à l’origine par Christophe Malavoy et Tom Novembre. Continuer la lecture

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Carré de jeunesse

Entre autres remèdes pour tromper l’angoisse, en attendant de savoir lundi qui aura le Goncourt, on peut toujours faire un saut en haut de la rue Ménilmontant, là où Jules et Edmond Goncourt passèrent une partie de leur jeunesse. Il reste un bout de l’édifice originel, de ce Pavillon Carré de Baudouin comme on l’appelle maintenant, avec ses colonnes ioniques ouvrant sur un petit jardin. Le lieu est devenu un espace d’expérimentation culturelle où l’on vit il y a peu une assez exceptionnelle exposition relative au photographe Willy Ronis. Et c’est donc là que jouèrent un temps les deux frères Goncourt, privés de leurs deux sœurs disparues prématurément. André Billy (décidément) avait écrit une biographie pondérale des deux garçons. Lui-même était membre de l’académie Goncourt. Continuer la lecture

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