Les beaux embarquements de Cherbourg

Ce motif incrusté d’un gros bateau faisant mousser l’océan de part et d’autre de son étrave, est perché bien haut sur la façade de la gare maritime de Cherbourg. Il symbolise une époque brillante mais désormais assoupie. Pour procéder à l’inauguration du bâtiment, en 1933, le président Albert Lebrun avait pris le train. Et pas n’importe lequel. Il était tracté par une automotrice Bugatti capable de filer à 170 km/h. Le chef de l’État, accompagné de divers ministres, débarqua dans la ville enguirlandée pour l’occasion, trois heures seulement après son départ de Saint-Lazare. Son arrivée fut saluée par cent coups de canon. C’est ce que raconte dans son livre Gérard Destrais, libraire à Cherbourg (1). La quatrième de couverture indique un prix de 270 francs, c’est dire qu’il ne date pas d’hier. Mais il en reste quelques exemplaires pour qui passerait par hasard, dans les vieilles rues du centre-ville. Continuer la lecture

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La vie en douce de Jonas Fink

Chez Casterman, ils ont eu la bonne idée de réunir en un seul volume les tribulations d’un jeune homme à Prague dans les années cinquante et au-delà. L’un des aspects exceptionnels de cette affaire, est que Vittorio Giardino a commencé à écrire et dessiner la vie de Jonas Fink en 1992, et qu’il a mis un point final à son feuilleton paru par étapes en 2018. Cet album de plus de 300 pages captive de bout en bout. Tout y est particulièrement soigné, qu’il s’agisse du trait, des cadrages, de la couleur ou de l’écriture. La lenteur a payé. À nul moment l’on s’y perd, à nul moment comme cela arrive trop souvent par ailleurs, on s’interroge sur l’identité d’un protagoniste. C’est bien mieux que ficelé, la maîtrise est patente de bout en bout. Cela vient donc de sortir et ce récit fait un peu écho à la vie diminuée de sa culture que nous traversons en ce moment. Continuer la lecture

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Protocole

Tous les quatre ans, le 20 janvier, Potus et Flotus s’installent dans leur résidence officielle. Parvenus, lors de l’élection, au mitan de leur vie, si ce n’est plus, les présidents accèdent à la magistrature suprême en ayant déjà contracté mariage. Selon le rite de la religion dont ils se réclament, car un athée ostensible n’aurait, en l’état actuel, aucune chance devant les électeurs. Ce jour là, ils représentent, par construction, le couple états-unien modèle. Ensuite, ce sera vie privée, sauf à se faire pincer à cause d’une stagiaire conservant par devers elle une petite robe bleu marine porteuse de l’ADN présidentiel.
Au reste , dès que le mari a manifesté des velléités de se porter candidat à la candidature, tous les fouille-merdes ont gratté dans son voisinage afin de dénicher l’anicroche contraire aux valeurs conjugales. Une liaison clandestine, ne serait ce que le coup d’un soir, et c’en est fini des espoirs d’investiture. Pour les Républicains comme chez les Démocrates. La mésaventure du sénateur Gary Hart, donné gagnant jusqu’à plus ample information, est là pour en témoigner. Continuer la lecture

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Guillaume Apollinaire en réclame

Un peu parce que l’Algérie est dans l’actualité suite à la remise du rapport Stora au Président de la république, un peu aussi parce que Apollinaire y a séjourné quelques jours entre 1915 et 1916 (1), un peu enfin parce qu’il s’agit d’une édition de 1914 pas si courante, ce guide Joanne sur l’Algérie et la Tunisie vient de passer de l’étal du vendeur à la poche de l’acheteur. Il racontait notamment de quelle façon il était possible de rallier Oran à Tunis en 1914, en voiture, en train, en tramway électrique, en vélo, voire à cheval ou à dos de mulet. Les questions politiques n’y étaient pas abordées, au profit des seuls aspects pratiques comme celui consistant à se munir d’un casque colonial. Paul Joanne y invitait ses lecteurs à lui adresser leurs retours d’expériences, via des pages détachables. L’ouvrage celait néanmoins une image inattendue liée au fondateur des Soirées de Paris. Continuer la lecture

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Dessin et cinéma, un lien indéfectible

Heureusement, si les musées sont fermés, les galeries restent ouvertes ! Il est donc encore possible de contempler une œuvre d’art lors d’un bienheureux face à face dans lequel aucun écran numérique ne vient s’interposer. Déambuler dans un espace d’exposition, même petit, et se laisser absorber, émouvoir, par une œuvre peut encore être à notre portée. Un luxe par les temps qui courent… Espérons que ce bonheur-là ne nous sera pas enlevé dans les prochains jours. Prévue initialement en mars, puis en novembre, “Tout un film !”, l’exposition présentée actuellement au Drawing Lab Paris, a enfin pu voir le jour et ouvrir ses portes au public le 16 janvier. Conçue en partenariat avec la Cinémathèque française, elle propose une sélection de dessins issue de la collection de l’institution et le travail en miroir de quatre artistes contemporains (Camille Lavaud, Mathieu Dufois, Antoine Marquis et Elsa Wert), nous montrant, si besoin est, le lien indéfectible qui unit le dessin au 7ème art. Continuer la lecture

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Bastien et Bastienne pour de vrai à l’Opéra de Lille

