Pour de faux

Un faux certifié c’est en soi quelque chose d’authentique. Pourtant, dans sa toute dernière et tant attendue livraison, la Revue d’études apollinariennes, a publié un certificat de « non-authenticité » relatif à une dédicace (assortie d’un dessin) de Guillaume Apollinaire. L’expert cité, Thierry Bodin, précise en outre qu’elle est le fait « d’un même faussaire » dont les tricheries ont déjà circulé sur les marchés d’amateurs. Dès qu’il est question d’argent, le doute est toujours sous-jacent. Au point que la même revue faisant état de la vente en 2018 d’une carte postale adressée par Picasso à Apollinaire cent ans auparavant et arrachée 166.000 euros aux enchères, formule ce commentaire: « Espérons que cette carte n’est pas l’œuvre du faussaire de génie, cauchemar des experts, qui s’attache tout particulièrement à Apollinaire ». La missive a cependant été expertisée et ce qui compte on en conviendra, c’est le certificat qui vient parfaire le parfum du vrai. Continuer la lecture

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Contes de fées en analyse

Bien avant qu’Onkel Sigmund et Mélanie Klein ne s’aventurent à décrypter l’inconscient enfantin, les folklores régionaux y avaient greffé des archétypes fort pertinents, s’exprimant dans les contes. Bruno Bettelheim rencontrera le succès en effectuant le chemin inverse, tentant de rapprocher ces archétypes avec les métaphores des théories psycho-analytiques (« Psychanalyse des contes de fées », Laffont 1976). Succès semble t il immérité, car il aurait pompé sans vergogne sur les travaux d’un confrère, Julius Heuscher, les éléments de son bouquin. À côté de cette référence incontournable, il existe des catalogues (notamment celui de Aarne et Thompson) recensant les récits, en fonction de la catégorie, du motif type, et des variantes rencontrées. Car d’un pays à l’autre, à thèmes communs, des habits différents. Avec, éventuellement, à l’exemple de Charles Perrault, l’ajout d’une morale lénitive. Continuer la lecture

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Visite garantie surréaliste

Pour ceux qui connaissent un peu et s’intéressent au surréalisme, c’est un régal, pour les autres cela peut être un peu plus compliqué. La BNF, en partenariat avec la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, vient d’ouvrir l’exposition «L’invention du surréalisme, des Champs magnétiques à Nadja», prévue à l’origine le 15 décembre 2020. L’exposition, très bien présentée et documentée, très riche, balaie large, au risque de nous perdre, en tout cas ceux qui, comme moi, ne sont pas totalement initiés aux acteurs du surréalisme et à leurs agissements. Le placement des cartels, parfois éloignés des documents qu’ils décrivent, est ici et là déroutant et oblige à une certaine gymnastique. Mais, après tout, on est dans le surréalisme. Continuer la lecture

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Les poèmes vraiment idiots de Myriam Mester

Pratiquement contemporaine de Louise Lalanne, la poétesse Myriam Mester est loin d’avoir connu la même célébrité. Le personnage de Louise Lalanne, tous les apollinariens le savent, était une invention de Guillaume Apollinaire, complice en l’occurrence du directeur de la revue Les Marges, d’Eugène Montfort. Sa signature apparaissait en 1909 dans des articles consacrés aux écrivaines célèbres de l’époque (la comtesse de Noailles, Colette, Lucie Delarue-Mardrus) ainsi qu’au bas de quelques poèmes assez gnan-gnan. La supercherie dura une bonne année, avant d’être révélée par le directeur de la revue qui mit fin à son existence littéraire en prétextant que la jeune femme avait été enlevée par un officier de cavalerie. Si ce personnage bénéficie aujourd’hui encore de la célébrité acquise par son Pygmalion, ce n’est pas le cas de Myriam Mester poétesse tout aussi fictive apparue dans le monde des Lettres deux ans plus tard. Continuer la lecture

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Le cavalier du South Dakota

En attendant de voir bientôt en salle le multi oscarisé de cette année «Nomadland», on peut voir en DVD le film précédent de Chloé Zhao. Depuis ses multiples oscars, nous savons tous qu’après avoir grandi à Pékin, elle est venue via Londres étudier le cinéma à New York University (NYU). Ce parcours original d’immigrée explique sûrement le thème et le style de ses films. Si «Nomadland» nous entraîne à travers le pays sur les traces de marginaux, ses deux premiers films se déroulent dans des réserves indiennes du Dakota du Sud, le premier, «Songs my father told me» («Les chansons que mon père m’a apprises») datant de 2015. Le second film, «The rider» (« Le cavalier »), fut tourné sur une réserve Sioux du Dakota du Sud, et nommé meilleur film de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2017. Continuer la lecture

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Le téquila, l’or liquide du Mexique

