Retour à Versailles

Tandis que la France célèbre le quatre-centième anniversaire de la naissance de Molière, à Versailles on fête depuis 26 ans en juin «Le mois Molière». Un ensemble de spectacles et manifestations créées par le Maire actuel François de Mazières à l’époque où il était adjoint à la culture. Pourquoi célébrer ainsi Molière à Versailles ? Tout simplement parce que c’est dans ce qui n’était encore qu’un relais de chasse, que le jeune Louis XIV lui a donné sa chance en lui permettant de jouer pour la première fois en 1663 «L’impromptu de Versailles» une pièce peu jouée, si révélatrice de la vie de la troupe de Molière de l’époque et de la vie de la cour en général et qui sera suivie de beaucoup d’autres. Continuer la lecture

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Les termes adéquats

C’est une toute petite plaque fixée à côté du porche d’un immeuble, au 60 boulevard du Montparnasse. Elle rappelle que là, entre le 12 mars et le 7 avril 1929, a séjourné au sein de ce qui était alors Le Grand Hôtel de Versailles, l’écrivain, peintre et poète, David Herbert Lawrence (1885-1930). Il était venu en quête d’un éditeur pour son roman, « L’amant de Lady Chatterley ». Apposée en mai 2019, elle prend en ce moment-même tout son sens puisque la chaîne Arte, diffuse non seulement jusqu’au 28 août le film du roman signé par Pascale Ferran, mais aussi un documentaire qui relate principalement le procès en obscénité fait en 1960 à l’éditeur. Sorti en 2006, le film quant à lui, démontre avec subtilité que ce qui avait été longtemps confondu avec de la pornographie était en réalité une histoire d’amour, une vraie, celle qui fusionne par ordre d’apparition le désir et les sentiments. La fin en est particulièrement appréciable dans la mesure où Constance (parfaite Marina Hands), femme de tête qui n’a pas peur de mettre en cohérence ses rêves et ses actes, comprend qu’il existe une troisième voie pour les amours impossibles. Une voie qu’elle ouvre comme une délivrance pour elle et lui. Continuer la lecture

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Vogue la paroisse

Ce vitrail possède une singularité rare: il est à quai. Voué à Notre Dame des Eaux, il occupe l’un des hublots d’un bateau amarré sur la promenade François Mitterrand à Conflans-Sainte-Honorine. Sa transparence diffuse une fine lumière au sein d’un navire qui fait office depuis des décennies d’une paroisse fluviale. À l’origine, en 1919, son rôle était le transport du charbon. Depuis 1936, sauf quelques épisodes d’hébergement social, il est pratiquement resté une paroisse pour les mariniers, où la messe continue d’être dite chaque semaine, si l’on se fie aux horaires affichés. Peint en bleu et blanc, il pourrait laisser croire à la pratique d’une liturgie de type grec, mais non. Sa présence n’est pas illogique au pied de l’une des capitales françaises de la batellerie mais pour le promeneur venu s’incliner devant le vaste confluent de la Seine et de l’Oise, en bout de quai, c’est assurément une surprise. Celle d’un monde littéralement flottant comme l’ont conceptualisé les Japonais. Continuer la lecture

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La fondation Verbeke, chamboule-tout du monde de l’art

Oubliez toutes les images de musées d’art moderne ou contemporain que vous auriez pu visiter un jour ou l’autre. Ne vous attendez pas à voir surgir au bout de la route un bâtiment moderne d’avant-garde, aux salles impeccablement blanches et lumineuses, renfermant une construction en acier tordu savamment poli. Nous sommes dans les Flandres belges, à une vingtaine de kilomètres d’Anvers, deuxième port d’Europe. Insérée dans un entrelacs serré d’autoroutes, la ville flamande de Kemzeke, qui appartient elle-même à la commune de Stekene (vérifiez que votre GPS soit bien à jour) n’aurait rien de particulier si ne s’y trouvait l’un des plus surprenants lieux d’exposition d’œuvres d’art en Europe. Des conteneurs empilés à la va-comme-je-te-pousse, des carcasses de grues parfois gigantesques, une vieille enseigne qui dut autrefois signaler la présence d’un fast-food urbain : vous y êtes. Continuer la lecture

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Faire bonne mesure

C’est tout l’avantage du profane que d’aller de surprises en surprises et de découvertes en découvertes. Comme de découvrir au hasard des pages d’un ouvrage scolaire de 1882 destiné aux élèves du second cycle, qu’il existe des nombres « incommensurables », représentés par un symbole de type idéogramme. On se dit que cela doit être dur pour un mathématicien de constater à l’amiable qu’il existe une telle zone hors champ. Et plus encore pour un professeur de calcul, expliquant l’affaire à ses élèves dans un chapitre significativement intitulé « préliminaires ». Introduction selon laquelle et à titre d’exemple, il est établi que « la longueur d’une circonférence n’a pas de mesure commune avec son diamètre ». Moyennant quoi, celui qui s’acharnerait à la trouver, n’aboutirait qu’à un nombre incommensurable proprement dit, autrement appelé une « limite ». Implacable démarcation au demeurant, sauf pour les littérateurs et autres poètes qui n’ont que faire d’une telle abstraction, des toises en général et des attestations de sortie en particulier. Continuer la lecture

