Couper le sifflet

Le soir, quand vient l’heure de la fermeture des squares, les gardiens des lieux s’époumonent au bec de leur sifflet. Il est, à ce propos, temps de remarquer que l’usage du sifflement touche à sa fin. La présomption de harcèlement fait que plus personne ne siffle les filles (ou les garçons). Les TGV n’ont que faire des habitudes de leurs aïeux à vapeur. Il y a beau temps que la police ne fait plus la circulation aux carrefours et désormais, l’usage d’un masque terrasse toute ambition d’ouvrir les lèvres afin de siffloter. À vrai dire le masque n’y est pour rien, c’est l’époque qui manque de légèreté. Tant d’urgences convoquent le citoyen certifié coupable d’un peu tout à la fois qu’il en oublie la simple gaieté de siffler. S’y abandonner reviendrait à injurier l’actualité. Continuer la lecture

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Felix del Marle, « French Futurist »

Même s’il est un peu réducteur, le titre donné donné par la Carus Gallery  de New-York en 1982 au peintre français Felix Del Marle, « French Futurist », n’était pas mensonger. Le peintre né dans le nord de la France en 1889 est effectivement l’un des rares artistes français à s’être illustré dans le mouvement futuriste dès ses premières manifestations à Paris. Tout juste âgé de 23 ans, le jeune homme, qui avait rompu avec sa famille pour se consacrer exclusivement à son art, adhéra pleinement aux théories prônées par un groupe d’intellectuels italiens menés par le poète Tomasso Marinetti. Ce futurisme vantait la vitesse, la mécanisation, le machinisme, en somme tout ce qui constituait la modernité industrielle. Continuer la lecture

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Pas vraiment à bout de souffle

On ne sait pas si Jean-Luc Godard ferait preuve de la même modestie que le musicien qu’il avait recruté pour son film « À bout de souffle » (1960). Alors que la musique de Martial Solal, composée pour l’occasion, nous apparaît à nous spectateurs comme indissociable du symbole cinématographique de la nouvelle vague. Martial Solal, qui aura 93 ans le 23 août, disait en 2002 à l’occasion de la parution d’une collection de musiques de films créée par la marque Universal, que si « À bout de souffle » n’avait pas existé, la musique imaginée pour accompagner Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo à l’écran, n’aurait pas rencontré « d’intérêt particulier ». Voire. Quand on l’écoute en faisant mentalement abstraction du film, elle se suffit à elle-même. C’est du bon, du très bon jazz qui a su s’affranchir de l’époque qu’il caractérisait. Continuer la lecture

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Madame Proust

La lecture de “À la recherche du temps perdu” (1) nous mène à suivre le narrateur dans ses souvenirs et concomitamment à nous immiscer dans l’existence même de Marcel Proust (1871-1922). Les personnages et lieux indissociables du grand œuvre renvoient à la vie de son auteur, à sa famille, ses amis et ses nombreuses relations mondaines puisque Proust, sous l’apparence de la fiction, a fait une œuvre littéraire de ce temps perdu et retrouvé de sa propre vie. Jeanne Proust (1849-1905), sa mère, y occupe une place prépondérante et la biographie de cette dernière par Évelyne Bloch-Dano,  “Madame Proust”  (2004), met en lumière une femme hors du commun, dont la relation avec son fils aîné fut aussi fusionnelle qu’exceptionnelle, tout en faisant revivre sous nos yeux nombre de modèles proustiens. Une plongée des plus plaisantes dans l’univers du grand Marcel. Continuer la lecture

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Bons baisers

C’est juste une façon de dire, on l’aura compris. Car le port du masque est aussi devenu une bonne excuse pour éviter d’embrasser à qui mieux-mieux, surtout dans le sud où les bises entre personnes vont jusqu’à deux allers et deux retours de joue à joue. Mais on ne peut plus se sourire. Même faire la gueule est devenu vain. Il n’y a qu’en plein air et en l’occurrence sur les plages que l’on pourra voir, à compter du premier août, la bouche de notre prochain. Et encore, précaution oblige, nombreux sont ceux qui portent et porteront le masque à l’extérieur. Cela fera au final de belles traces de bronzage rectangulaires. Désormais, l’haleine n’est plus ni mauvaise ni fraîche, elle est suspecte, menaçante. Et tout cela pourrait durer encore des mois à écouter ceux qui savent. Continuer la lecture