L’autre jour, j’ai fait un truc fou, je suis allée à l’Opéra ! Mais comment est-ce possible me direz-vous puisque tous les lieux de culture sont fermés en France ? Il ne s’agissait pas non plus d’une captation diffusée en direct sur écran mais d’un vrai spectacle dans une salle obscure avec de vrais artistes sur scène et même un orchestre entier, celui de Picardie sous la direction d’Arie van Beek. J’ai pu vivre ce moment exceptionnel grâce à l’Opéra de Lille qui avait invité ce jour là quelques professionnels à la création de « Bastien et Bastienne », le premier opéra d’un jeune Mozart de 12 ans et dont la première et unique représentation du vivant du compositeur eu lieu à Vienne en 1768. Je mesure le privilège qui m’a été donné et je me propose de le partager avec vous avant que vous ne puissiez à votre tour découvrir ce réjouissant spectacle familial qui tournera quand des jours meilleurs s’annonceront. Continuer la lecture

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Giacometti-Beckett, une amitié, un arbre

Alberto Giacometti (1901-1966), sculpteur et peintre suisse né à Borgonovo, dans le val Bregaglia, à la frontière italo-helvétique. Samuel Beckett (1906-1989), écrivain, poète et dramaturge irlandais né à Foxrock, dans la banlieue sud de Dublin. Rien, au départ, ne prédisposait les deux hommes à se rencontrer. Mais, en 1922, Giacometti part étudier à Paris et entre à l’Académie de la Grande-Chaumière suivre les cours du sculpteur Antoine Bourdelle (1861-1929). Beckett, lui, après des études de littérature au Trinity College, obtient, en 1928, un poste de lecteur d’anglais à l’Ecole nationale supérieure de la rue d’Ulm à Paris. C’est en 1937 que la rencontre a lieu, dans ce Paris hautement cosmopolite où se pressent alors artistes et intellectuels du monde entier. Si l’amitié qui lie Giacometti à Beckett n’est pas la plus connue, c’est en tout cas l’une des plus durables, qui ne s’éteindra qu’à la mort du sculpteur. Une très belle exposition à l’Institut Giacometti propose (dès sa réouverture…), à travers documents rares et pièces emblématiques, de mettre en lumière cette amitié, les affinités entre les deux œuvres jusqu’à cette ultime et unique collaboration que fut la réalisation de l’arbre pour la reprise de “En attendant Godot”. Continuer la lecture

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Exploser le silence

Implacable chronologie. Le secret a été bien gardé. Le 4 janvier dernier, Le Monde dévoile le livre que le Seuil publiera trois jours plus tard, «La familia grande», signé Camille Kouchner. Dans des extraits percutants, l’auteure accuse son beau-père, Olivier Duhamel, d’avoir abusé sexuellement de son frère jumeau dans les années 1990. Soit trente ans plus tôt. Ce même lundi, le célèbre constitutionaliste de 70 ans, professeur émérite à Sciences Po, fondateur de la revue Pouvoirs en 1977, président du club très fermé Le Siècle depuis janvier 2020, homme de télévision et de radio, homme de réseaux germanopratins et de pouvoir, publie ce communiqué : «Étant l’objet d’attaques personnelles, et désireux de préserver les institutions dans lesquelles je travaille, j’y mets fin à mes fonctions.»
Sollicité par Le Monde, il répondra : «Je n’ai rien à dire là-dessus» … Là-dessus… Depuis, il ne s’est toujours pas exprimé. Déboulonnage immédiat. Encore un: voir mon article du 14 janvier 2021 sur «Le Consentement» de Vanessa Springora. Continuer la lecture

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Georges Brassens, la bonne réputation

Si de son vivant il s’est montré assez indifférent à toutes sortes d’honneur, Brassens (ci-contre en 1965) n’a pu échapper post mortem aux hommages qui lui sont régulièrement consacrés, comme ceux prévus en cette année 2021, pour le centième anniversaire de sa naissance (à Sète, est-il besoin de le préciser). Déjà en 2011, une importante exposition à la Cité de la Musique, à Paris, avait rassemblé plus de 130 000 visiteurs. Dans sa ville natale, l’Espace Brassens, ouvert il y a 30 ans, accueille bon an mal an une cinquantaine de milliers de visiteurs. Il n’y a pas de public type : on vient seul, ou en famille, ou entre copains. Toutes les générations sont représentées. C’est que, pour reprendre une formule galvaudée, «chacun a le Brassens qu’il veut». Continuer la lecture

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« Encore une chance qu’il soit aimable le monsieur »

Ainsi s’exprimait l’inspecteur de police Esperanza face au reporter Bastien Grimaldi. lequel accueillait à contre-cœur les deux filles du premier chez lui. C’est drôle quand on y repense puisque l’inspecteur en question était joué (face à Lino Ventura) par Jean-Pierre Bacri disparu hier à 69 ans. Cet acteur dont chaque article nécrologique paru lundi soulignait immanquablement son côté bougon. « Encore une chance qu’il soit aimable le monsieur » proférait donc Bacri dans « La septième cible », le film de Claude Pinoteau sorti en 1984. Bacri n’y détenait qu’un second rôle parmi d’autres mais déjà pointaient toutes ses qualités d’acteur. L’inspecteur Esperanza commençait par ailleurs certaines tirades par « pensant bien faire » (pour excuser une bêtise), amenant un Ventura exaspéré par un contrôle fiscal imminent, à lui répliquer: « arrêtez de commencer vos phrases, par pensant bien faire, Esperanza ». Le tout entre deux as du savoir-faire qui depuis se sont fait la paire. Continuer la lecture

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