Tequila, ton nom crépite comme un feu mexicain qui pique le gosier d’une brûlure âcre. Il s’illumine de bleu irisé, la couleur des champs agaves, ces grands cactus plantés en rang d’oignon dans le Mexique central où tu es né. Au Mexique, on t’appelle «le» tequila, peut-être pour souligner ta force virile. Mais tu n’hésites pas à flirter avec le citron et le sel pour te travestir en Margarita. Goutte d’or transparente, personnalité extravagante qui coule dans les veines du monde entier, tu as su te faire une réputation au-delà des frontières. Plus de 80 % de ta production totale, soit 350 millions de litres en 2019, est destinée à l’exportation et, sans surprise, ce sont les États-Unis qui en absorbent 55%. Parmi les nombreuses marques de tequila (plus de 1000), les stars ont pour nom : Herradura, Cofradia,  Sauza Hornitos, El Tesoro,  Jose Cuervo, Tres Hermanos, etc. Et pas question de jouer avec ton identité mexicaine, le tequila fait l’objet d’une réglementation précise. Il ne peut être produit qu’à partir d’une seule variété d’agave, la Tequilana Weber Azul, pour être étiqueté 100 % Tequila et n’est produit que dans cinq États mexicains : le Jalisco, Michoacán, Tamaulipas, Nayarit et Guanajuato. Continuer la lecture

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Max Jacob, 8 rue du Parc

À côté d’un vase se trouve un « Lui » qui ne date pas d’hier. Un magazine que l’on disait, du temps de sa gloire, réservé à l’homme « moderne » et surtout à l’amateur de femmes nues. Le côté profane de la chose est que le journal en question se trouvait toujours, du moins en date du 19 mai, au premier étage de la maison de Max Jacob, à Quimper. Oui Max Jacob, né en 1876 dans cette ville du Finistère, Max Jacob le poète, Max Jacob le peintre, Max Jacob l’ami de Picasso et d’Apollinaire. Cette maison familiale que l’on trouve facilement, un peu en retrait des rives de l’Odet, vient de faire l’actualité. Selon Le Télégramme, sa mise à l’encan était prévue pour le 12 juin, elle a finalement été ajournée. Comme le disait un vieux patron de presse, une annonce suivie d’une annulation, cela fait toujours deux infos, bonnes à imprimer. Auxquelles, permettons-nous d’en ajouter une troisième, la disparition de la salle Max Jacob au Musée des Beaux-Arts de Quimper. Un comble. Continuer la lecture

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On se risque sur le bizarre

Se souvenir de rêves étranges au réveil nous rend perplexes, faute de savoir ce qu’ils signifient. Le Britannique John Benjamin Goodwin (1850-1912) s’était employé à en traduire certains. Ainsi, selon lui, « rêver de ténèbres » signifiait que l’on allait « trébucher sur un oreiller et tomber dans une malle ». Il maniait d’une certaine façon la poésie un brin teintée de surréalisme puisque, autre exemple, « Rêver d’un hameçon »  voulait dire que sous une « chute d’eau » nous pouvions dès lors trouver une chambre « dans laquelle un perroquet » verserait du thé. Continuer la lecture

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Une élégance perdue

À un bout du bassin de la Villette à Paris, ce petit pavillon encore habité dans les années quatre-vingt-dix est désormais invisible. Les derniers tags qui le recouvrent, comme on peut le voir en bas à gauche, sont datés de l’année. L’ensemble côtoie un urinoir-ogive, chef-d’œuvre impressionnant du gothique contemporain. Les vespasiennes avaient un style, notamment appliqué par Gabriel Davioud du temps de Napoléon III. On peut discuter de son époque, au moins avait-elle une cohérence. Cet urinoir pour trois n’est pas pour autant représentatif d’un mauvais goût ambiant, mais davantage d’une absence de goût, laquelle hélas se métastase de façon exponentielle. Le Paris que chantait Apollinaire dans « Vendémiaire » n’est plus. Du moins dans les lieux sous le contrôle de la municipalité. Aucun arrondissement n’échappe désormais à cette esthétique du camping, cette religion potagère, cette poésie du déchet, ce culte du graffiti, cette politique d’éradication du style passé, lesquelles essaiment implacablement sur les voies et carrefours. Continuer la lecture

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Ni dieu ni maître

Le Robert définit l’anarchie comme « résultant d’une absence ou d’une carence d’autorité ». Et de citer Bossuet afin d’enfoncer le clou, lequel postulait que « l’anarchie déchaîne les masses et asservit les indépendances individuelles ». Le géographe Élisée Reclus (1830-1905, ci-contre) faisait preuve dans ce domaine de davantage de subtilité. Il avait en effet prononcé un vœu selon lequel la destinée de l’humanité était « d’arriver à cet état de perfection idéale où les nations n’auront plus besoin d’être sous la tutelle d’un gouvernement ou d’une autre nation ». En précisant sans craindre le paradoxe que l’anarchie n’est au fond « que la plus haute expression de l’ordre ». Cet homme un peu oublié par la postérité, pourtant aussi connu en son temps que Victor Hugo ou Louis Pasteur, vient de faire l’objet d’un livre aux éditions Nada. Le voilà un peu ressorti des limbes de l’histoire. Continuer la lecture

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