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L’Opéra Comique vous invite tout l’été

Toutes les maisons d’opéra ayant dû fermer ces derniers mois et l’incertitude régnant plus ou moins sur leur réouverture, certaines nous proposent sur internet dès maintenant, en lot de consolation, une sélection de leurs productions récentes.
L’Opéra Comique, en particulier, nous fait un beau cadeau en nous offrant trois des plus belles productions de la saison 2019. Il y en a pour tous les goûts : baroque, XIXème français, contemporain.
Installez-vous bien, et cliquez sur votre ordinateur ! Continuer la lecture

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Le musée Guimet, de la terrasse au rez-de-jardin

Déjà plein d’attraits, le musée Guimet a décidé, durant l’été, d’ouvrir sa terrasse au public. Elle offre un joli point de vue sur Paris et permet d’ôter le masque afin de prendre l’air sans ce filtre qui nous embue les lunettes. Elle permet aussi de retrouver la lumière après avoir découvert dans la pénombre préméditée du rez-de-jardin, 70 estampes sorties des réserves, dont nombre du Mont Fuji sous la neige. Rares sont les artistes comme le Finlandais Albert Edelfelt (1854-1905) qui ont su figurer la neige. Les techniques particulières de l’estampe japonaise de la période Edo jusqu’à l’époque contemporaine du shin-hanga (mouvement artistique japonais du 20e siècle au Japon, périodes Taisho et Shōwa) ont favorisé, en jouant notamment avec les contrastes, l’expression de ce blanc particulier et de ses nuances poudreuses ou glacées. Continuer la lecture

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Mister Blade, l’indésirable

Avec le développement des boîtes aux lettres électroniques sont très vites apparus les dossiers contenant des messages indésirables. Et il faut bien y jeter un œil de temps en temps car les systèmes de filtrage, par effet de zèle, identifient comme non sollicitées des missives qui ne mériteraient pas une telle mise à l’index. Ces courriers mal aiguillés sont au moins dignes d’être lus, même s’ils ne correspondent pas, loin s’en faut, à un désir proprement dit. La boîte aux lettres des Soirées de Paris et de son principal animateur n’échappe pas aux messages de masse, mais l’un de ceux reçus cette semaine, retenait l’attention. Sous l’objet « warning », un certain monsieur « Dragon Blade » prévenait l’auteur de ces lignes qu’il faisait l’objet d’un contrat. Continuer la lecture

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Rébellions séculaires

Les murs de Paris se garnissent depuis quelques mois de slogans féministes dont l’idée portée déconcerte quelquefois. Celui-là, qui figure sur un mur de la rue du groupe Manouchian dans le vingtième arrondissement, nous explique en termes imagés qu’une femme peut parfaitement se passer d’un homme comme le poisson d’une bicyclette. À quelques encâblures de l’endroit, rue de Belleville, une autre revendication souligne en poussant le bouchon jusqu’aux limites de l’absurde: « nos cunnis valent mieux que leurs profits. » Ainsi vont les murs de la capitale, dans un langage pariétal immémorial qui doit bien remonter jusqu’aux hommes des cavernes. Et qui coïncide avec la sortie d’un livre ambitieux intitulé « Rébellion! » retraçant « l’histoire mondiale de l’art contestataire ». Continuer la lecture

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La frayeur du watman

C’était l’époque où la ramification du métro parisien prenait son essor. Ce début de siècle était tellement pressé d’aller et venir autrement qu’à cheval que le sol des trottoirs s’effondrait régulièrement sous la poussée du métro en construction. Les nouveaux modes de transport faisaient le miel des gazettes comme ce 22 mars 1913 où le conducteur d’un tramway qui manœuvrait place de Clichy constata que son système de freinage ne répondait plus. On l’appelait le « watman » parce que l’engin était électrique. Hurlant à qui voulait bien l’entendre qu’il avait perdu le contrôle de son véhicule, il a défoncé un fiacre, une arroseuse municipale, une fleuriste et une voiture de charbonnier. Dévalant la pente à toute allure, empruntant la rue de Rome, le boulevard Haussmann, rien ne pouvait plus freiner sa course jusqu’à ce qu’il s’encastre quelque part dans la rue Tronchet. Cette mésaventure a été repérée dans un livre édité en 1968 par les Éditions de minuit, dont le propos était de recenser l’actualité, essentiellement parisienne, entre 1900 et 1919. Continuer la lecture

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