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Secret médical

Le 17 avril 1964, un communiqué faisait part à la Représentation Nationale du fait que le général De Gaulle venait de subir, à l’hôpital Cochin, l’ablation d’un adénome prostatique. Le vieux soldat avait pris soin de rédiger, à l’avance, le texte à diffuser à son réveil. Il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 7 alinéa 4 de la Constitution, disposant qu’en cas de «vacance de la Présidence de la République, pour quelque cause que ce soit», le président du Sénat assurait l’intérim. Une attestation émanant du professeur Aboulker témoigna de la bénignité de l’intervention. Puis le chirurgien urologue fit ce à quoi tout médecin respectueux de ses devoirs est tenu : il observa le silence sur tout ce qui concernait son illustre patient. Continuer la lecture

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Certains ne meurent jamais

Certains auteurs ne meurent jamais, tel Shakespeare qui ne cesse de ressusciter sous diverses identités (une soixantaine jusqu’à présent, dont celle d’une femme), la dernière datant de 2016 («John Florio alias Shakespeare», éditions Le Bord de l’Eau). Impossible non plus de laisser tranquille «le petit Marcel», chacun ou presque ayant son mot à dire sur sa personne comme sur son œuvre, tel le romancier-essayiste-réalisateur hanté par « La Recherche », Patrick Mimouni, publiant d’innombrables essais sur le sujet, dont à la fin de l’an dernier, un copieux et vigoureux «Proust amoureux Vie sexuelle, vie sentimentale, vie spirituelle» (Grasset). Si bien qu’en cette année du centenaire de la mort de l’immortel Marcel, outre une nouvelle Pléiade (essais dont un nouveau « Contre Sainte-Beuve » enrichi de passages narratifs), le président de la Société des amis de Marcel Proust Jérôme Bastianelli imagine les vingt années supplémentaires dont Proust aurait pu jouir s’il s’était mieux soigné, terminant sa vie à New York pour s’éloigner de la guerre («Les années retrouvées de Marcel Proust. Essai de biographie», Sorbonne Université Presses, ci-dessus). Continuer la lecture

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Code rouge

Plusieurs choses ressortent de ce portrait impeccable réalisé par Agnolo Bronzino (1503-1572). Le maintien général du personnage, l’intelligence et l’amertume du regard et, sagement assis sur les genoux de la dame, un petit chien qui peine manifestement à contenir sa joie. Nous ne savons pas qui elle est, sauf qu’elle appartient à une époque où le maniérisme était en vogue. Cependant, ce qui domine dans cet ensemble hautement aristocratique, c’est le rouge intense de la robe, un rouge puissant qui attire l’œil. Cette huile sur bois fait justement partie d’un livre publié il y peu sur le rouge, par l’historienne d’art, Hayley Edwards-Dujardin, sachant qu’elle en a commis d’autres, sur le rose, l’or et le bleu. La quatrième de couverture prévient que l’auteur distille ce faisant une « érudition mesurée » et pourtant la lecture de l’ouvrage est non seulement assez riche mais fort plaisante car elle est parsemée d’anecdotes et de bonnes citations comme celle de Picasso qui disait: « quand je n’ai pas de bleu, je mets du rouge ». Bronzino s’était peut-être trouvé dans ce cas-là, qui sait. Continuer la lecture

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Le dévoiement du fiasco

Originaire de Fano, dans la région italienne des Marches, Carlo Magini s’était taillé une honorable réputation de peintre grâce à ses natures mortes. Nous n’avons pas la date exacte de la toile ci-contre (détail), fin 18e peut-être, mais ce qui est intéressant c’est que l’on y voit une bouteille de vin, le fameux fiasco, entouré de paille afin de protéger le verre. De nos jours le terme à fait florès au sens figuré pour signifier un échec complet, et ceci depuis l’époque où un acteur italien du 17e, Domenico Biancolelli, fit un bide sur scène en agitant une bouteille de vin. L’actualité n’a de cesse de s’emparer du mot fiasco, le dévoyant à l’excès. Le dernier en date étant un certain match de foot à Saint-Denis qui ne s’est pas déroulé dans les conditions souhaitées. Heureusement qu’en 2013 puis en 2021, parut sous la plume de l’académicien Jean-Robert Pitte, aux éditions Tallandier, un bel ouvrage autour du vin et de sa mise en bouteille. Disponible à la librairie des Immortels, en vue du Pont des Arts, c’eût été bête de passer devant sans l’acquérir pour s’instruire. Continuer la lecture

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Annette Messager fait comme si… et fait comme ça

Lorsqu’il décida de mettre fin à ses jours, le 27 août 1950 dans une chambre d’hôtel de Turin, le poète italien Cesare Pavese laissa sur une table un dernier texte «La mort viendra et elle aura tes yeux». La plasticienne Annette Messager a décidé de prendre cette formule troublante et ambiguë au pied de la lettre. Dans sa dernière exposition présentée au musée d’art moderne de Villeneuve-d’Ascq, cinq grands dessins d’œils sont collés au mur, disposés en pyramide. Il faut s’approcher de très près pour découvrir que dans la pupille de chaque œil se cache une tête de mort. La référence à Pavese est revendiquée. Dans la même salle, une installation posée à même le sol évoque une ville en ruines, comme calcinée. On peine à reconnaître la Tour Eiffel, Notre-Dame de Paris ou le centre Pompidou. Seules émergent des têtes d’animaux en peluche qui ont gardé leurs couleurs. L’unique survivant parmi les humains, c’est Pinocchio, celui qui ment et qui ne veut pas grandir. Cela s’intitule « La Revanche des animaux ». Continuer la lecture

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